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Un Rédacteur Factornews vous demande :

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[Test à la bourre] The Evil Within

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor

Bonus branlette intellectuelle (avec spoiler)

Décevant à jouer, Evil Within est néanmoins intéressant à analyser dans sa conception. Laissons de côté ces notions de « vrai » survival horror ou ses histoires de développement, car ce qui semble le plus intéressant, c’est le rôle de l’antagoniste, Ruvik. Attention, on va spoiler un peu plus qu’à la page précédente.
 
Dans le jeu, Ruvik est un personnage assez mal introduit. On nous parle de lui comme d’un patient de l’asile dans lequel se rend notre équipe de policiers, sans trop nous définir qui il est ni à quoi il ressemble. C’est sans doute volontaire : l’un des ressorts narratifs du jeu repose sur la découverte progressive du personnage, qu’on prend d’abord en pitié à cause de son enfance difficile, puis qu’on craint lorsqu’il commence à expérimenter ses théories sur les humains, et enfin qui nous terrifie quand il perd son existence corporelle pour devenir un pur esprit dérangé. Du moins c’est ce qu’espérait Mikami, puisque dans les faits on a plutôt l’impression de regarder un nanar d’horreur impossible à prendre au sérieux. Cela étant, l’expérience de conscience collective rapportée par le jeu consiste en fait à plonger des esprits « sains » dans celui de Ruvik, qui va donc officier non seulement en tant qu’antagoniste principal, mais également en tant que maître du jeu. Littéralement. Je ne vois pas comment le dire autrement : Ruvik est Mikami.


En soi, ça n’est pas totalement surprenant. Le principe de base de la création d’un jeu (vidéo ou non) reste toujours le même : définir un objectif pour les joueurs, poser des obstacles les empêchant de l’atteindre facilement et définir des règles encadrant la manière de les contourner (contraintes de mouvements, ressources limitées, conditions de victoires, etc.). Donc, quand un créateur va introduire un antagoniste dans un jeu (que ce soit un méchant PNJ ou un autre joueur), il s’agit simplement d’un obstacle posé sur la route du joueur. L’antagoniste est donc en lui-même une expression du travail du game designer. Mais avec Ruvik, Mikami va un peu plus loin que ça.

Le joueur joue à un jeu dans lequel il incarne un personnage qui est lui-même plongé dans un jeu dont les décors et les règles sont définis par Ruvik, puisque c’est son esprit. Bien sûr, Ruvik n’est pas une IA autonome générant procéduralement les niveaux, c’est un méchant comme tous les méchants de jeux vidéo : il ne fait que reproduire ce que les développeurs ont prévu pour lui. Mais si on part du principe que Castellanos est l’incarnation du joueur et Ruvik celle de Mikami (ou au moins des développeurs), le fait que Ruvik soit en charge des règles du jeu dans le jeu fait tomber le masque, et nous rappelle que quand on joue à un jeu, on joue avant tout contre son créateur.
 
Parfois, on est à la limite du troll. C’est particulièrement frappant quand on arrive dans les derniers chapitres, où l’espace se déconstruit de plus en plus. La gravité change, on alterne salle gigantesque et couloir étroit, parfois c’est un même espace qui se rétrécit quand vous l’empruntez (on pensera aux passages avec les immeubles qui se referment sur vous), les rapports d’échelles ne sont pas respectés... Dans ce dédale, on vous fixe un objectif, par exemple une lumière au bout du tunnel. Vous galérez à y arriver, ne serait-ce que parce que l’espace changeant vous fait perdre de vue votre objectif et quand vous êtes proches de la sortie, pouf ! vous voilà transporté ailleurs, dans un décor qui n’a rien à voir, où on va vous donner un objectif, et c’est reparti. Un peu comme si non seulement on vous disait que Peach est dans un autre château, mais en plus on vous le disait avant même d’avoir fini le niveau. 
Le jeu nous crache à la gueule le fait que c'est à nous de nous plier à ses règles. Casse-toi si tu veux, mais si tu restes ne te plains pas.

Encore une fois, rien de foncièrement nouveau, c’est juste une manière différente d’appréhender le jeu. Mais quand on repense on nombreuses similitudes entre RE4 et Evil Within, on peut se dire que le jeu ne nous plonge pas dans l’esprit de Ruvik, mais dans celui de Mikami. Le fait de sauter d’un niveau à un autre, sans autre motivation que celle du game designer, et que ces morceaux de niveaux soient des versions altérées de ceux de RE4, donne l’impression que Mikami rumine depuis 10 ans le même jeu, n’arrivant pas à imaginer autre chose que la copie d’une copie d’une copie… Baroque et difforme, le résultat est indigeste. Mais offre un point de vue intéressant sur le rôle d’un créateur.
The Evil Within est assez difficile à décrire tant il part dans tous les sens. Dans tout ce fatras, quelques phases de jeu intéressantes émergent, mais globalement c'est plutôt un nanar horrifique trashouille trop souvent déplaisant à jouer. Il n'en reste pas moins un objet fascinant par son étrangeté, qui peut susciter des interprétations farfelues comme celle ci-dessus. Quand on s'amuse plus à penser le jeu qu'à y jouer, est-ce que c'est toujours du jeu vidéo ?
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