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Invisible Inc. & XCOM 2 : Le hasard fait-il bien les choses ?

Edhen par Edhen,  email
 

Les conséquences en terme de game design.


Il est assez délicat de juger de la pertinence du game design au simple regard de l'utilisation du hasard dans le jeu. Le game design ne se limite pas aux chances que nos actions ont de réussir ou non, ou à une disposition des lieux plus ou moins aléatoire. La nature et le fonctionnement de chaque compétence, les synergies entre classes, les embranchements offerts au joueur dans la manière dont il fait évoluer ses troupes, les récompenses en cas de succès, et la manière dont elles peuvent être investies, sont autant d'éléments qu'il est difficile de lister et de prendre en compte dans cet article. Je me limiterai donc à quelques points qui me paraissent pertinent, en avertissant le lecteur que tout ne sera pas traité et que l'exhaustivité n'est pas l'objectif.

Créer de la difficulté.


C'est probablement l'un des aspects les plus importants qui explique la volonté de recourir au hasard, car cette difficulté conditionne tant l'accessibilité au produit, et donc indirectement le public visé, que la qualité de l'expérience en jeu, et donc l'envie pour le joueur de poursuivre sa partie, voire même d'investir dans une éventuelle suite.

Et il faut dire qu'en la matière, autant XCOM 2 que Invisible Inc. érigent des barrières à l'entrée qui pourront en décourager plus d'un, mais pas de la même façon. L'un comme l'autre imposent au joueur d'acquérir un savoir nécessaire à sa survie, puis de s'en servir. Ce savoir a deux pendant : Un aspect qualitatif, et un aspect quantitatif. Le qualitatif correspond à l'idée selon laquelle une connaissance pointue des mécaniques de jeu aide à trouver une issue favorable aux situations difficiles. Le quantitatif parle de lui-même, c'est la somme des informations à assimiler pour contrer la diversité des circonstances.



Mais là où le savoir acquis dans Invisible Inc. peut être mis en pratique avec certitude, dans XCOM 2 cela ne garantit pas la réussite, loin s'en faut. Dans ce dernier, vous pouvez donc aborder une escouade ennemie avec une vision éclairée de la situation dans laquelle vous vous trouvez, ce qui n'empêchera pas le combat de se résoudre de manière désastreuse. A vous d'endurer le revers, et de trouver le moyen de créer une circonstance permettant un renversement de situation. Cela confère également un aspect "méta-stratégique" à vos décisions : ce n'est pas parce que vos actions ont mené à un échec qu'elles étaient incorrectes. Il faut donc apprendre à faire la distinction entre les bons et mauvais choix stratégiques indépendamment de la manière dont ils se sont concrétisés. Cela ajoute une difficulté supplémentaire au jeu, car le joueur n'est pas en mesure d'immédiatement évaluer la portée de ses décisions.

L'autre différence entre ces deux conceptions est la quantité de savoir que le joueur doit assimiler. Là où XCOM 2 se maîtrise assez rapidement, les déplacements et actions dont dispose le joueur étant finalement peu nombreux (un seul type de mouvement, une attaque par défaut en plus d'une action spéciale en fonction de la classe, des grenades, quelques objets utilitaires et deux types de couverture), Invisible Inc. va se caractériser par une multiplicité d'actions et de manière de les utiliser (déplacement par défaut, ou sprint, qui permet d'attirer volontairement l'attention d'un garde, utilisation de l'environnement pour se dissimuler ou détourner l'attention encore une fois, tel qu'ouvrir et fermer une porte dans le champ de vision d'un garde ; attaque en mêlée, embuscade, tir à distance, possibilité de transporter et cacher les corps, de nombreux utilitaires et Implants qui modifient le gameplay, sans parler de la couche supplémentaire ajoutée par Incognita et des opportunités offertes par la diversité de ses Programmes). Le surplus de difficulté provient alors des nombreuses subtilités de gameplay, qui demandent au joueur de sortir de sa zone de confort, d'expérimenter, et donc de subir des revers pour comprendre à quelles circonstance correspondent au mieux certaines actions.

Cela se ressent également dans la manière dont sont prises les actions du joueurs. Dans Invisible Inc. chaque agent dispose d'une réserve de points d'action qu'il dépense progressivement en fonction des ordres reçus. On peut donc faire progresser une unité case par case, en découvrant les lieux alentours au fur et à mesure, et en corrigeant le cheminement prévu en fonction de cela. L'agent peut également attaquer, avec une limite d'une attaque par tour (sauf bonus). XCOM pour sa part donne à chaque unité deux points d'action, en sachant qu'un déplacement - quel que soit le nombre de case - consomme une action. Le joueur doit donc décider à l'avance de l'endroit où il enverra son soldat, et doit accepter le risque qui accompagne sa décision de l'envoyer dans l'inconnu, sans pouvoir changer la destination choisie. L'unité se rend à l'endroit désigné, le point d'action est utilisé. Battre en retraite en utilisera un autre, et ce sera la fin de son tour. De plus, opter pour une attaque finit toujours le tour (sauf exceptions). Choisir de lancer une attaque avant d'avoir bougé ferme donc la possibilité de se replier, le joueur devant assumer cette décision.



Ainsi l'un des deux repose sur la diversité dans l'issue de ses situations et des conséquences que cela a dans l’enchaînement des décisions du joueur pour se renouveler, là où l'autre doit multiplier les outils mis à la disposition de celui-ci pour atteindre un tel résultat.
Facilité d'apprentissage et incertitude dans l'exécution d'un côté, difficulté d'apprentissage et certitude dans l'exécution de l'autre.

