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Filament, on était pourtant filin pour l'autre

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
Développeur / Editeur : Beard Envy Kasedo Games
Support : PC
Le communiqué de presse présentant Filament évoquait une narration à la Firewatch et un puzzle design inspiré de The Witness. Quand Gautoz a présenté le jeu dans Quickload, il évoquait l’équilibre difficulté/plaisir de la résolution d’un Baba is You et parlait d’un puzzle game qui avait tout pour me plaire. Toutes ces bonnes fées penchées sur le berceau du jeu développé Beard Envy et édité par Kasedo Games ne pouvaient qu’augurer le meilleur, non ? Non ?
Reconnaissons à Filament ceci : ce qu’en dit le communiqué de presse est vrai. Une narration à la Firewatch ? Check : pilote solitaire d’un petit cargo spatial, on accoste un vaisseau à la dérive, l’Alabaster. À l’intérieur, des « ancres », totems reliés aux systèmes du vaisseau et entre eux par des câbles électriques. Aucune présence humaine, à l’exception d’une voix féminine résonnant de temps à autre dans les haut-parleurs. Elle s’appelle Juniper, est bloquée dans le cockpit et nous demande de réactiver les ancres pour redémarrer les systèmes du vaisseau et la délivrer. La progression sera donc rythmée par Juniper (Abigail Turner, excellente) nous livrant ses états d’âme et dévoilant l’histoire de l’Alabaster par petits bouts. Le mystère n’est pas forcément bien épais, mais le temps qu’il se dévoile on s’amuse à combler les trous en imaginant, derrière les intonations ou le choix des mots, ce que nous cache la voix. L'exploration de l'Alabaster, vide mais chargé de traces de ses anciens occupants, est également très plaisante. La seule différence avec le jeu de Campo Santo est que notre héros est muet comme une carpe, ce qui change significativement la donne en matière de dynamique narrative. On notera également quelques répliques moins inspirées que les autres, mais rien d’infamant.


 
Et le puzzle design à la The Witness alors ? Check aussi. Lorsqu’on se connecte à une ancre, on doit résoudre une série de cinq puzzles pour la réactiver. On incarne alors un petit robot devant réparer les circuits électriques de l’intérieur (pensez Tetrobot). On est connecté au point de départ par un câble qui se déroule quand on avance. L’objectif est d’atteindre la sortie de la salle en ayant activé au passage tous les piliers blancs, c’est-à-dire en les touchant avec le câble. Ou plus précisément en s’enroulant autour. Sauf qu’il y a évidemment des obstacles. Les piliers noirs coupent le courant dans le câble. Des bouts de murs empêchent de tourner — littéralement — en rond. Et ainsi de suite… Outre l’aspect visuel des puzzles qui en découle, c’est le changement des contraintes qui rappellera The Witness. Ici, on jouera avec des couleurs. Là, on devra respecter des marquages au sol. Ailleurs, il faudra construire une symétrie. On ne va pas tous les faire, mais vous voyez le topo : durant 300 et quelques niveaux, Filament revisitera astucieusement son concept de base, tout comme le faisait le jeu de Jonathan Blow.

Filament, de Marguerite Dursarace

Et pourtant, quelque chose cloche. Notez bien qu’il n’est pas tout à fait impossible que je sois aussi stupide qu’un bigorneau, et que ce qui va suivre ne soit pas pertinent pour vos esprits supérieurs. Mais foutredieu, quelle galère cet Alabaster ! J’admets volontiers trouver mes limites dans les jeux de réflexion un peu velus : je n’ai jamais fini à 100 % Baba is You, The Witness ou Tetrobot, malgré l’admiration que je leur porte. C’est comme ça : à un moment donné, le plaisir de la solution, l’adrénaline de l’épiphanie et la fierté de la victoire ne suffisent plus à compenser l’impatience, l’énervement, oserai-je dire la souffrance de trébucher pendant de trop longues minutes sur un seul problème. Notez bien que jamais Filament n’est illogique ou absurde, la solution est toujours parfaitement cohérente et peut être déduite à partir des éléments fournis. Et si on dit « la » solution, c’est que sauf erreur de notre part il n’existe effectivement qu’une unique manière de résoudre un puzzle (en tous cas, la soluce fournie avec la clé du jeu semble le confirmer). D’ailleurs, le procédé pour y arriver est assez limpide : les obstacles font que certains piliers ne peuvent être touchés que d’une certaine façon. Ce qui donne des points de passages obligés pour le câble, voire un semblant d’ordre : on devine souvent qu’il faut commencer par tel pilier ou terminer par tel autre parce que la seule façon de s’y enrouler et leur positionnement sont des contraintes trop fortes. Reste alors à relier ces points, en trouvant le bon ordre et en touchant au passage le reste des piliers.


 
Et c’est là où, dès les premiers niveaux, Filament m’a fait toucher mes limites. Le jeu embarque pourtant une option pour visualiser le niveau dans son ensemble, ainsi qu’un rewind et un reset quand on s’est — littéralement — trop emberlificoté. Mais si repérer les principaux points de passage obligé est relativement simple, les relier entre eux nécessite de réfléchir dans l’espace et en mouvement. Ce qui n’est visiblement pas à la portée de tout le monde, en tout cas pas de la mienne. Et la solution unique empêche de réfléchir à sa manière, ou de construire des trajets alambiqués, mais qui fonctionneraient. Il est par exemple souvent impossible de tourner plusieurs fois autour d’un même pilier, à moins que ce soit précisément ce que le puzzle attend de nous et nous en laisse la place. Résultat, on tâtonne, on trébuche, on avance au hasard, le tout en pestant tout autant contre cette effarante courbe de difficulté que contre notre propre imbécilité. