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Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
ARTICLE

Prise Chaude : l’acte de tuer

Rozzo par Rozzo,  email
Attention, à partir de maintenant, vous entrez sur le territoire du spoiler. Si vous n’avez pas terminé le jeu, faites demi-tour tout de suite.​ 



Comme on l’a vu juste avant, c’est tout le jeu qui raconte quelque chose d’Ellie, quelque chose de nous aussi, vils animaux primitifs et violents que nous sommes. Mais The Last of Us va plus loin : il réussit l’exercice d’équilibriste d’épauler son gameplay grâce à une narration qui a fait couler beaucoup d’encre. Si je suis prêt à lire certains arguments critiquant l’ouvrage, je pense qu’on peut tous au moins saluer la démarche « jusqu’au-boutiste » de celle-ci.
 

Ils ont tué *****, bande d’enfoirés !

Le grand coup de maître de Naughty Dog dans le contexte de sortie de ce second opus a été sans doute la capacité du studio à maintenir secret 90 % du jeu (à part quelques leaks stupides). Les vidéos montraient une Ellie vengeresse, prête à tout pour venger Dina, sa petite copine que l’on découvre dans ce second opus. Dans les bandes-annonces, c’est elle qui trouve la mort de manière brutale et démarre l’odyssée de sang qui sert de fil conducteur au titre.



Il y avait comme un air de tromperie pourtant, à la lueur de cette jaquette du jeu, qui ne montre que Ellie. Bien que le secret fut l’un de ceux qui se craquèlent bien promptement, voir Joël périr si vite, aussi tôt, est un moment fort, qui, pour un temps du moins, m’a mis dans le même état d’esprit que mon Ellie : allons tuer ces enfoirés.

Comme pour mieux nous donner envie de nous venger, l’œuvre nous fait également incarner sa meurtrière peu après le début du jeu. Abby, c’est son nom, en a déjà affronté des vertes et des pas mûres. En la contrôlant, on comprend qu’un désir de revanche l’anime et qu’elle est prête à tout pour atteindre Joël… et lui éclater le crâne. Par petites touches, on découvre qu’elle a un groupe de personnes auquel elle tient. Et le fait de l’avoir incarné ne fait que renforcer notre aversion contre elle. On va la traquer, et on va la détruire. Abby a tué Joël. Ellie va tuer Abby. Et on va l’accompagner jusqu’au bout pour ça. Pour un temps.



C’est à partir de là que le jeu commence vraiment. On trouve des polaroïds qui montrent le visage de ceux qui étaient dans la pièce au moment de la mort de notre figure paternelle. Et on remonte la liste. Un à un, on tue, souvent de sang-froid, tous les gens qui sont proches de notre ennemie. Quelque part ailleurs dans Seattle, Tommy, le frère de Joël fait de même. Pendant ces trois jours intenses, Abby est un fantôme, un objectif lointain pour laisser libre cours à la folie froide d’une Ellie qu’on ne reconnaît plus. Lorsqu’enfin on pense être proche d’Abby, c’est elle qui vient nous chercher, directement dans le cinéma qu’on occupe avec nos amis. S’ensuit une scène d’une rare tension… qui ne se dénouera que quinze heures plus tard.

Changement de point de vue

anti-climax absolu, le jeu décide de changer notre regard en nous faisant vivre ces trois dernières journées à Seattle, mais du point de vue d’Abby. Au début, on râle, on ronchonne. On a presque l’impression d’avoir lancé un DLC avant d’avoir terminé le jeu de base. Puis petit à petit, comme on l’a fait avec Joël il y a une éternité, on s’attache au personnage. On saisit que tout le monde a ses raisons. On comprend Abby, son chemin de vengeance contre Joël. Et surtout, on regrette, l’une après l’autre, les morts qu’Ellie et Tommy ont causées. Peu à peu, ce sont tous les liens entre les individus des polaroïds qui se nouent, et notre estomac avec.

Le fait de revoir, après les avoir tués avec Ellie, ces adversaires et y lire des personnes qui tentent de survivre, qui s’aiment et se déchirent, donne à toute cette seconde partie une couleur particulière. Comme un air de regret. Chose impossible au début, notre perception de Abby évolue et de la même manière que deux faces d’une même pièce, notre perception d’Ellie se dégrade.

