TEST
Sonic X Shadow Generations sur Switch 2, la dernière séance

Développeur / Editeur : SEGA
Qui ne s'est jamais mis des oeillères pour conserver instinctivement un bon souvenir d'un jeu pas dingue au demeurant ? Oh wow, en voilà une belle phrase d'accroche pour le test de Sonic X Shadow Generations sur Switch 2. Oserais-je le dire... allez... Sonic n'a jamais été un bon jeu de plateformes. En tout cas, pas tant qu'un bon jeu d'inertie, où on se laisse griser par la vitesse et où on appuie de temps en temps sur le bouton de mise en boule en gardant le stick bien orienté vers la droite pour se relancer. Tout ça en espérant ne pas se manger un mur qui viendrait couper net notre plaisir.
C'est en tout cas ça que je préfère en garder, le fameux gameplay Alesi "à fond à fond à fond" qu'on retrouvait dans une poignée d'épisodes. Malheureusement, plonger dans l'univers de Sonic, c'est aussi accepter une tonne de jeux cassés, ratés, une direction artistique qui part dans tous les sens, un gameplay qui n'a jamais vraiment trouvé sa voie... et les relations malaisantes entre ces hérissons et leurs voisins les humains. Un test doublé d'une prise chaude express ? Va pour ça, sortez les objets contondants !Je vais la faire courte, car le jeu avait pas mal marqué les esprits à sa sortie. Sonic Generations se voulait un pot-pourri du meilleur du meilleur après des épisodes Wii peu glorieux (et avant le naufrage sur Wii U). Son petit truc à lui, c'était d'offrir un panaché de stages en 2.5D et en 3D, dans des niveaux revisités issus des mondes iconiques de la série, au fil de la très courte aventure. Le tout prenait place dans "l'espace blanc", un hub en ligne droite représentant une ligne temporelle figée dans lequel Sonic allait petit à petit réveiller ses amis. Et franchement, j'en avais gardé un bon souvenir, disons assez bon pour qu'il devienne mon jeu Sonic préféré. Ok, le titre avait toujours pour lui ces arrêts aussi abrupts qu'irritants, causés notamment par une caméra resserrée sur l'action qui faisait qu'on se prenait toujours un pic ou un monstre en travers de la route à 300 km/h, un peu comme quand Leslie Benzies lance son MindsEye quoi.

Mais le jeu était mignon (pour l'époque hein, 2011) et avait cette patate des rares jeux Sonic qui avaient compris le délire intrinsèque à la saga. Il est d'ailleurs resté dans le coeur des fans comme l'un des épisodes les plus appréciés. Et ça n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd puisque c'est celui-ci que le conseil d'administration de Sega a choisi d'offrir tel un agneau sacrificiel en tant que "jeu du film" Sonic 3.
Vous allez me dire, c'est quoi le rapport avec Sonic 3, le film ? Eh bien, le retour du plus dark et triste des shitty-friends : Shadow qui est le héros de ce troisième volet cinématographique sorti à Noël dernier. Pour rappel, Shadow est le rat de laboratoire du professeur Gerald Robotnik qui cherchait à créer la "forme de vie ultime" en combinant de l'ADN extraterrestre avec... un hérisson (??) afin de s'en servir pour guérir sa fille Maria, atteinte d'un mal incurable. Un épisode (Shadow the Hedgehog en 2005) plus tard, le voilà rangé sagement dans la liste des personnages de troisième zone qu'on ressort de temps en temps pour faire vivre la licence. Le plan marketing était donc bien rodé : produire à la va-vite un contenu supplémentaire mettant en scène le hérisson noir (grosso-modo quatre petites heures de jeu à tout casser), coller un bon vieux "mais oui promis, on vous l'dit, c'est un remaster" dans les esprits de tout le monde et laisser la hype autour
Dans les faits, même huit mois de patchs plus tard dans sa version Switch 2, on a du mal à voir le remaster dans le remaster de toute la partie Sonic Generations. Cette fainéantise se voit d'ailleurs à la tronche du Shadow de 2011 versus celui ajouté pour l'occasion qui n'a plus rien à voir. On est plus dans le portage bête et méchant que dans le remaster et du coup nos griefs ci-dessus sur l'original sont toujours aussi présents et s'ajoutent à un moteur graphique qui n'a pas bougé en 14 ans.
Par contre, si on focalise notre attention sur Shadow, on voit que le boulot a été en partie fait, au moins en ce qui concerne le gameplay.

