TEST
No, I'm not a Human : derrière chaque porte, le doute
Développeur / Editeur : Critical Reflex Trioskaz
Comme cela a été précisé dans une précédente news, No, I'm not a Human est au départ un jeu d’horreur psychologique qui faisait partie d’une compilation de quatre titres au sein de la Violent Horror Stories: Anthology arrivée en août 2024. L’œuvre de Trioskaz sortant du lot, elle a eu la chance de bénéficier d’une nouvelle édition plus aboutie et distribuée par Critical Reflex, sortie le 15 septembre dernier sur Steam. Même s'il m’arrivera parfois d’aborder sa première version, ce test concernera en réalité cette réédition, car il ne s’agit pas seulement d’une mouture enrichie au niveau du gameplay et de la durée de vie, mais également d'un léger changement d’approche. Mais pour le moment, asseyez-vous tranquillement, nous allons aborder de sombres phénomènes inexpliqués au-delà de Factor.
Test réalisé sur une version commerciale du jeu.
Soleil Vert de rage
Comme votre voisin sait que vous vivez tel un reclus, il vous prévient par téléphone qu’à l’issue de cette journée anormalement chaude pour la saison, il passera vous voir chez vous. À l’arrivée du crépuscule, comme prévu, il vient toquer à votre porte et vous explique qu’il tient de sa sœur différentes informations sur une anomalie concernant les radiations solaires, et vous parle également d’un phénomène à propos de "visiteurs".
Toutefois, comme il se fait tard, il approfondira le sujet le lendemain pour aborder les consignes à suivre pour survivre les jours qui viennent. Mine de rien, on vient d’explorer la plus grosse mécanique du jeu la nuit, qui tient son inspiration du roman graphique, et vous permet d’en savoir un peu plus sur votre interlocuteur à la porte en l’interrogeant, ce qui donnera souvent lieu (mais pas toujours) à des choix binaires, du genre « Entre, mon gaillard ! » ou bien « Tu devrais quitter les lieux ».
Le Jour d'après la venue du voisin
Le matin arrive et vous vous réveillez dans une chaleur étouffante (supposée) devant le journal télévisé qui vous annonce que tous les citoyens doivent rester chez eux la journée, du fait de l'activité solaire intense et de l’état d’urgence qui a été instauré. Toute ressemblance avec des faits ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.Ce sera votre routine du matin. D’ailleurs il ne faudra pas hésiter à la regarder autant que faire se peut. Non seulement pour vous abrutir, mais également pour récupérer des numéros de téléphone qui pourront s’avérer fort utile par la suite. Inutile de les écrire sur un papier, ils seront automatiquement notés sur un post-it à côté du téléphone, et surtout ils vont changer à chaque run. Personnellement, ça fait presque 25 ans que j’ai arrêté de regarder la télé, mais je me fends toujours la poire dans les versions vidéoludiques. Bon, ici moins, mais vu le sujet, c’est compréhensible.
Le Fléau pour un ermite
Retournons à nos moutons et allons voir notre voisin sans notre café du matin, vu qu’il a squatté la cuisine cette nuit le bougre, histoire de terminer cette conversation entamée la veille. En gros, il vous encourage fortement à accueillir des personnes qui demandent refuge et qui pourront toujours vous donner des informations utiles. Mais on comprend notamment qu’il ne faut en réalité pas se retrouver seul, et surtout à constamment répondre qu’il y a des gens présents chez vous, si une personne de passage à votre porte vous pose la question.Bien évidemment, il faudra sonder les personnes hébergées chez vous pour voir si vous n’avez pas accueilli malencontreusement un visiteur. Chaque examen vous consommera une barre d’énergie. En revanche, le papotage, lui, ne fatigue plus comme c’était le cas dans VHS: Anthology. D’ailleurs, le fait d’échanger avec vos résidents est parfois moins profond, je trouve. Dans l’opus originel, le contexte jouait plus à propos de l’authenticité concernant l’existence même de ces visiteurs, et ce qu’ils sont en réalité. Mais nous y reviendrons.

