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Detective Instinct: Farewell, My Beloved, l'aube d'une nouvelle saga ?
Développeur / Editeur : Armonica LLC
Les visual novels à l'ancienne ont le vent en poupe ces derniers temps. De l'excellent remake des deux épisodes Famicom Detective Club à un Emio : L'homme au Sourire qui m'a vraiment retourné le cerveau, il y avait là un boulevard dans lequel s'engouffrer pour des développeurs indépendants nostalgiques de la grande époque du Famicom Disk System. Et c'est Armonica LLC qui dégaine en premier avec un titre au nom plein de promesses : Detective Instinct: Farewell, My Beloved.
Bienvenue en Vendreka, un hypothétique pays d'Europe de l'Est à la fin des années 80. Alors que le protagoniste américain du jeu terminait un voyage d'étude en vue de préparer son mémoire et passait sa dernière nuit dans un hôtel de la capitale, il est réveillé en sursaut par un policer zélé qui déboule dans sa chambre et l'arrête pour un crime qu'il n'a pas commis. Après quelques explications avec le détective en charge de l'affaire, le héros est rapidement mis hors de cause et se retrouve à fouiller la scène du crime en compagnie de sa tutrice d'étude Emma (un an plus âgée que lui) et de son professeur principal, Monsieur Martin. L'occasion pour nous de découvrir les bases de ce titre qui reprend à son compte l'essentiel des mécaniques introduites par Yoshio Sakamoto. Un système de jeu qui s'articule autour d'un menu sur le côté qui nous propose diverses options en fonction de la situation de jeu : Go To, Talk, Check, Discuss, Think, parfois Take ou Show (oui, le jeu est en anglais et japonais uniquement).


Une fois les options choisies, les menus s'adaptent à la scène pour, par exemple interroger telle ou telle personne, ou faire un aparté avec Emma. Le menu Check fait même surgir un curseur de souris qu'on peut balader dans la scène en cours à la recherche d'indices. Basique, mais efficace. Et surtout, à la différence de son mentor, Detective Instinct n'a pas la fâcheuse tendance à nous faire passer dans tous les menus à la recherche de la discussion qu'on n'a pas faite pour faire avancer l'histoire. Le déroulé est très fluide et on sait à peu près naturellement lorsqu'on doit réinterroger quelqu'un une seconde fois sur un sujet. On n'est jamais bloqué par le système et c'est en soi déjà un petit miracle, quand on sait la frustration occasionnée par les jeux Famicom Detective Club sur ce point. Mais revenons à nos étudiants, car après cette séquence d'introduction façon tutoriel, le vrai jeu commence alors qu'ils prennent le train du retour pour Londres. C'est lorsque Emma prend l'air sur le balcon en queue de train qu'elle aperçoit une jeune femme au regard triste assise sur un banc extérieur à côté d'elle.
Les deux passent une après-midi à discuter dans le wagon-bar et se promettent de se retrouver pour le diner. Mais le soir arrivé, plus aucune trace de la jeune femme. Pire, les passagers ne semblent pas avoir souvenir d'elle. Débute alors une course contre la montre pendant les trois jours de trajet pour la retrouver. Notre duo aura fort à faire pour dénicher la vérité face aux voyageurs comme au personnel. Mais également au détective croisé au tout début, suivant une piste sur le meurtre commis dans l'hôtel qui l'a mené à bord du train. Et franchement, le scénario et les dialogues sont une vraie réussite. J'adore les huit-clos à bord des trains (voir mon test du très bon Loco Motive) et celui-là fait clairement mouche. On s'y balade, du wagon-bar à celui dédié aux marchandises, on fouille diverses cabines et on interroge une douzaine de personnages hauts en couleurs. Les dialogues transpirent des personnalités des uns et des autres et sont assez communicatifs dans les émotions véhiculées. Et il y a toujours en toile de fond cette traversée de l'Europe, comme une urgence qui rajoute une certaine tension.


J'apprécie aussi le fait que le scénariste (et patron du studio) a créé un vrai-faux petit univers politique autour du jeu et de son pays fictif. Je ne rentrerai pas dans les détails pour ne pas vous spoiler l'aventure, mais il multiplie les efforts et les rebondissements à chaque fin de chapitre (cinq au total, soit environ cinq heures de jeu) pour nous immerger dans une histoire plus mature qu'il y paraît au premier regard. On l'a dit, les dialogues sont très bien écrits et ajoutent au plaisir de tirer les vers du nez de chaque personne. En cas de doute, un passage par les options Think et Discuss permet d'obtenir quelques indices sur ce qu'on doit faire, même si le scénario n'est pas très difficile à suivre. Il est surtout beaucoup moins alambiqué que celui d'un Famicom Detective Club. En fin de chapitre, une option Review reprend les interrogatoires de ce dernier et nous propose de faire un bilan intermédiaire via un QCM. Je n'en ai pas encore parlé, mais le look du jeu fait lui entre l'hommage et la modernité.
Si on retrouve pour les personnages du dessin fait main au look et aux coloris très dans le ton années 60-70 qui faisait le charme des jeux de Nintendo, les arrière-plans de Detective Instinct sont eux en 3D précalculée et pixelisée post-rendu pour donner une cohérence à l'ensemble. Le titre fait même un crochet par quelque chose de plus moderne en proposant des illustrations en noir et blanc griffonnées façon Hotel Dusk: Room 215 dès lors qu'il nous embarque dans des flashbacks commentés par l'un ou l'autre des protagonistes. La bande originale est elle un véritable hommage à celles de The Missing Heir et The Girl Who Stands Behind. À la manière de Kenji Yamamoto, le boss du studio Armonica LLC a composé lui-même des thèmes uniques pour chaque personnage, toujours dans le ton des discussions. Mention spéciale au thème du détective Daltrey et ses vibes japonaises, entre tapping basse, orgue et piano.
Impeccable dans le fond comme dans la forme, Detective Instinct: Farewell, My Beloved est un visual novel indispensable pour tous les amoureux de la franchise historique de Nintendo, à condition tout de même de maîtriser l'anglais. Qui plus est, il déploie assez de matière dans son univers pour qu'on retrouve ses héros dans une suite ou un spin-off. C'est en tout cas tout ce qu'on lui souhaite !





