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American Arcadia – Tête froide et Truman Show

miniblob par miniblob,  email  @ptiblob
Développeur / Editeur : Raw Fury Out of the Blue
Support : PC
On nous a menti, l’enfer ne ressemble pas à un spa volcanique peuplé de petits diablotins cornus et fourchus. Le véritable enfer, c’est d’être coincé dans les années 70, d’être quotidiennement obligé de porter des pantalons patte d’eph pour se rendre à un boulot qui n’a aucun sens, y côtoyer des collègues qui n’ont aucune saveur et le tout sous le regard scrutateur de millions de voyeurs. Bref, c’est le quotidien de Trevor Hills dans American Arcadia. Heureusement, vous allez l’aider à prendre la tangente.
Ce n’est pas tous les jours facile d’être le petit deuxième, et ça vaut aussi pour les productions d’un studio de jeu vidéo. Le premier projet d’une jeune structure doit certes faire ses preuves, mais le second est lui tenu de faire aussi bien, sinon mieux que son aîné, de s’en démarquer sans pour autant trahir la philosophie générale de la compagnie. Bref, il a la pression. En l’occurrence, les Espagnols d’Out of the Blue avaient déjà mis la barre assez haut avec leur premier titre, Call of the Sea. Ce jeu d’aventure à la première personne ne proposait peut-être pas les énigmes du siècle, mais il avait su se démarquer en s’appuyant sur une narration parfaitement maîtrisée qui se jouait des carcans du mythe lovecraftien pour en proposer une approche rafraîchie. C’était nouveau, c’était intelligent et c’était bien amené. On change totalement de décor avec leur nouveau titre, American Arcadia, puisqu’il s’agit cette fois-ci de plonger dans une ambiance rétrofuturiste pour taper sur la société du spectacle. Mérite-t-il le « Guy Debord Seal of Quality » ou s’agit-il d’une énième critique tiède et peu inspirée ?

Big Bored is watching you

Il faut dire que le postulat de départ a de quoi surprendre. D’ailleurs, cet article se contentera de décrire le début du scénario pour éviter de vous gâcher la surprise, mais si vous voulez rester vierge de tout a priori, il n’est pas trop tard pour suspendre votre lecture le temps de découvrir par vous-même de quoi il en retourne. Donc, on commence par faire la connaissance de Trevor Hills, un petit gars au look seventies improbables et dont la vie est tristement banale. On le dirige de gauche à droite, à la manière d’un jeu de plateforme 2D (si, si, je vous assure, pour l’instant, il se traîne, mais il faudra bien qu’il coure et qu’il saute par la suite…). Seulement voilà, il entend parfois une étrange musique qui le met sur ses gardes, sa télé ou des écrans de contrôle perdent les pédales un instant quand il passe devant. Bref, il y a un truc qui cloche.

Le summum étant atteint lorsqu’il gagne un séjour de vacances à un jeu auquel il ne s’était même pas inscrit. Une voix venue de nulle part le met alors au parfum : Trevor est dans une immense émission de télé-réalité, American Arcadia, depuis sa plus tendre enfance. Le hic, c’est que sa vie n’intéresse personne et que la production s’apprête à se débarrasser de lui de la manière la plus radicale qui soit. Heureusement, la mystérieuse voix va l’aider à s’enfuir en prenant le contrôle à distance de différents mécanismes.



Concrètement, il s’agit donc de courir le plus vite possible ou de passer discrètement pour échapper aux gardes. Il est régulièrement possible de prendre le point de vue des caméras de sécurité pour ouvrir des portes, jouer avec les lumières ou mettre en route un engin quelconque tout en dirigeant Trevor. Si American Arcadia s’en était tenu là, il s’agirait presque d’un banal jeu de plateforme réflexion, mais il prend tout de suite une autre ampleur lorsqu’on quitte un instant des yeux Trevor et qu’on se retrouve dans les bottes de son ange gardien, Angela Solano. Changement de point de vue, on passe alors à la première personne pour aller fureter dans les locaux où l’émission de télévision est produite.