Votre voisin vous encourage à jeter un œil dehors la nuit. Vous avez des provisions et êtes en capacité de survivre en attendant que le gouvernement trouve un moyen de mettre tout le monde à l’abri. Il faut ainsi ne pas s’exposer au soleil,
La vérité est ailleurs, si j’y suis
Le jeu s’étale sur un nombre de jours limité et il n’y a pas de Game Over à proprement parler. Suivant vos actions durant la période qui s’écoulera, vous vous rapprocherez d’une issue ou d’une autre. Alors oui, il y aura de "meilleurs" achèvements que d’autres, mais dans une œuvre de science-fiction ou d’horreur, j’ai toujours préféré lorsque ça se termine mal. Et contrairement aux films états-uniens d’époque qui tiraient pour la plupart la base de leur inspiration du climat de la guerre froide, ici ce n’est pas le cas vu que les sept membres du studio Trioskaz appartiennent eux à l’ex-bloc soviétique. L’inspiration doit très probablement venir de l’épisode pandémique de 2020. Nous pouvons ainsi ressentir la même paranoïa qu’il pouvait y avoir dans un film comme The Thing de John Carpenter, mais avec une connotation plus sociétale plutôt que du fait de fortes tensions géopolitiques, à mon sens.Le protagoniste que vous jouez est une personne qui vit isolée chez elle. Vous aurez la possibilité d’avoir plus d’informations sur son passé, même si ce n’est pas la partie la mieux écrite, je trouve. Et c’est d’ailleurs sur ce point que je regrette parfois un peu la version de VHS, dans le sens où par exemple, nous avions des discussions plus poussées avec certains occupants à propos des visiteurs. On pouvait légitimement se demander si ce n’était justement pas cette paranoïa qui avait créé ce phénomène, peut-être à partir d’une rumeur. La version de 2025 de No, I'm not a Human répond trop rapidement à cette question, laissant peu de place au doute concernant l’existence de ces créatures. Je ne vous révèle rien, c’est présent dans les bandes-annonces. Toutefois, cette fois-ci, vous avez différentes versions possibles sur leurs origines. C’est en cela qu'il y a un léger changement d’approche.
L'Antre de la folie à plus de deux
Après chaque réveil en début de journée, vous avez le droit à un rituel rodé avec votre séance télévisuelle matinale. Vous sortez de votre chambre et vous vous retrouvez dans le couloir. Il s’agit en réalité du hub entre les différentes parties de la maison et c’est le seul endroit (ou pas) véritablement modélisé en 3D où vous circulerez en vue subjective. Vous pourrez visiter les pièces de votre maison (le salon, la salle de bain, le placard, le bureau et la cuisine) et elles ne seront accessibles que la journée. C’est là que "s’entasseront" les personnes que vous aurez accueillies, réservant votre chambre pour votre seule intimité. Hum, sauf dans un cas, mais je n’en dirai pas plus.
C’est dans ce couloir que vous pourrez avoir accès à la radio, qui est une nouveauté. Vous devrez trouver une station fonctionnelle en passant de la bande AM à celle de la FM histoire d’en savoir plus sur ce qui se passe. L'appareil contribue fortement à cette atmosphère d’angoisse réussie, par la diffusion de messages relatant des faits supposés et exprimés dans une langue étouffée imaginaire elle-même sous-titrée. L’ajout du téléphone est aussi récent. Il vous permettra par exemple de commander des livraisons pour le soir même (mal traduit par « demain soir »). Ces items (café, boisson énergisante, cigarettes, etc.) vous donneront un petit bonus provisoire. À la réception de la commande, vous ne pourrez plus commander avant le surlendemain. Au bout d’un moment, l’achat d’une préparation de kombucha (une boisson fermentée légèrement acide et sucrée à base de thé noir) sera disponible.

Alors, qu’est-ce que le kombucha ? Au départ, c’était le seul moyen de sauvegarder sans perdre sa progression dans un jeu qui a une durée de vie de trois heures pour une première expérience, puis moins de deux heures par la suite (la version de 2024 durait une heure). Vous n’aviez qu’un bocal et c’était assez compliqué d’en avoir d’autres par la suite. Malheureusement, depuis l’une des nombreuses mises à jour déployées depuis que j’ai commencé à écrire ce test, le jeu sauvegarde désormais automatiquement lorsque vous le quittez, suite à la demande insistante de certains joueurs.
Toutefois, je peux comprendre que tout le monde n’ait pas connu les rubans encreurs pour machine à écrire dans les premiers Resident Evil. Alors, un petit conseil, si vous avez sauvegardé avec le kombucha et que vous ne souhaitez pas perdre cette progression, il vous suffira de passer par le menu principal. Oui, il n’y a qu’un slot de sauvegarde qui sera remplacé si vous quittez le jeu pour revenir au bureau Windows. En revanche, la sauvegarde "kombucha" ne s’écrase plus dès que vous débloquez une fin comme avant. C’est-à-dire que vous pouvez enchaîner plusieurs fins avec la même sauvegarde, si vous avez rempli les conditions, bien évidemment.
