TEST
ARC Raiders, le maître extraction
Développeur / Editeur : Embark Studios
Ceux qui me connaissent le savent, il y a des mots à ne pas prononcer en ma présence sous risque de s’engager dans une apologie interminable. Les mots interdits sont au nombre de huit mais je suis sympa, je vous en donne deux : "Hunt" et "Showdown". Après plus de 500 heures à jouer les cowboys et faire du prosélytisme pour la cause du "meilleur jeu multi de la décennie, range ce Kalof que je ne saurais voir", j’attendais d’un œil curieux le nouveau jeu d’Embark. Maintenant, ma liste a deux nouvelles entrées : "ARC" et "Raiders".
J’aurais pu commencer ce test en me pâmant sur la plastique absolument magnifique du bouzin, sur son univers classique mais excellemment bien exécuté, ou encore la fluidité exemplaire dont il fait preuve. Mais tout cela n’est pas forcément ce qui nous intéresse, parce que vous avez (je l’espère sincèrement) un système ORL viable et que je vous fais confiance pour savoir par vous-même ce qui est beau à l’œil et agréable à l’oreille. Non, ici, on va essayer de comprendre pourquoi la formule de l’extraction shooter, auparavant plutôt confidentielle, a littéralement explosé grâce à ARC Raiders et ses 400 000 joueurs simultanés.
Plongée en eaux troubles
À défaut de réinventer une roue qui tourne déjà par elle-même, les gars d’Embark ont fait le choix de reprendre les grandes bases d’un genre établi. On se retrouve projeté sur une carte d’une superficie de 5 km², avec de l’équipement qu’on a nous-même sélectionné en amont (et qu’on perd si l’on meurt). La mission va être de subsister dans cet environnement-là en affrontant à la fois les autres joueurs (comme dans un Battle Royale, qui est un style cousin) et des ennemis gérés par l’IA. Contrairement au BR qui implique la survie d’un seul, ici, on va se concentrer sur des objectifs prodigués par le jeu (trouver telle ou telle ressource) ou qu’on s’est donnés (explorer tel endroit, braver tel adversaire), pour ensuite s’extraire.
Si ces principes peuvent sembler anecdotiques au profane, c’est parce que l’intérêt n’est pas dans ce qu’ils proposent, mais dans ce qu’ils embarquent avec eux : une tension de chaque instant, l’idée de pouvoir perdre beaucoup en une poignée de secondes et la sensation que chaque partie est un exercice d’apnée.
Contrairement aux cadors du genre que sont Hunt et Tarkov, qui eux misent sur des sessions de jeu d’une durée moyenne de 30-40 minutes, ARC Raiders fais le pari de sorties plus condensées, de 15-20 minutes, qui permettent de rendre chaque escapade plus intense et chaque défaite moins frustrante. L’autre bonne idée, c’est d’amener un gameplay plus arcade avec une vue à la troisième personne et un jeu de tir moins exigeant que la concurrence : le plus important, c’est la tactique qu’on adopte et comment on va se placer pour triompher des adversaires gérés par l’IA ou par quelqu’un derrière son clavier.
Plutôt fair play, le jeu est suffisamment bien équilibré pour que les disparités entre une arme de qualité et une pétoire de départ ne soient pas outrancières. Il permet également à n’importe quel moment de démarrer une partie avec un arsenal gratuit et aléatoire. Vous n’avez donc, si vous le désirez, rien d’autre à perdre que votre dignité au moment d’aller en vadrouille sur l’une des cinq destinations au choix.
Chasse à la courre
Il est possible de concourir en solo, en duo, ou en trio, et chaque mode propose une aventure différente.- En Trio : on est dans une expérience classique de l’extraction où on va avoir tendance à faire parler la poudre avant les cordes vocales. C’est dans ce mode que les tactiques les plus complexes peuvent se déployer et où la communication et la coordination sont reines.
