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Dark Souls II : Read More Edition

kimo par kimo,  email
 
Aimé autant que détesté, encensé autant que maudit, vu de l'extérieur, Dark Souls ressemble parfois à un jeu pour handicapé du pad masochiste qui dirige un personnage balai-dans-le-cul en proie à la perversion de développeurs sadiques. Il faut croire que ça marche puisque From Software a remis le couvert, nous promettant plus de morts encore. Le plaisir de souffrir suffira-t-il à nous pousser à l'achat?

Sado-masochisme narratif


Pour parler de la série des Souls, peut-être faut-il commencer par éviter un malentendu tenace. Ce n’est pas tant la difficulté qui a fait le succès de la série (il n’y a après tout aucune gloire particulière à faire un jeu difficile) que la façon dont cette dernière était ajustée aux mécanismes et à l’univers du jeu. Celle-ci est en effet moins une question de valeur – celle du gamer contre le casu – qu’un principe narratif à part entière qui venait dramatiser la progression. Si ce sont les décors et les architectures en ruines qui racontent l’histoire du monde que le joueur parcourt, ce sont les pics de difficulté qui tiennent lieux de rebondissements, donnant son relief et sa cohérence à un récit qui, le reste du temps, s’efface presque complètement. C’est en effet bien la succession des boss et des ennemis, des pièges et des zones sûres, des PNJ et des invasions qui produisent la peur, le désespoir, la panique, ou au contraire l’euphorie, la compassion et la reconnaissance. Il ne s’agit pas simplement pour les mécanismes de répondre aux problèmes habituels d’un A-RPG, mais bien de faire participer tout et tous (les joueurs eux-mêmes via les messages et le multi), à un grand récit collectif de deuil et de désespoir.



Si la série n’est pas parfaite, elle démontre donc, avec d’autres productions comme Dragon’s Dogma ou Vanquish, que le Japon a encore en la matière une science inégalable. Les licences God et Gears ont beau offrir toujours plus, accumulant les fonctionnalités comme autant d’arguments de vente, elles ne possèdent jamais l’audace des meilleures productions nippones. Celles-ci portent en elles une ambition qui mobilise chaque aspect de leur monde, quitte à créer des déséquilibres ou à faire preuve d’austérité. Cette position sans concession ne va pas sans un peu de contrariété. Si bien que le joueur peut parfois y voir une forme d’archaïsme (pas de fast-travel, pas de couverture, pas de chat, pas de online) ou d’influences mal digérées (le bestiaire de Dragon’s Dogma). C’est pourtant bien la preuve de la singularité de ce savoir-faire, qui se soucie moins de ce que la concurrence propose que de sa cohérence propre, et ce jusque dans les détails les plus triviaux. Pour preuve, quelques changements - pourtant anecdotiques vus de loin - ont suffi à faire de Dark Souls et de Demon’s Souls deux jeux très différents.

Le diable est dans les détails

Qu’en est-il de Dark Souls 2 ? Comme son nom l’indique, il n’est pas question ici de renouveler de fond en comble un fonctionnement bien rôdé. Il s’agit donc toujours d’avancer dans un univers abandonné en trucidant des ennemis impitoyables. Chacun d'entre eux rapporte quelques âmes que vous pouvez utiliser pour augmenter votre niveau ou acheter/améliorer de l’équipement. Mais pas question de tout dépenser au fur et à mesure, il vous faudra pour celà d'abord revenir ou parvenir à bon port. Vous prenez donc régulièrement le risque de perdre la progression de votre personnage puisqu'à chaque mort, il faut retrouver votre dépouille pour récupérer vos âmes non dépensées. Le monde est heureusement parsemé de messages laissés par d'autres joueurs, le plus souvent à votre profit. Vous pouvez aussi les invoquer temporairement pour vous aider, mais vous ne pouvez pas communiquer avec eux ni invoquer vos amis IRL facilement. Il faut donc souvent faire confiance à l’inconnu de passage, sachant que certains joueurs peuvent aussi vous envahir pour vous saigner.
 