Ajuster la difficulté.


Quitte à parler de la difficulté, autant aborder la question de son ajustement. Comment est paramétrée cette difficulté en fonction du choix des philosophies que nous avons présentées ? Dans les deux cas, cela repose en grande partie dans le paramétrage des valeurs.

Dans XCOM 2, les différents modes de difficulté (au nombre de quatre) se distinguent par un ajustement de certaines valeurs concernant les ennemis (Ex : les Vipers ont 25 % de chance d'esquive en Vétéran, score qui passe à 33 % en Commandant et Légende ; ou encore leur nombre de points de vie), ainsi que vos propre unités (qui passe de 5 à 4 points de vie initiaux à partir de la difficulté Commandant), la date en jeu à laquelle des ennemis plus puissants peuvent apparaître et leur nombre par mission, ou encore le montant des ressources gagnées, le temps de récupération pour un soldat blessé, pour mener des recherches, ou construire à l'intérieur du vaisseau.
 
Invisible Inc. repose sur le même principe, mais se distingue encore une fois par la multitude des ajustements qui entrent en ligne de compte. On dénote ainsi six niveaux de difficulté, ainsi qu'un mode Time Attack qui limite le temps imparti lors de chaque tour de jeu, et un vaste éventail de paramètres, allant du nombre de garde et la longueur de leur chemin de patrouille, au nombre de pièces qui constituent un niveau, de programmes qui protègent les appareils pouvant être hackés, de crédits pouvant être récupérés en cours de jeu, de la vitesse à laquelle s'incrémente l'alarme (qui conditionne l'arrivée de nouveaux ennemis et le comportement des gardes, patrouillant passivement ou vous cherchant activement), des ressources allouées en début de partie, de la durée de KO d'un garde quand on l'assomme, etc.
On peut alors faire deux remarques concernant l'ajustement de la difficulté.

- Premièrement, il y a un terrain commun sur lequel se retrouve les deux jeux, à savoir celui de l'ajustement par les valeurs. Même si ces ajustements se font différemment, ils reviennent fondamentalement au même : une augmentation des valeurs en faveur de l'IA (points de vie, nombre d'ennemis, chances d'esquive, etc...), et une diminution de celles qui concernent le joueur (points de vie, durée pour mener les recherches, temps de récupération après une blessure, gain de ressources). Les conséquences de cet ajustement ne sont en revanche par nécessairement les mêmes : on distingue alors entre celles qui ont pour objectif, dans un cas comme dans l'autre, de limiter la vitesse de progression du joueur, et donc l'acquisition de nouveaux moyens pour aborder et contourner la difficulté ; et celles qui dépendent directement du choix initial fait vis-à-vis de l'implication du hasard. Pour XCOM, cela a pour conséquence de multiplier les occasions pour une situation de tourner au vinaigre. Pour Invisible Inc., cela entraine une réduction des interactions possibles avec l'environnement et les ennemis, et donc de l'éventail des choix dont le joueur dispose.

A ce stade, cela semble être normal. On augmente la difficulté en accentuant les effets qui découlent de l'importance accordée au hasard dans le jeu.
Cependant, se borner à cela a aussi pour conséquence de limiter la possibilité d'introduire de nouvelles mécaniques équilibrées avec le reste du jeu. Exemple : Augmenter les points de vie des ennemis rallonge les combats dans XCOM 2. Mais certaines missions ont un nombre limité de tours, qui ne s'ajuste pas en conséquence. Si la marge initiale était déjà faible, qu'en est-il après ce changement ? Pour Invisible Inc., rencontrer des soldats mieux équipés empêche de les mettre KO, et donc force à acheter un meilleur équipement. Mais si les crédits sont réduits, peut-on toujours se permettre cet investissement ? Cela a donc une influence directe sur la portée des choix du joueur, l'obligeant à élaborer une stratégie de long terme, dont l'échec signifie un retour case départ, ces jeux ayant pour philosophie commune d'inciter le joueur à multiplier les parties et apprendre de ses erreurs par l'expérimentation.

- Seconde remarque, quant à l'influence du joueur sur cet ajustement. De nouveau entre en compte une différence de philosophie entre les deux jeux, les développeurs d'Invisible Inc. ayant souhaité laisser au joueur l'opportunité de régler la difficulté du jeu en fonction de critères transparents et paramétrables (pour chaque mode, vous pouvez afficher les options et cocher/décocher/ajuster celles qui vous intéressent). Un nouveau joueur peut alors choisir un mode qui lui offrira du challenge (Expert) qui punira les mauvais choix, tout en augmentant le nombre de « Rewind » dont il dispose pour apprendre de ses erreurs et s'améliorer en rejouant le tour en cours et en expérimentant d'autres stratégies. Le revers de la médaille est qu'une fois que l'on maîtrise le jeu, même la difficulté maximale devient complètement abordable, et le challenge sera moins présent, particulièrement à mesure que le nombre d'outils pour lui faire face augmente.
La même chose peut aussi être reprochée à XCOM 2, la fin de partie étant une promenade de santé par rapport aux premières missions, des soldats surarmés explosant (littéralement) toute présence ennemie sur leur passage, là où tout début de partie peut tourner au calvaire quelle que soit votre ancienneté. Ce qui nous amène à un autre aspect découlant du game design : le plaisir que l'on retire à jouer.
 
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