Le passage d’une mécanique de jeu à l’autre rappelle les heures les plus sombres de la saga Assassin’s Creed et ses déambulations dans les bureaux d’Abstergo, à la différence près qu’ici, ce ne sont pas des passages chiants déconnectés du reste. D’ailleurs, c’est dans le chevauchement des deux niveaux de gameplay que le jeu nous fait profiter de ses meilleures idées de mise en scène : Angela qui surveille par exemple d’un œil un écran figurant la progression de Trevor pendant qu’elle doit interagir avec des collègues sans perdre la face.

Running Man avec une moustache (et un peu moins de muscles...)

Si le décalage entre les deux points de vue fonctionne, c’est aussi une question de choix artistiques. Là où Angela va évoluer dans des environnements très modernes aux couleurs à dominantes froides, Trevor, lui, est enfermé dans un monde tiède et chatoyant qui est resté coincé dans les années 70, ou plutôt dans une représentation futuriste qui pourrait dater de cette époque. Pour celles et ceux qui connaissent, on n’est pas très loin du design d’une bande dessinée comme Il faut flinguer Ramirez. Ça veut dire que derrière les grosses moustaches et les pantalons patte d’eph, on a aussi une tonne de trouvailles visuelles folles qui vont de l’architecture à la décoration d’intérieur en passant par l’esthétique de leurs panneaux publicitaires.

Et la cerise sur le gâteau de cette cohérence, c’est bien entendu la musique qui n’est pas en reste avec des voix et des accords qui semblent tout droit sortis des années 70, d’ailleurs, elle est à plusieurs reprises mise en avant en venant jouer un rôle directement dans la narration. Tant qu’on en est à aborder la partie sonore, il faut aussi saluer le doublage particulièrement réussi, mais ce n’est pas une surprise puisqu’on retrouve des voix qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres jeux vidéo telles que Cissy Jones, Krizia Bajos ou Yuri Lowenthal.



En gros, tous les ingrédients semblent bel et bien réunis pour nous plonger dans une ambiance et une histoire du tonnerre. Est-ce que ça marche ? Oui ! Franchement la narration est le gros point fort d’American Arcadia, on est tenu par son scénario pendant les six ou sept heures que dure l’aventure. Certes, quelques retournements de situation paraissent peut-être prévisibles, mais en revanche, le gros de l’histoire demeure aussi prenante que surprenante. En jouant habilement de ses multiples références, elle parvient à anticiper nos attentes, que ce soit pour les combler ou pour les prendre à revers.

De la même façon, on l’a déjà abordé, le jeu s’appuie aussi sur quelques très bonnes idées de mise en scène. Là où en revanche, American Arcadia se montre le plus faible, c’est en matière de puzzle à proprement parler. Heureusement par exemple que les phases de plateforme ne s’éternisent jamais, car leur composante réflexion manque souvent de finesse et parfois même de précision. C’est particulièrement énervant de devoir refaire plusieurs fois une séquence avec des sauts dangereux tout bêtement parce que les éléments avec lesquels il est possible d’interagir n’apparaissent pas clairement. Les phases à la première personne proposent des énigmes plus posées, mais on ne tape jamais non plus dans le retournement de cerveau. Rien de bien méchant, ne vous inquiétez pas, le cocktail reste très plaisant à déguster, sachez seulement que c’est une recette dans laquelle la narration prend le pas sur la réflexion.

American Arcadia réussit son pari. Grâce à lui, Out of the Blue nous prouve que son premier jeu, Call of the Sea, n’était pas le fruit du hasard. Le studio maîtrise bel et bien une recette qui lui est propre, une alchimie délicate qui donne naissance à des jeux d’aventure portés par une narration hors du commun et agrémentés d’énigmes pas trop casse-tête.

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