TEST
Hollow Knight: Silksong, une mandibule dans un gant de velours
Développeur / Editeur : Team Cherry
Faire poireauter toute la planète pendant presque dix ans, puis annoncer la sortie de leur jeu à deux semaines de l'échéance, obligeant tous les petits indés à décaler leurs propres dates de sortie. Team Cherry ne fait vraiment pas les choses à moitié, et c’est un peu pour ça qu’on les adore.
Si vous suivez un peu les discours autour du JV depuis la sortie de Hollow Knight: Silksong, vous avez probablement vu le marronnier de “la difficulté et l'accessibilité” refaire surface pendant un moment. C’est justifié, le titre étant particulièrement ardu. La preuve, malgré un fichier de sauvegarde affichant un respectable 97 % de complétion, je n’ai pas terminé le troisième acte et je n’ai pas l’intention de le faire. Mais j’ai adoré chaque minute passée sur le jeu. Le sentiment de revenir jouer à une version améliorée de Hollow Knight était exactement ce que je recherchais, que ce soit pour les bons ou les mauvais côtés.
Acte 1 - La danse du frelon
Là où Hollow Knight avait été une bonne surprise sur quelques points de gameplay, Silksong se retrouve à proposer des mécaniques qui sont maintenant familières : avec un objectif initial assez vague, vous allez explorer différentes régions en affrontant tout un tas d’ennemis. Des compétences (ou un œil à l’aguet des passages secrets) permettent de débloquer de nouvelles régions, tandis que des quêtes secondaires et de l’exploration vous fournissent les ressources pour améliorer votre personnage. Si vous voulez une version détaillée, je vous invite à aller relire mon test de Hollow Knight. Ici, on va essayer de se concentrer sur les nouveautés.
La première et la plus importante : Hornet. Comme son nom le suggère, ce personnage est beaucoup plus rapide et agile que le Knight, et aussi plus flexible. En plus des accessoires et des sorts du premier, vous pourrez maintenant aussi équiper des outils et des sceaux.
Au fur et à mesure de votre progression, vous allez tomber sur des sceaux qui permettent de changer le panel de mouvements de Hornet. Par exemple, votre coup normal sera plus rapide, mais avec une portée réduite, ou bien votre coup vers le bas se fera vraiment vers le bas plutôt que sur une diagonale. Il y en a toute une ribambelle, chacun ayant ses propres bonus qui vont fortement impacter le gameplay. C’est sur ces sceaux que vous allez appliquer vos accessoires, qui donnent des bonus passifs, vos sorts, qui sont de puissantes attaques qui consomment votre esprit et vos outils, qui sont l’autre grosse nouveauté.
Les outils sont des objets qui ont un nombre de charges limité et qui se rechargent quand vous vous reposez sur un banc. Ils consomment une ressource, les éclats, que vous récoltez en explorant et en tuant des ennemis. Ils vont d’une attaque à distance à des pièges, en passant par de puissants bonus d’attaque temporaire. Et donc avec tout ça, vous commencez à vous rendre compte du nombre d’options à votre disposition une fois que vous aurez récupéré tous ces objets. Le titre vous permet de personnaliser votre style de jeu et de pousser votre maîtrise de Hornet jusque dans ses derniers retranchements, ce qui deviendra essentiel quand vous arriverez vers la fin de votre aventure. Mais vous pouvez aussi décider de tester plein de builds différentes et d’utiliser celle qui convient le mieux à une situation donnée.
Du côté de l’exploration, on retrouve ce qui avait fait le succès de son grand frère : une zone de jeu immense, où votre premier objectif en arrivant dans chaque région est de localiser le personnage qui vous vendra la carte locale. Chaque zone a son propre thème, sa propre galerie d’ennemis, de challenges et de boss. Il y a aussi beaucoup de secrets, de zones cachées et de NPC (Non-Player Character) avec des quêtes à réaliser.
Et c’est la galerie de personnages qui habite le royaume maudit de Pharloom qui constitue la plus grosse nouveauté de Silksong, au final. Puisque Hornet est capable de parler, elle va avoir l’occasion de converser avec tous les pèlerins et autres habitants, qui ne manqueront jamais de lui donner un coup de main. Vous aurez donc l’occasion de revisiter de nombreuses zones déjà découvertes, ou bien d’en découvrir de nouvelles, en essayant de réaliser les différents souhaits des insectes croisés sur votre chemin. Bref, vous en avez pour des heures et des heures avant de réussir à passer toutes les zones au peigne fin.
Acte 2 - La chapelle chitine
Et c’est à peu près là que s’arrête la liste des nouveautés par rapport à Hollow Knight. Ces quelques mécaniques de gameplay, un nouveau royaume à explorer et une nouvelle histoire à découvrir, c’est ce qui fait la principale différence entre les deux titres. Pour le reste, on retrouve plus ou moins la même proposition que la première fois : un Metroidvania d’une qualité exceptionnelle sur le plan artistique et musical, un gameplay millimétré qui ne pardonne pas et une intransigeance sur la difficulté qui peut en rebuter plus d’un.