Ne vous attendez pas à de spectaculaires changements, car le moins que l’on puisse dire, c’est que cette suite fait dans le conservatisme. Non contente de reprendre à l’identique les mécanismes de son aîné, elle recycle sans vergogne une partie du bestiaire et certaines zones de son prédécesseur (modifiées pour l’occasion). On pourra toujours se consoler en se disant que ça sert à maintenir le lien entre les deux jeux, puisque Dark Souls 2 se déroule dans le même univers. Même lorsque le jeu cherche quelques nouvelles mécaniques intéressantes, il hésite à aller à fond dans le changement et rend finalement anecdotique la plupart de ces nouveautés, comme les torches censées être devenues  indispensables mais en fait quasiment inutiles. Il faut saluer toutefois une nette amélioration dans la construction des personnages. Non seulement il y a plus d’armes, mais la plupart sont potables jusqu’à la fin du jeu, une fois améliorées. Il est même possible d’en équiper une dans chaque main, ce qui permet plus de souplesse et de créativité dans l’élaboration des builds. La magie noire a été particulièrement étoffée et est désormais clairement séparée des miracles et des sorts. Bref, il est tout à fait possible de se construire et d'optimiser un personnage entièrement dédié à un sort ou une arme, ou de jouer sur la mixité et la synergie. Autre bon point, le système de level-up est un peu plus clair, et on ne perd plus de points à augmenter des stats inutiles. La plupart d'entre-elles ont un soft-cap à 40, et on atteint très vite tout notre potentiel. Si ça ne suffit pas à votre soif d'expérimentation, il est très facile de tout redistribuer 2 ou 3 fois à chaque partie, ce qui est sympa même si ça énervera les puristes.

Visuellement, le portage PC est cette fois à la hauteur. Fluide et net, on pourra enfin se dire qu’on n’a pas acheté un portage foireux (même si l’origine console se fait sentir). Les décors sont souvent magnifiques, et même s'il existe un petit correctif de notre ami Durante (qui s'était déjà occupé d'améliorer le premier portage), le jeu de base est largement satisfaisant. La direction artistique et la qualité des  environnements peuvent donc compter sur une juste contrepartie technique. Par contre, il est toujours fortement conseillé de jouer à la manette, ou alors se tourner vers les correctifs pour rendre l'expérience supportable pour cause de lag et manque de rebind.

À priori, même s'il manque singulièrement d'audace, Dark Souls 2 a tout pour satisfaire les fans. Il propose une expérience quasi-similaire et à défaut d'être surpris, ils ne seront pas dépaysés. Pourtant, au-delà de son manque de nouveauté, c’est justement en cherchant à appliquer bêtement la recette de son aîné, sans en considérer toujours la finesse, que le jeu se révèle décevant. Non pas qu’il soit fondamentalement mauvais, mais il ne parvient pas à reproduire l’équilibre organique entre le level-design, les mécanismes, le récit, et surtout la fameuse difficulté. Et s’il n’y a à première vue rien de flagrant, c’est en additionnant les petites concessions, les raccourcis et les facilités qu’il montre quelques signes de faiblesses. Accrochez-vous (ou alors décrochez), nous allons maintenant nous intéresser à ces détails

Âmes en peine

Commençons donc par la plus grande déception : les ennemis et les combats. Si Dark Souls se révélait parfois frustrant, il y avait toujours une logique situationnelle à nos difficultés : certains ennemis, dans certaines situations, pouvaient surprendre un joueur non préparé ou peu prudent. Chasser des fantômes sur un chemin étroit ou vaincre une armée de zombies dans une grande cour nécessitait des tactiques de combat différentes et donc de l’expérience et de la logique. La situation pouvait sembler impossible mais il fallait pouvoir réviser sa façon de jouer et trouver une stratégie pour en venir à bout. La lenteur et la lourdeur des combats constituaient la garantie que le joueur ne pouvait pas uniquement compter sur son skill, mais devait aussi faire preuve de tactique et d’anticipation. Les ennemis étaient adaptés à ce système de combat, et on pouvait généralement déduire quelle tactique privilégier en observant leur comportement et leur apparence (même si elle était parfois volontairement trompeuse).

Dans Dark Souls 2 la difficulté vient souvent d’une accumulation d’ennemis puissants dans de petits espaces ou bien d’ennemis à distance placés dans des zones difficilement accessibles. C’est particulièrement visible sur la fin du jeu où ces situations se multiplient un peu trop. Certaines zones pré-boss ne sont ni plus ni moins que des couloirs remplis d’ennemis qui s’agglutinent immédiatement sur le joueur. 
Bien souvent, attirer des ennemis ne relève plus de l’erreur d’un joueur incapable de maitriser l’espace, mais du design même du jeu, qui impose d’affronter en même temps des ennemis capables d'utiliser toute votre endurance. Le jeu étant sensiblement plus linéaire, il est parfois difficile de réellement changer de technique, puisque les zones n’offrent pas toujours d’alternative à l'affrontement direct. Résultat, on est parfois encouragé à utiliser des techniques stupides comme jouer sur la zone d’action de l’adversaire pour les séparer plutôt que sur l'architecture, ou en utilisant l’arc (puisqu’avec la magie, il est impossible de viser librement) pour se débarrasser des agglomérations d'ennemis puissants ou lanceurs de sorts. Exploiter les faiblesses de l’IA ou se cacher derrière un mur pour utiliser le combat à distance, voilà qui n’est pas forcément très amusant.