Get Out or Get In

La nuit tombée, vous aurez accès à trois fenêtres, deux avec des stores et une avec un rideau (la précision est complètement inutile, et en plus j’ai relancé le jeu pour vérifier). Sur la première partie (parce que oui, vous risquez d’en faire plus d’une), vous êtes invité à regarder tous les soirs l’évolution de la situation. Là encore, nous sommes dans un roman graphique, mais les événements deviennent de plus en plus déconcertants. Le style mélange habilement dessins et photographies retouchées, ce qui donne une direction artistique à la fois atypique et lugubre. Ajoutons cela au ton inquiétant des musiques nocturnes et cela en devient vite très malaisant à souhait.
Nous arrivons à la première partie de la phase de jeu qui est la porte d’entrée. Plusieurs fois, on toquera à votre porte. Dans le judas optique, vous verrez votre interlocuteur. Ce seront souvent des gens qui vous demanderont refuge. Vous avez en gros la possibilité de poser deux questions (parfois plus). Ensuite, à vous de prendre la décision de les laisser entrer chez vous ou non. Sur votre première partie, ça peut en dire beaucoup sur vous. Si vous refusez d’abriter la personne, elle peut vous proposer un item pour vous faire changer d’avis. De la même manière, si vous en acceptez une, elle peut vous demander d’en faire partir une autre qui la dérange. Là encore, vous êtes seul maître à bord.

Tout ne sera pas aussi simple, vous vous en doutez. Il y a des personnages qui apparaîtront pour vous donner l’opportunité de débloquer d’autres fins. Car oui, il y a des événements cachés qui demandent de remplir plusieurs conditions pour les valider. De plus, la nuit, vous risquerez aussi votre vie, car d’un côté, il ne faut pas que l’on vous prenne pour un visiteur, et de l’autre, vous ne devez pas rester seul. Et c’est là que la Federal Emergency Management Agency (FEMA), littéralement l'Agence Fédérale de Gestion des Urgences, viendra vous casser les pieds.
Alors, bien que l’organisme soit inspiré par son homographe états-unien, l’action se situe en réalité dans un pays fictif, très probablement post-soviétique. Ils viendront régulièrement récupérer des résidents pour leur faire subir un examen, vous forçant ainsi à être parfois moins regardant sur les entrées, ce qui pourra poser problème la journée, comme vous vous en doutez. L’agent qui représente cet organisme et qui porte une combinaison de protection de type bactériologique, ce qui n’est pas rassurant vous en conviendrez, vous donnera parfois un bulletin FEMA qui sera utile pour la journée. On y reviendra.
Bienvenue à Cadavreland
La journée, c’est une autre paire de manche, car en dessous d’un certain nombre de résidents, il est possible que vous ayez accueilli un visiteur sans le savoir. Sachant qu’à chaque partie, vous aurez rarement les mêmes individus, et quand bien même, un humain sur un run peut être un visiteur sur un autre. Oui, ça fait un peu penser au jeu Blade Runner, où les PNJ pouvaient être ou non des Répliquants d’une partie à l’autre. Vous avez donc la possibilité d’aller visiter les pièces où sont les personnes que vous avez recueillies pour essayer d’en savoir plus, histoire de prévenir plutôt que de "guérir".La première étape consiste à discuter avec eux. Ça ne consomme pas d’énergie. Ensuite, vous allez pratiquer des examens plus poussés si vous soupçonnez quelqu’un. Sauf que la télé vous donne un signe distinctif par jour, et les premiers ne sont pas pertinents du tout, sachant qu’ils vous coûtent une barre d’énergie (sur deux, trois ou quatre !). Par exemple, le premier indice est que les visiteurs ont les dents parfaitement blanches (!). Au fur et à mesure, cela s’étoffe, mais vous comprendrez qu’au début, si quelqu’un se trouve avoir les dents blanches, vous allez avoir un gros doute. Quoi qu’il en soit, soit vous laissez pisser, soit vous dégainez votre fusil à pompe. Menacé, votre résident essaiera de vous fournir des explications. À vous de le croire ou non.

