TEST
Wheel World, la nouvelle ascension de l'Annapurna manque de souffle
Développeur / Editeur : Messhof Annapurna Interactive
Imaginez (s’il vous plaît) : vous arrivez chez vous et vous décidez de faire une belle et bonne ratatouille. Vous choisissez vos légumes avec soin, vous les coupez exactement comme il faut, vous ajoutez le thym, le romarin, un petit peu de sarriette, prenez le temps de la cuisson et vous attendez le lendemain pour la goûter car c’est TOUJOURS meilleur le lendemain. Vous sortez le plat du frigo et là, patatra, le délicieux repas provençal tombe par terre. Vous le ramassez et décidez de le manger quand même. C’est bon, mais ça a quand même un arrière-goût de poussière et de rognures d’ongles. Bon, eh bien, imaginez maintenant que cette ratatouille, c’est Wheel World.
Wheel World est donc le nouveau jeu de Messhof, alias à la base de Mark Essen mais servant de nom aujourd’hui à son petit studio. Après les deux titres de combat Nidhogg, le développeur revient avec un jeu de course cycliste en monde ouvert. Forza Horizon ou Burnout Paradise, vous connaissez ? C’est ici le même principe sauf que la direction artistique est d’extrêmement bon goût, le ton général (même s’il reste léger) largement moins crétin que celui de ses inspirateurs et que l’on remplace les bolides de gros beaufs par de racés biclous de hipsters.
Une belle aspiration pour sortir du peleton...
Nous incarnons Kat, une jeune femme se réveillant au milieu d’une forêt d’inspiration italienne qui croise assez vite la route de Skully, un esprit du cyclisme nous enjoignant d’aller retrouver les pièces de son vélo légendaire, sans quoi les esprits des morts ne trouveront pas le repos. Le but est alors assez simple : dans chaque région du jeu nous attend une célébrité locale demandant un niveau de réputation minimal pour pouvoir l’affronter. La vaincre vous permettra de récupérer une partie du deux-roues légendaire. Cette “REP” se gagne en faisant la course contre des groupes de cyclistes nous attendant çà et là sur la carte du jeu. Ils ont souvent une particularité rigolote et les types de courses varient entre celles de vitesse pure, de zig-zag entre les voitures ou de montée. Le petit scénario à base de spirito-cyclisme n’est pas très intéressant et se dévoile lors de dialogues (en français) dont le but est surtout de bourrer le plus de jeux de mot possible autour de la petite reine.Le jeu se lance, la DA est superbe avec des designs rigolos et de très belles ambiances colorées, les sensations du vélo sont bien simulées (pour l'instant), le premier monde ouvert est agréable à parcourir, la musique est chouette avec des morceaux chantés lors des courses provenant du label Italians Do It Better. Techniquement, le jeu galère quand même un peu, avec des chutes de framerate en ville et le Steam Deck qui souffre. Néanmoins, le titre reste ambitieux pour la taille de l’équipe et ce n’est pas là-dessus que je vais leur tomber sur le coin de la tête.
...malgré une échapée ratée
En effet, c’est une fois lancé dans une course que patatra, le jeu tombe par terre : il est foutrement trop facile. Peu importe les conditions, au bout du deuxième tour, on a généralement semé le leader et ce ne sont pas les autres petits objectifs comme récolter les lettres K, A et T sur le parcours ou battre le meilleur chrono qui imposent plus de résistance. Je ne crois pas être sorti d’une course sans avoir battu la montre, le tout sans jamais m’en soucier. On peut même se manger une voiture, choir de notre bécane puis reprendre la tête assez vite.J’ai l’impression que cela vient beaucoup de l’IA qui respecte scrupuleusement le tracé, là où on coupe comme des sagouins à pas mal d'endroits. De plus, on possède un boost se remplissant en prenant de l’aspiration ou en faisant des cascades, achevant sa satellisation. J’ai terminé le jeu en explorant succinctement certaines zones car ayant assez de “REP” puis je suis allé directement donner la fessée au boss local sans à avoir me taper les sous-fifres.

J’ai lu ici ou là que le manque de challenge n’était pas grave car le jeu se voulait tranquillou. Je ne suis pas d’accord car la finalité reste la course et que l’on s'y ennuie. Même la partie exploratoire du monde ouvert est là pour servir la compétition. Les différents défis rapportent des sous permettant d’acheter de nouvelles pièces (pièces que l’on peut aussi trouver par terre) nous permettant d’encore plus traîner dans la boue ce pauvre jeu. C’est dommage car l’aspect personnalisation du vélo est assez poussé, nous demandant en théorie, à l’instar d’un Armored Core chez Decathlon, d’adapter notre monture selon le type de course. Si l’objectif était de simuler le plaisir de rouler, il y avait peut-être moyen de proposer autre chose : axer le jeu sur la randonnée, l’exploration, l’endurance, je ne sais pas. En l’état, le design du titre est construit autour de la compétition mais ne donne pas les moyens de s’exprimer à travers elle. On se contente alors d'enchaîner les victoires sans plaisir car sans effort.
J'agite la flamme rouge
L’argument du jeu chillax est aussi balayé lorsque l’on arrive, surprise, dans la deuxième zone. On débarque dans une vision fantasmatique du Havre, les courses y deviennent plus tortueuses et les raccourcis sont moins présents. Cela révèle un autre défaut jusque-là bien caché : l’aspiration magnétise notre personnage aux fesses du coureur qui se trouve devant. Si nous voulons aller tout droit (par exemple pour chopper une lettre) et que notre concurrent direct tourne à gauche, on est alors emmené avec lui de force. Le souci est que ce deuxième monde ouvert est plus industriel et il y a plein de petits obstacles un peu partout. Un simple petit rebord de conteneur devient une cause possible de “soleil”. Au moins une fois par course, je me suis pris un objet dans la face parce que le gars devant commençait à rebondir n’importe comment (l’IA a l’air encore plus perdue dans cette zone) et qu'il m'a entraîné dans son délire. J’ai même trébuché sur une tôle à plat sans raison, le système de collision ne semblant pas avoir été réglé pour cet environnement.C’est le troisième jeu édité par Annapurna Interactive que je teste cette année et c’est un peu le même constat : à l’instar de Wanderstop et de to a T, Wheel World est super prometteur mais échoue à être marquant pour des raisons différentes. Si Skin Deep est vraiment chouette, Wanderstop était avec le recul un peu trop plan-plan et je l’ai déjà un peu oublié. Quant à to a T, il était rigolo cinq minutes avant de devenir ennuyeux et j’ai l’impression que Wheel World n’a pas été testé avant la sortie tellement il semble déséquilibré. Peut-être que les soucis de l’éditeur ces dernières années n’ont pas aidé mais il est triste de voir ces délicieux mets sur le papier gâchés par manque d’ambition ou de finition…
Vous êtes très très (très) nul aux jeux de courses ? Wheel World est alors peut-être fait pour vous. Sinon, il vous faudra apprécier la promenade sans vous soucier des objectifs car en l’état, le jeu n’a généré chez moi que de la frustration. Le titre gâche de lui-même, sans l’aide de personne, son potentiel. Je suis dur car on sent que le très bon jeu se cache vraiment pas loin et il y a moyen de passer un chouette moment malgré tout. Je garderai néanmoins un oeil dessus au cas où une mise à jour rééquilibrant le tout finisse par sortir.