D’autant que comme les situations, les ennemis sont aussi beaucoup moins variés. La plupart sont des humanoïdes à grosse épée et les rares autres monstres semblent directement importés de Dark Souls 1. D'ailleurs, si les ennemis massifs sont plus lents, leur capacité à pivoter sur eux-même à vitesse grand V compense parfois curieusement leur manque de mobilité supposée. Par exemple l'Ironclad Soldier, sorte de tortue bardé d'armure du début du jeu, possède de grosses attaques frontales et une parade arrière, et il est pourtant quasiment impossible de rester sur son côté lors du combat, ce qui aurait dû être la réponse logique à un tel adversaire. Ces décisions nuisent à la qualité et à la variété des combats. Du coup, ceux-ci se ressemblent quasiment du début à la fin, et surtout, les mélanges d’ennemis apportent relativement peu de variantes. De plus, quand vous aurez traversé votre salle remplie de chevaliers… surprise ! Le boss est souvent un gros chevalier avec une plus grosse épée dans une petite arène ! Pour les vaincre, il faut généralement appliquer une même recette, puisque la plupart d’entre eux disposent d’une palette de mouvements comparable. Pour pallier au problème de répétitivité, les développeurs ont eu l’idée de génie de multiplier le nombre d’ennemis dans la salle des boss. Il faut donc très souvent affronter d’autres bestioles, voire carrément deux ou trois boss à la fois.

Le problème, c’est que le système de combat n’a pas forcément été pensé pour ces situations et, comme le design des monstres ne lui est pas toujours adapté, il montre vite ses limites. Avec le lock, il est par exemple difficile de garder un œil sur tous ses ennemis, ou même de s'en protéger lorsque certains utilisent le combat à distance. De même porter un coup, devient parfois un calvaire puisqu’il faut que les combos des adversaires s’achèvent en même temps pour pouvoir en placer une. 
Certains combats se limitent à rester caché derrière son bouclier, placer un unique coup et recommencer. En ce qui concerne le combat mobile, la version PC souffre d’un problème déjà présent dans le précédent portage : le temps d’invincibilité de la roulade est calculé en nombre d’image tandis que certains autres éléments du jeu en millisecondes, ce qui crée des inconsistances et de mauvaises surprises. Le problème est rendu encore plus délicat encore par le lock sur joueur de certains ennemis, qui en plus de se comporter comme des tourne-disques sont aussi contorsionnistes. Une fois leur coup lancé, ils pivotent sur eux-mêmes pour continuer à suivre le joueur, ce qui rend le timing d’esquive plus étroit en plus de manquer de logique (notamment lors d’attaques puissantes d’adversaires lents). Ajoutez à ceci des hitbox parfois capricieuses et le cocktail de frustration est prêt.

Bien sûr, globalement, le système de combat est relativement solide et plaisant et ces défauts sont plus ou moins sensibles selon les builds. La plupart de nos morts sont donc méritées, bien que certains pièges mortels soient particulièrement pervers et stupides. Les boss, s’ils déçoivent dans l’ensemble par léger manque d’innovation, nécessitent parfois un peu d’intelligence et livrent des combats épiques et tendus qui exigent de nous méthode et lucidité. Bref, le jeu est très loin d’être mauvais. Mais quand chaque mort compte, il est frustrant d’être victime de ces petites imprécisions. De même, comme on rejoue souvent une partie de chaque niveau, il aurait été bien vu d’éviter les couloirs bêtes et méchants. Mais le plus décevant en dehors de ces défauts ponctuels, c'est que les quelques solutions de facilité utilisées pour augmenter la difficulté des combats vont à l'encontre de la logique Dark Souls, qui veut que les ennemis soit difficiles à vaincre, mais possèdent des faiblesses spécifiques qui obligent le joueur à varier ses approches. En produisant des adversaires et des boss relativement uniformes et très équilibrés dans leurs capacités - malgré leur look différent - c'est un aspect important du jeu qui a été gommé.