Ça se complique lorsque vous vous réveillez en sentant une détestable odeur de cadavre. Là, plus aucun doute, vous avez un ou plusieurs visiteurs. Du reste, vous retrouvez alors un de vos gentils résidents soigneusement emballé dans des sacs poubelles. Le coupable n’est pas forcément le dernier arrivé et le visiteur était là peut-être depuis plus longtemps. La meilleure approche, c’est forcément de mêler déduction par rapport aux entrées et sorties (vous pouvez peut-être dédouaner une personne ou deux) et continuer la conversation, mais ce seront surtout les tests qui orienteront votre choix. Mais ces tests étant énergivores, il ne faudra pas vous tromper.
Si vous êtes pacifiste dans l’âme et que vous soupçonnez une personne, vous pouvez lui remettre un bulletin de la FEMA en priant pour qu’un agent passe le soir même et la réquisitionne. Sinon, le lendemain, vous aurez fait une nouvelle victime indirectement. Il faut impérativement que les résidents sentent que la situation ne vous échappe pas. L’autre cas de figure que vous connaissez déjà, c’est que vous pouvez éliminer la personne suspecte. Si vous avez vu juste, il y a désormais une image subliminale pour vous faire comprendre que vous avez bien tué un visiteur. Dans la version de 2024, on ne le savait que le lendemain, si les meurtres avaient cessé. Sinon, vous aurez tué un innocent. Le visiteur sera toujours là, et trop d’erreurs de ce genre pourraient laisser à penser que vous êtes vous-même un visiteur… D’ailleurs, au moindre doute sur votre personne, vous pouvez aller dans la salle de bain pour réaliser ces tests sur vous-même.
Rendez-vous avec la peur et avec la fin
Soyons honnêtes, nous sommes en présence d'un jeu de niche narratif et minimaliste qui ne plaira pas à tout le monde. Malheureusement, l’écriture est un peu inégale. Toutefois, ça n’entame en rien l’expérience. Les personnes rencontrées sont toutes atypiques, même si je suis du genre à penser qu’il n’y a pas de normalité. On a affaire à des individus qui ont souvent différents problèmes psychiques, et c’est bien la difficulté. Confondre un visiteur avec une personne qui rencontre de réelles problématiques sanitaires et/ou sociales peut arriver facilement, d'autant plus qu’un même protagoniste peut être un humain sur une partie, et pas dans une autre, ce qui forcément crée encore plus de confusion. L’entreprise est donc assez bien réussie de ce côté-là.
Le jeu est également bien rythmé et on n’enchaîne pas immédiatement les parties (sauf dans le cas d’un test). Il n'est ni trop court, ni trop long et propose même des énigmes pour découvrir certains secrets, offrant même parfois de nouvelles opportunités. Le titre propose dix fins différentes. En onze heures, j’en ai débloqué six. Et là, contrairement à la version de 2024 où l’issue était simplement narrée sur un fond noir, dans celle de 2025, elle propose enfin de courtes cinématiques. J’en ai trouvé une personnellement un peu tirée par les cheveux, mais ça reste mon avis.
Au niveau de la technique, même si c’est sûr que ce n'est pas là qu'on attend le jeu, je le trouve quand même gourmand pour ce qu’il propose. Je pense que les développeurs auraient dû laisser la démo disponible, ça ne mange pas de pain. Toutefois, je n’ai subi aucun plantage, ni aucun bug durant mes sessions. De plus, Trioskaz met vraiment très régulièrement à jour son jeu.
À travers une histoire d’horreur, le jeu aborde différentes problématiques sociales. Nous avons bien affaire à une critique de la société, peut-être pas aussi bien orchestrée qu’un film de George Romero pour le cinéma par exemple, mais qui, de par l’interactivité du média, permet une meilleure prise de recul sur soi-même. Allons-nous prendre pour argent comptant ce que disent les médias lorsque c’est absurde ? Allons-nous croire les théories que nous balancent les radios pirates ? Sans parler de tous les choix cornéliens au fur et à mesure que le temps passe. No, I'm not a Human fait parti des ovnis dans le jeu vidéo comme sait le produire la scène indépendante. Fort de son ambiance incroyable, il s’est enrichi et bonifié avec cette nouvelle sortie, bien que la copie ne soit bien évidemment pas parfaite. Mais ce que l’on attend de lui, c’est-à-dire nous plonger dans une narration d’horreur psychologique, il le fait bien. Rien d’étonnant à ce qu’il se soit écoulé à 100 000 exemplaires.