Déjà, s'il a droit lui aussi à son "espace blanc", dans lequel il retrouve Gerald et Maria, ledit espace n'est plus sur un plan 2D, mais dans un simili-monde ouvert. Mieux encore, celui-ci va s'ouvrir au fil des dégels temporels et de l'obtention de pouvoirs, en offrant de plus en plus de verticalité et un vrai parc d'attraction pour tout fan de Sonic. À la manière des niveaux de Sonic Frontiers, ce hub offre une tonne de rampes et de plateformes hautes à atteindre pour déverrouiller des coffres contenant des collectibles (croquis originaux, musiques, etc.) ou tout simplement de nouveaux moyens d'atteindre des niveaux jusqu'alors inatteignables.
Tout ça grâce aux pouvoirs de Shadow octroyés par l'ADN extraterrestre de Black Doom. Lorsqu'il revient sur Terre, bien décidé à fusionner avec lui pour en faire son arme ultime, Shadow déploie au fur et à mesure de nouvelles capacités de combat : un mode Chaos qui permet de ralentir l'action à la demande, des missiles à tête chercheuse pour éliminer certaines cibles particulières, un coup de pied envolé qui projette les ennemis, la possibilité de surfer sur l'eau, de se mouvoir dans certaines zones mortelles ou de prendre son envol et de planer. Plus on avance et plus on se rend compte qu'on est presque dans un Metroidvania en 3D qui nous demande naturellement d'aller fouiner dans des espaces jusqu'à présents clos pour y dénicher de nouveaux challenges. D'ailleurs, la narration est elle aussi plus réussie que dans Sonic Generations, que ce soit lors des moments cinématiques dans les niveaux ou à l'extérieur.
La structure des stages évolue par contre peu. On reste dans un 50/50 entre 2.5D et 3D, entrecoupé cette fois-ci de challenges mettant à l'épreuve les pouvoirs acquis dernièrement et un boss par acte. Là encore, on sent qu'il y a eu du travail pour rafraichir le level design. Les niveaux sont traversés en heurtant moins souvent des butoirs stupides, les monstres sont astucieusement placés, non pas pour piéger le joueur, mais plutôt pour renforcer le fameux momentum, réenclencher la super vitesse et se laisser porter. Après, j'ai encore des problèmes avec un certain mauvais goût dans sa direction artistique, dont des niveaux empruntés au sans queue ni tête Kingdom World de Sonic Frontiers, mais les goûts et les couleurs...

Pour revenir aux différences avec l'original, on a également moins l'impression de niveaux QTE que dans ceux en 3D de Sonic Generation. Shadow est désormais capable de tirer et d'attaquer ses ennemis à l'aide d'un bouton dédié sur la manette et ça change pas mal la façon de jouer, occasionnant moins de morts inutiles et donc moins d'agacements. La caméra frustrante de l'original est un peu plus éloignée de l'action. Et pour finir, les patterns des boss sont plaisants. Techniquement, ce contenu annexe tourne lui sur le Hedgehog Engine 2 de Sonic Frontiers et permet des petites fioritures comme des éclairages globaux mieux réussis et des réflexions plus convaincantes, notamment sur les niveaux de Sunset Heights. De plus, comme son aîné, il tourne enfin à 60 FPS dans son mode Performance.
Qu'est-ce qui aurait empêché Shadow Generations de sortir en standalone à tout petit prix ? Pas grand-chose et il se serait suffi à lui-même. Plus qu'un simple objet marketing, ce spin-off-là ose quelque chose, étoffe pour de vrai son gameplay et pour la première fois depuis longtemps nous fait penser qu'en creusant un peu, on pourrait faire quelque chose d'autre du hérisson bleu et de sa troupe, plutôt qu'un énième laboratoire de plateforme 3D bancal, ou un faux remaster vendu plein pot à des fans pris en otage depuis 30 ans.