Lorsqu’enfin, on retourne à ce moment de bascule, laissé en suspens, nos opinions ne sont plus les mêmes. Maintenant, la croisade d’Ellie nous semble bien moins juste, et la vengeance d’Abby bien plus compréhensible. On est partagé, et on ne veut abandonner ni l’une ni l’autre. Une fois de plus, Ellie perd, et Abby pardonne. Et une fois de plus, on pense que le jeu va pouvoir se terminer ici. On se satisfait même d’un épilogue magnifique et apaisant pour nos personnages. Sauf que non. Ellie désire encore se venger, elle qui vit dans la tourmente.

L’ultime partie de l’histoire, Santa Barbara, détonne. Là où la saga était toujours parvenue à rester dans l’argumentaire classique du « Tout le monde a ses raisons », elle manque parfois de discernement sur la dernière ligne droite. Les ennemis en face, une espèce de mélange entre esclavagistes et tortionnaires, méritent vraiment de mourir. Aussi peu de profondeur dans les adversaires m’a un peu déçu.

Casser le cycle

L’autre brillante idée du titre, c’est de nous tromper sur les raisons de la vendetta d’Ellie. On commence le jeu en pensant qu’elle se venge de Joël justement, car elle ne connaît pas son terrible, terrible secret. On comprend qu’elle était au courant de ça, mais qu’elle s’était disputée avec le vieil homme la veille de son départ. Finalement, au terme d’une scène belle à en pleurer, on se rend compte que les deux venaient de faire la paix sur leur passé commun. Ce n’est donc pas l’ignorance qui a guidé Ellie sur cette route sanglante, mais l’amertume d’un pardon trop tardif. 

Lorsque Ellie retrouve Abby, rachitique, accrochée à un poteau au bord d’une plage, son premier réflexe est de l’aider à s’enfuir. Mais c’est plus fort qu’elle. Une dernière fois, elle pousse Abby à l’affrontement. En tant que joueur, cette lutte à mort était le climax absolu de l’expérience. Sur la page précédente, j’avais mentionné de manière schématique que l’histoire du jeu était celle de deux trains lancés à pleine vitesse l’un vers l’autre. Ce climax, c’est le moment de l’impact. En contrôlant Ellie, on frappe, encore, et encore. Jusqu’au moment où on s’apprête à tuer Abby. Les yeux dans le vague, on assiste, impuissant, à la création d’un nouveau cycle de vengeance et de violence. Sauf que non. Ellie, contre toute attente, décide d’épargner son adversaire, et brise enfin le cycle de violence. 



Certes, l’histoire que Naughty Dog relate l’a déjà été dans d’autres médiums que le jeu vidéo. Mais à l’opposé de bien des concepts de game design pour lesquels le choix est LA caractéristique fondamentale du jeu vidéo, The Last of Us n’a jamais été un jeu dans lequel le joueur est décideur. En nous faisant subir la violence, puis incarner la vengeance, avant de nous la faire subir à nouveau, le petit dernier de Naughty Dog raconte quelque chose qui, si l'on cherche bien, a déjà été raconté, mais jamais de cette manière. Après s’être retrouvé dans cette machine à laver pleine de sang et de tripes, on en ressort lessivé, usé, mais avec une seule volonté : en parler et comprendre la perception des autres. 

The Last Of Us : Part 2 est un jeu polarisant, n’hésitez pas à venir en débattre dans les commentaires, tant que tout se fait dans le respect ! Quant à moi, je retourne sur Paper Mario. Là-bas au moins les coups de marteau ne font que des confettis.

 
Subir les évènements plutôt que les vivre est l’apanage du cinéma. Seulement, là où The Last of Us parvient à nous toucher, c’est en nous engageant dans cette spirale mortelle. Par attachement envers notre personnage, on est prêt à aller aussi loin qu’il le faudra, juste pour ne pas l’abandonner à sa rage aveugle. Alors certes, tout n’est pas parfait dans le titre. On termine le jeu en ayant, une fois de plus, tué la population d’une ville de l’Oregon. Mais au moins, pour une fois, ces pixels qu’on a supprimés paraissaient avoir leurs vies propres, leurs occupations, et ne semblaient pas être de simples modèles 3D dénués d’âmes. Rien que pour ça, le titre mérite d’être joué.
 
 

Commentaires

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peolio
 
Personnellement le jeu, et sa fin, m'ont beaucoup secoué. J'ai du faire le jeu rapidement pour certaines raison et j’étais hyper investi.