- En Duo : la sortie à la surface se veut un poil moins intense, mais votre compagnon de route sera votre seul filet de sécurité et votre rempart contre la barbarie. On a tendance à louvoyer de couverture en couverture, de bâtiment en sous-sol en tendant l’oreille à la moindre échauffourée à distance. Petit détail qui fait plaisir, chaque mise à terre d’un raider se solde par l’envoi d’une fusée éclairante dans le ciel… et a donc tendance à attirer les curieux.
- En Solo : c’est le mode où la pression sera à son maximum. On ne peut compter que sur soi-même et… sa chance qui reste une composante essentielle au succès d’un run. Alors, on se faufile, on flippe, et on essaie de se faire le plus discret possible lorsque l’on va dans les zones les plus risquées.

Du côté du joueur tout d’abord, notre personnage se contrôle bien, est très réactif (ce qui rappelle sous certains aspects Apex Legends) et la vue à la troisième personne permet de moins se faire surprendre dans les angles. Pour ma part, j’avais peur que cette vue ne vienne nuire à l’intensité des échauffourées, mais au final il n’en est rien. Les pétoires tonnent très bien, et ce n’est là qu’un exemple d’un sound design de très haute volée qui parvient à unifier l’ambiance si particulière du jeu et les besoins du gameplay.
Si les autres humains demeurent numéro 1 dans le hit-parade des variations extrêmes du palpitant, les "robots" de l’ARC que l’on affronte, véritable force d’invasion, ne sont pas en reste. Contrairement à Hunt qui utilise les ennemis gérés par IA comme des nuisances et des "attireurs" d’embrouilles, ici, le niveau d’attention que demandent les IA oscille entre un chewing-gum sous la semelle et l’arrivée des cavaliers de l’apocalypse. On va croiser des "guêpes", qui volent et nous mitraillent, des "mouchards" qui eux vont prévenir leurs petits copains, mais aussi des plus exotiques tel "le bondisseur" qui va faire… des bonds gigantesques pour nous atterrir sur le râble. Et ceux-ci ne sont que des exemples basiques. Ce qui surprend vis-à-vis de ces ennemis, c’est leur intelligence apparente. On a vraiment le sentiment que ces machines nous cherchent, nous traquent, et veulent notre scalp pour le ramener à leur matriarche (qu’on peut affronter également, mais alors bon courage).
L'enfer, c'est les autres
Enfin, dernier élément et pas des moindres, les autres raiders. Et ce sont eux, oui ceux-là, ces petits furoncles qui se cachent dans les buissons, ou viennent nous tomber dessus au moment où on s’y attend le moins, qui font le sel de l’expérience. Dans un type d’œuvre ou tout le monde à beaucoup à perdre, les enjeux grimpent et font d’une banale rixe une ode à la survie et à la débrouille pour démontrer qui sera plus malin que le voisin.
Cependant, là où fort de mes acquis de chasseur de cowboys, je pensais que chaque sortie se devait d’être une lutte sauvage contre autrui, ARC Raiders m’a fait découvrir une autre voie. Une voie qui prêche le dialogue avant le headshot. Parce que contrairement à Hunt qui va pousser à l’affrontement entre joueurs, le petit d’Embark a fait le choix de ne pas faire des autres qu’une facette de l’expérience, la plus volatile de toutes en en faisant des cibles humaines. Il est ainsi tout à fait possible de sortir, tomber sur des gens sympathiques, se dire bonjour au revoir et prendre l’ascenseur d’extraction avec trois autres clampins en se lançant des emotes rigolotes.
En donnant accès à des outils de communication très simples à base d’emotes, le titre permet au joueur de se créer son propre langage, dans lequel un "Ne tirez pas !" mutuel fait office de lien de confiance établi. Jusqu’ici, en soixante heures de jeu, je n’ai pas encore connu de trahison, comme si l’ensemble de la communauté essayait de garder ce lien précieux qui nous unit. Pourvu que ça dure.
En se positionnant parfaitement à mi-chemin entre les titres les plus mainstream et les plus exigeants, ARC Raiders réussit le pari audacieux de livrer un objet qui est plus que la somme de ses influences. D’un point de vue personnel, je ne peux que me réjouir de voir un genre que j’affectionne tant rencontrer son public.