À vaincre sans âmes, on triomphe sans gloire

Décrit comme ça, le jeu peut paraître bien plus dur que son prédécesseur, et pourtant ce n’est pas forcément le cas. Dans Dark Souls 2, la difficulté ponctuelle est réelle : il est tout aussi impardonnable que son ainé, voir plus. Pourtant, on y meurt moins. Les développeurs ont en effet oublié l’autre fondamental de Dark Souls : la logique risque-bénéfice qui donnait tout le sel à la formule. Autrement dit, si cette difficulté impitoyable et imprévisible avait une logique, c’est qu’elle venait reposer sur un système de progression et de santé bien précis. Le joueur avait constamment le choix entre continuer à progresser malgré des ressources qui s'épuisaient, prenant alors le risque de tomber sur un danger mortel et d’y perdre ses âmes, ou bien de faire demi-tour pour les dépenser au feu de camp et se ravitailler. Ce risque exploratoire constituait la base d’une angoisse sourde qui allait en grandissant à chaque pas, tandis que le surgissement imprévu d’un ennemi provoquait la panique capable de pousser le joueur à l’erreur. Sans compter qu’une invasion était toujours possible. Les deux partitions s’ajustaient donc parfaitement pour créer une tension constante, capable de faire hésiter, renoncer ou regretter, avec en ultime recours la possibilité de demander de l'aide (on voit ici le fameux usage narratif de la difficulté). Dans Dark Souls 2, à l’inverse, les deux pôles viennent comme se désamorcer l’un l’autre.
 
Première contradiction, le jeu réintroduit les objets de soin sous forme de cristaux de vie à usage unique. Il y a fort à parier que sur la fin de partie, votre inventaire en sera rempli. Les flasques d’Estus, introduites par Dark Souls, venaient justement ajuster la mécanique de soin avec celle des feux de camps, en imposant au joueur un nombre limité de guérisons entre chaque ravitaillement. Pour arriver au bout du niveau, il fallait alors soit aider un autre joueur en cours de route (ce qui en cas de réussite compte comme un ravitaillement, en cas de défaite vous laisse dans la dèche), soit réussir à rationner ses ressources. Dans Dark Souls 2, on les accumule sans s’en rendre compte ce qui nous donne une marge de manœuvre très confortable lors des passages critiques, les cristaux s’utilisant même plus rapidement que les flasques puisque votre personnage ne s'arrête pas totalement à l'utilisation.

Second problème, si les niveaux sont chargés en ennemis, ils sont aussi plus courts et linéaires, et parfois truffés de feux. Pour peu qu’on se donne la peine de tous les trouver, ils sont séparés de quelques pièces à peine dans certaines zones. Plus vraiment besoin d’hésiter à avancer, puisqu’on est certain que notre cadavre ne sera jamais bien loin d’un checkpoint. Bien sûr, l’excitation de l’exploration existe encore, mais la certitude de pouvoir toujours dépenser ses âmes rapidement, si elle ne nuit pas au plaisir de la découverte, enlève une énorme pression. De même, il n'est du coup plus nécessaire de connaître parfaitement le niveau pour arriver au boss en bon état, puisqu'il y a souvent un feu très proche. 
Au point qu’on doute que leurs emplacements aient été pensés de manière cohérente avec les niveaux ou la logique du jeu. Certains d’entre eux sont par exemple face à un couloir rempli d’ennemis suivi d’un boss. A ce prix-là, autant nous épargner de laborieux combats. Deux d’entre eux placent même le joueur directement à côté d’ennemis, ce qui est proprement aberrant.

Âmes sœurs

Côté multi, Dark Souls 2 récupère bien quelques casseroles du premier épisode mais se débarrasse surtout de la grosse marmite Games for Windows Live. Pour un jeu ou le multijoueur actif et passif est d'une importance aussi capitale, c'est un réel soulagement. Le confort de jeu général en est immédiatement multiplié, même si le serveur est régulièrement en maintenance. Le lag et la triche sont présents mais très modérés. S’il est désormais aussi possible de chatter par micro (sous certaines réserves), l’option n’est presque pas utilisée, les joueurs préférant utiliser les gestes.  Bref, les habitués devraient rapidement trouver leurs marques et les débutants découvrir un système original qui a déjà fait ses preuves. Le problème se situe plutôt au niveau des serments, qui viennent façonner ce multijoueur avec des règles particulières. Première remarque, ceux-ci sont tout aussi énigmatiques que dans Dark Souls, ce qui est un peu agaçant. En contrepartie, vous pouvez cette fois les quitter sans  perdre votre progression ni payer une quelconque pénalité. Vous pouvez même en changer à la volée, ce qui constitue certes une facilité, mais fait certainement perdre du prestige aux serments, puisqu'on peut en changer comme de pantalon.



