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Une brève histoire de THQ

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor

Respectant ses principes fondateurs, THQ pousse dans cette voie des adaptations de licences. Mais se heurte à un premier problème, celui de la viabilité de son modèle de développement à moyen terme. Avec ses structures de développement, l’entreprise ne peut guère lorgner sur de grosses franchises, peut difficilement développer plusieurs jeux de front, et traîne par ailleurs une réputation exécrable héritée de la piètre qualité de sa production. Son principal avantage comparatif, à savoir sa capacité à produire vite et à bas coût, risque à terme de s’autodétruire : même les plus naïfs des consommateurs éviteront les jeux qui ont un logo THQ sur la jaquette. Et tout ça, Farrell en est conscient.



Pendant deux années assez pauvres en sorties et plutôt consacrées à de la distribution de jeux développés par d’autres (la plus notable étant les Chevaliers de Baphomet en Amérique du Nord), THQ se consacre à améliorer quantitativement et qualitativement sa capacité de production, notamment en développant des partenariats avec des studios extérieurs. En parallèle, il faut trouver des licences porteuses mais accessibles, afin de se forger une nouvelle image de marque autour de jeux plus connus et de meilleure qualité. Au bout de ces efforts, l’année 1997 est un tournant : THQ concrétise un partenariat avec la WCW, la fédération de catch qui attire à l’époque le plus de téléspectateurs, avec trois jeux à destination de la Playstation, de la N64 et du PC. La même année, l’entreprise change de statut juridique et s’immatricule dans le Delaware, le paradis fiscal préféré des grosses entreprises américaines.[1]

À partir de ce moment-là, THQ prend de l’ampleur. Son partenariat réussi avec la WCW débouche sur un autre avec la WWF, qui est en train de redevenir leader des audiences (et finira par racheter les autres fédérations, devenant la WWE). Après un premier jeu (raté) pour 1001 pattes en 1998, les partenariats ponctuels avec Disney Pixar se multiplient (Monsters, Inc., Nemo), et Nickelodeon signe en 2000 un partenariat pour les jeux Bob l’Eponge et Jimmy Neutron. Distribution de jeux (Conker’s Bad Fur Day en Europe par exemple) et surtout contrats d’exploitation (Star Wars, Sonic, Bob l’Eponge, Scooby-Doo, Simpsons, Power Rangers…) alimentent une croissance soutenue par des créations et acquisitions de studios (voir histogramme). Mais un autre risque pointe le bout de son nez, lié à ce choix de développement.


En réalité, l’exploitation de licences nécessite beaucoup d’argent, car l’exploitant paye l’ayant-droit. Et, en cas de succès de la licence, l’ayant-droit verra de nouveaux exploitants sonner à sa porte pour le convaincre, augmentant ainsi la demande pour une offre inchangée, et par là-même le prix. L’exemple le plus parlant serait celui des droits TV pour le sport : toutes les chaînes se placent pour diffuser le foot, ce qui fait grimper les prix à plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que peu d’entre elles souhaitent diffuser du curling, les rares qui le font s’en tirant pour quelques milliers d’euros. Or, THQ s’est placé sur le catch au moment où l’Europe y prend goût, sur Disney Pixar au moment où ces films supplantent définitivement les dessins animés classiques, ou sur des licences célèbres pour lesquelles la compétition est rude (Star Wars, typiquement). Le risque, c’est que les investissements consentis pour se placer sur ces franchises (droits d’exploitations, achats/création de studios) ne soient plus compensés par les ventes. La surenchère de jeux WWE a notamment pour but de compenser avec des million-sellers les droits d’exploitation assez costauds réclamé par la fédération de catch.[2]

C’est pourquoi, dès 2003, THQ essaie de se rendre moins dépendant. Parmi ses coups d’essai, Tak et le Pouvoir du Juju est intéressant à plus d’un titre. D’une part, c’est avec les Red Faction (2001 et 2002) une des premières licences imaginées et créées par l’éditeur. Et surtout, THQ ne souhaite pas simplement vendre un jeu, il veut également que ses franchises soient exploitées dans d’autres domaines. En l’occurrence, il s’agit de profiter des bonnes relations avec Nickelodeon pour que la chaîne diffuse une série animée issue du jeu. Le jeu soutient la série, la série soutient le jeu, c’est l’idée de base. L’essai s’avère raté, puisque la chaîne n’honorera sa part du contrat qu’en 2007, alors que le jeu est sorti des mémoires depuis longtemps. Echaudé, THQ ne renouvellera pas l’expérience.[3]

Mais de cette période 1995-2003, on retiendra deux éléments extrêmement importants : THQ est parfaitement lucide sur sa stratégie d’entreprise, et elle prend des décisions logiques au vu de cette auto-analyse. Conscient de ses forces et de ses faiblesses, Farrell cherche à se positionner sur de nouvelles opportunités pour éviter les menaces qui planent.[4] En effet, si une entreprise a tendance à respecter ses principes fondateurs, elle se retrouve parfois devant des évènements ou des évolutions du marché qui la forcent à évoluer. THQ sent venir l’augmentation de ses coûts de fonctionnement, et commence à lorgner vers la création de ses propres IP pour mieux les maîtriser. Une bonne idée, mais aussi un risque...



[1] Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les Américains eux-mêmes
[2] A titre indicatif, si THQ était encore en vie il devrait payer à la WWE 45 millions de dollars de royalties par an, en plus d’une échéance contractuelle de 7,5 millions de dollars.
[3] D’une seule saison de 26 épisodes, la série ne remporte pas un franc succès. Ça manquait de poneys, peut-être.
[4] Il s’agit d’un outil d’analyse et d’aide à la décision qui répond au doux nom de SWOT : Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats.
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