On va se permettre un ou deux paragraphes pour encenser l’aspect purement artistique du jeu, parce qu'il est vraiment un cran au-dessus de la compétition. Promis, il y aura aussi quelques taquets par la suite. Donc, commençons par les graphismes ! Eh bien, c’est toujours aussi mignon que le premier ! Team Cherry a décidément trouvé le truc pour rendre toutes ces bestioles facilement reconnaissables, sans jamais être repoussantes et toutes plus choutes les unes que les autres. Ils se lanceraient dans la vente de peluches des personnages de Silksong, je pense qu’ils n’auraient plus jamais besoin de bosser. Et c’est sans parler des animations, ou des bruitages !
Ensuite, les environnements continuent de fourmiller de détails, avec plusieurs arrière-plans où il se passe toujours quelque chose. Quand vous n'êtes pas en train de vous battre pour sauver votre peau, ou d’enchaîner les acrobaties pour traverser une salle, vous pouvez passer pas mal de temps devant le décor de chaque écran. C’est beau, c’est coloré, et on sent l’amour et la passion des gens qui ont travaillé pendant des années sur ce projet. Pour finir, la bande son du jeu est de nouveau un petit bijou à elle toute seule, mais se paye le luxe d’être aussi profondément liée au scénario et à l’univers cette fois-ci. Donc, attendez-vous à sortir les mouchoirs ou à avoir des bouffées de frustration quand vous entendrez certains morceaux après avoir terminé le jeu. Bref, bravo, c’est du super boulot !
Le gameplay quant à lui, se résume toujours en un seul mot : exigeant. Dans le combat, tout d’abord, où maîtriser parfaitement Hornet et sa panoplie de mouvements est obligatoire pour réussir à passer les challenges de plus en plus relevés. Le jeu prend le temps d’introduire graduellement sa difficulté, et permet au joueur d’aiguiser ses compétences sans trop lui mettre de bâtons dans les roues. Mais les murs apparemment infranchissables restent monnaie courante et vont encourager les joueurs à expérimenter. Changer d’outil ou de sort permet régulièrement de passer un combat qui était impossible avant, mais changer de sceau est parfois la solution la plus simple pour affronter un adversaire particulièrement ardu. Cela demande de repasser par une longue phase d’apprentissage, parfois frustrante, mais les options que ça débloque en valent la peine.
Si vous n’avez pas envie de vous taper la tête, vous pouvez toujours aller explorer un coin de la carte que vous n’avez pas encore visité. Entre les quêtes secondaires, les équipements à trouver et les puzzles à résoudre, il n’y a pas de quoi s’ennuyer. Il faudra garder l'œil ouvert et être attentif, parce qu’on ne compte plus le nombre de fois où un banal mur destructible débloque une nouvelle zone complète. Ici aussi, maîtriser vos mouvements sera crucial pour progresser. Les phases de plateformes sont encore plus extrêmes, puisque Hornet dispose de beaucoup plus de mouvements capables de la maintenir dans les airs. Et comme pour le combat, jongler avec vos sceaux et outils peut souvent vous aider à passer des obstacles qui vous donnaient du fil à retordre.
Acte 3 - Cela ne va pas de soie
Bon, jusque-là, on peut dire que c’est un sans faute. C’est tout comme le premier, en mieux. Sauf que, même si on parle d'exigence, il faut être honnête et admettre que Silksong a aussi poussé un peu plus loin dans cette direction que Hollow Knight. Et donc ici, au-delà de tester votre persévérance, le jeu vient tester votre “tolérance au bullshit”.Car oui, il va y avoir beaucoup de moments où le titre va juste pousser le bouchon trop loin : quand vous arrivez dans une nouvelle zone sans le vouloir, et mourez avant de pouvoir faire demi-tour ; quand vous rendez une quête qui vous inflige une malédiction qui empêche de se soigner ; quand vous vous engagez dans une séquence de plateformes infernale et que vous faites une erreur d’un demi-millimètre qui va vous renvoyer tout au début. À mesure que le jeu progresse, et surtout une fois que vous avez débloqué l’Acte 3, le degré de tolérance à l’erreur se réduit à peau de chagrin. À tel point qu’il peut souvent paraître injuste.

Dans ces cas-là, le seul choix qu’il vous reste, c’est vous taper la tête contre le mur. Quand il n’y a plus rien à explorer, plus de ressources à récupérer, plus d’amélioration à appliquer, il faut compter sur votre patience et votre capacité à vous améliorer. Graduellement. Essai après essai. Silksong est le genre de jeu qui va laisser des cloques sur les pouces, après des heures à essayer de passer un boss ou un passage de plateformes démoniaque. Mais vous pouvez toujours y arriver. Avec assez de patience, de réflexes et les bonnes décisions. Si des speedrunners arrivent déjà à terminer l’Acte 3 en à peine trois heures, un mois après sa sortie, c’est que les game designers du jeu savaient ce qu’ils faisaient.
Finalement, on pense que ce besoin de persévérance est exactement ce que voulait proposer Team Cherry. Le manque de concessions peut être frustrant et le niveau de maîtrise à atteindre peut paraître déraisonnable, mais on ne peut pas s’empêcher d’essayer. Parce que tout le reste du jeu est tellement enchanteur, tellement unique, qu’on veut en voir plus, discuter avec de nouveaux personnages, vaincre de nouveaux boss. Silksong est exceptionnel, à tous les niveaux, mais lancez-vous dans l’aventure en ayant conscience que ça ne va pas être une promenade de santé.