Même si certains serments ne sont disponibles que très tard dans le jeu, la variété est en tout cas toujours au rendez-vous. Il y en a pour tous les goûts, du PvE pur au PvP, votre chemin sera semé d’amis et d’ennemis ou bien de défis personnels. Certains serments sont par contre complètement désertés : les Sentinelles Bleues par exemple, automatiquement invoquées dans le monde des joueurs en difficulté, ne semblent pas très sollicitées. Autre problème, les objectifs laborieux (type tuer 500 joueurs) pour atteindre le niveau maximum (et les récompenses) de certains d'entre eux. Enfin, si un effort a été fait dans la variété, on ne peut pas dire que l’équilibre soit toujours au rendez-vous. Ainsi, certaines zones réservées au PvP proposent des dynamiques originales mais pour le moins questionnables. Le serment des gargouilles met quasi-systématiquement en place du 2v1 tandis que celui des rats propose au joueur de défendre en 1v1 un territoire particulier dans lequel il peut ouvrir des pièges. C’est intéressant, mais là encore, le point d’invocation est franchement mesquin, puisque le joueur invoqué dans le monde du défenseur se trouve immédiatement en situation de faiblesse : face à des adversaires puissants en plus du joueur adverse, il se fait généralement rapidement massacrer. Dans les deux cas, ça ressemble plus à de l’abattage de joueur naïf qu’à un défi intéressant, ce qui peut donner envie de jouer offline. Reste que les invasions fonctionnent correctement, même si le système de matchmaking est obscur lors de la première partie (basé non pas sur le niveau mais sur le nombre d’âmes récoltées). En NG+, seul le niveau est pris en compte ce qui simplifie les choses. Sachez aussi que comme il n’y a pas de limitation, la communauté a tendance à se limiter au level 125/150 pour le PvP.

Manque d'âme

Pour en finir et parler de l'expérience globale, il faut revenir sur les petites imprécisions de conceptions qui laissent un mauvais arrière-goût. Car en effet, c’est le jeu tout entier qui pâtit de ces incohérences, celles-ci étant symptomatiques d’autres problèmes qui touchent directement à la qualité du monde déployé. Le manque de variété des situations n’est par exemple que le résultat d’un level design parfois assez pauvre, loin de la richesse de la forteresse de Sen, des Archives du Duc ou d’Ariamis. Chacun des niveaux de Dark Souls racontaient une histoire et permettait au joueur de la découvrir en parcourant le lieu et en activant les mécanismes qui en dévoilaient les mystères. Dans Dark Souls 2, les rares interactions entre le joueur et le niveau sont généralement sans intérêt ou manquent de logique. Les visites de châteaux majestueux sont anecdotiques tant elles se limitent à une enfilade d'escaliers. Courtes et linéaires, les zones ont souvent du mal à raconter quoi que ce soit et il est rare qu'elles soient marquantes. Brefs, ce ne sont parfois plus des lieux, mais bien des niveaux de jeu vidéo. De même, et en conséquence, les boss sont loin d’avoir un background aussi solide qu’avant, puisque les rapports qui les unissent aux lieux qu'ils habitent ne sont plus établis aussi harmonieusement. Et encore, ça c'est quand ils ne sont pas dotés de drôles de compétences (un boss qui, dans la plus pure tradition nanar, arrache son propre bras pour combattre, ou une araignée géante qui tire des lasers...).