La mort de Joelm'a surpris et j'étais a fond pour me venger (j'ai réussi à éviter les spoils et les leaks présortie).

Mais la progression du jeu, le dénouement du 1er affrontement entre Ellie et l'antagoniste, et la narration en général m'ont fait repenser les motivations d'Ellie et quand je suis arrivé à la fin du jeu, je n'ai pas pu me résoudre à noyer Abbie, j'en ai même lâché ma manette.

Pour moi c'est un jeu qui traite de la vengeance avec un ton plutôt juste et il m'a un peu retourné et ça m'arrive encore d'y repenser.

Enfin, au niveau des ennemis plus lambda, je n'ai pas été dérangé plus que ça dans le fait de les tuer même si les scènes d’exécution sont très violentes, mais les éléments d'histoire qu'on trouve au fil du jeu montrent quand même que les Wolfs sont pas des enfants de chœur non plus.
De toute façon je pense qu'au niveau du gameplay on peut clairement jouer de deux façons différentes: soit on tue tout le monde, ce qui laisse le temps de fouiller de fond en comble chaque zone et du coup d'être régulièrement très bien stuffé pour les affrontements suivants, soit on fait le maximum en infiltration en tuant seulement les ennemis qui gênent réellement notre progression mais on se retrouve avec peu de munition et d'équipement puisqu'on ne peut pas fouiller les zones où les ennemis patrouillent encore (j'ai joué en difficulté normale, je ne sais pas si les difficultés plus élevés forcent un gameplay plutôt qu'un autre).
Cronos
 
J'ai beaucoup aimé le jeu et tout ce qu'il propose, comme l'auteur de l'article je trouve incroyable d'avoir une telle proposition dans le paysage actuel, et vu le clivage que ça provoque, c'était peut-être indispensable pour changer quelques mentalités

Last of Us 2, au-delà du discours sur la violence, est aussi un jeu sur le point de vue, sur comment changer sa perception, sa vision d'événements et de personnages au-delà des préjugés que l'on peut avoir, et c'est plutôt fort d'avoir fait ça de cette façon

Je fais un peu mon auto-promo, j'ai fait un article d'analyse par ici (et rempli de SPOILERS) si vous êtes intéressé :)

http://www.dailymars.net/the-last-of-us-part-2-vengeance-et-chemin-de-croix-analyse/
boukno
 
Merci pour le test, très bonne analyse !
Exactement ce que je pense du jeu.

J’ai beaucoup aimé le jeu, j’ai aussi tué des milliers de gens dans d’autres jeux mais c’est vraiment la première fois que je me dis qu’un jeu est trop violent...
Tonolito_
 
Bon papier mais je suis beaucoup moins conciliant que toi sur l'execution.
Passé l'excellence esthétique et technique qui démontre d'un vrai savoir faire, je trouve que la narration et le gameplay sont à la peine.
Par narration j'entends le fil rouge (un peu téléguidé et qui me fait penser à "A History of violence"). et surtout la lourdeur du propos et sa mise en scène. La violence est forcée à tous les niveaux et cette dissonance Ludo narrative voulue par le studio vraiment pas bien exploitee, forcee, subie et pas finaude du tout.
> Le côté, la vengeance c'est pas bien, tuer c'est mal et on veut vous faire ressentir ce malaise au travers d'un rambo sans sentiment qui ne peut dessouder tous les PNJ, sans même une once de finesse au niveau du gameplay.... Perso j'ai pas pu.
J'ai décroché au bout du jour 3 et j'ai zieute le reste sur YT. Et je suis réconforté dans mon choix. Le jeu arrive à être clivant mais plus par ses mecaniques forcée et sans finesse que par un vrai message. Le gameplay est "simple", le récit est trop étiré... Bref je ne le mettrais pas au panthéon si ce n'est pour sa photographie été les lieux visités (malgré une certaine redondance).
Mais le tableau n'est pas tout noir. J'ai apprécié les espaces ouverts..dommage que ce soit si peu présent et la toute fin est superbe (mais trop de chose à faire avant).
Darius-K
 
Ben dis donc Rozzo, c'est une fukin' bonne analyse, merci.

(C'est aussi pour ça que j'aime Factor, des gens qui prennent du temps pour écrire des choses loin d'être inintéressantes).


PS: j'aime bien les gens qui commentent aussi.
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