De même, la cohérence générale du monde souffre de cet éparpillement. On passe d’une zone à une autre parfois sans vraiment comprendre pourquoi ni comment elles sont reliées. Le système de fast travel, disponible cette fois dès le début du périple, masque mal les nombreux culs-de-sac et fragmente encore un peu plus la cohérence du monde et donc l’expérience du joueur. L'impression de progresser vers le danger est bien présente, mais atténuée par la nécessité constante de revenir à la ville de base pour y dépenser ses âmes. Pour ceux qui ont vécu la lente descente vers le Lac des Cendres du premier Dark Souls, la différence sera flagrante. Le monde de Dark Souls 2 peine à produire l’impression naturelle d’un parcours géographique et narratif. Pourtant, et assez curieusement, le jeu lui-même est au départ beaucoup plus linéaire et le joueur a peu de chances de pénétrer dans une zone pour laquelle il n’a pas le niveau. Seules deux d’entre elles (contre trois ou quatre avant lui) sont accessibles dès le début du jeu. Ce n’est pas la mer à boire bien sûr, mais ça indique assez bien la volonté d’être plus dirigiste dans la progression du joueur. Le problème se situe justement là : plus bavard et complet, Dark Souls 2 ne parvient pas à l’opacité mystérieuse de son aîné et manie beaucoup moins bien l’art du mystère.

Il y a bien quelques belles choses çà et là, notamment en ce qui concerne l’aspect cyclique de l'univers et le rapport entre les époques des deux jeux, mais globalement, l’immersion est mise à mal par quelques curieuses décisions. On peut prendre deux exemples significatifs pour l'illustrer. Dans Dark Souls, un soldat venait nous libérer et nous confiait une mission certes énigmatique, mais dont chaque étape était clairement indiquée. Dans Dark Souls 2, le joueur n’a absolument aucune idée de ce qu’il fait ni de pourquoi il le fait, et progresse plus par vague automatisme qu'autre chose. L’autre changement dommageable concerne les PNJ. Dans Dark Souls, les personnages allaient et venaient en fonction de notre progression. Certains disparaissant purement et simplement selon le choix des joueurs, lui donnant l’impression qu’il se passait quelque chose dont il ne percevait que quelques traces. Dans Dark Souls 2, une fois découverts, la plupart des personnages iront se planter à Majula pour le reste de l’aventure, répétant inlassablement les mêmes lignes de dialogues du début à la fin. Bien sûr, il y a tout de même quelques quêtes annexes, mais globalement, le travail d’intégration de ces dernières à la progression du jeu est incomparablement plus fade, en plus d’éviter au joueur d’avoir à prendre des décisions difficiles (on peut à priori réaliser toutes les quêtes sans ternir sa réputation). Tout cela ne préjuge en rien de la qualité de l'histoire racontée, mais dans Dark Souls, c'est avant tout la manière qui comptait vraiment.

Un dernier mot pour la fin (TL;DR)

On pourrait croire le constat accablant, mais il faut garder en tête qu’il ne l’est que dans la mesure où Dark Souls est un grand jeu, là où Dark Souls 2 est juste un bon jeu. Il est quand même frustrant de constater que non seulement les nouveautés ne se bousculent pas, mais qu’en plus certaines erreurs n’ont pas été corrigées (il y aurait eu à faire), et surtout que les rares changements ont plutôt eu tendance à tirer la licence vers le bas, mettant l'accent sur une difficulté tape-à-l’œil mais perdant du même coup une couche de profondeur. Ces petites concessions, qui impactent la qualité globale du jeu sans pour autant lui rebâtir une identité à part entière, devront être sérieusement repensées si la série ne veut pas s'engourdir dans des automatismes ennuyeux. Mieux vaut prendre le risque de réinventer que de calquer maladroitement une recette qui finira par perdre de sa saveur.



Reste que malgré ça et pris individuellement, Dark Souls 2 a de gros atouts pour lui : le contenu est énorme, les secrets nombreux, le multi toujours aussi fantastique et les combats intenses et exigeants dans une grande majorité des cas. Pourtant, une fois l'aventure terminée, la NG+ ne vient pas si facilement s'imposer sous la manette. Si vous avez exploré de bout en bout le premier épisode, cette suite constitue une valeur relativement sûre, sinon et si l'aventure vous tente, préférez-le à sa suite.
Pas aussi marquant que Dark Souls premier du nom, ce second épisode contentera les joueurs en manque d'un challenge mais est bien loin de lui voler la vedette. Malgré un portage de meilleure qualité et une nette amélioration dans la création de personnage, c'est dans les détails que le jeu pèche. Les fans ne bouderont pas leur plaisir pour autant, toutefois il leur manquera sans doute ce petit supplément d'âme qui a fait de Dark Souls et de Demon's Souls les jeux qu'ils ont été. Mais au final, même en partie amputée de ce qui faisait sa grandeur, la série reste au dessus de la mêlée. C'est dire.
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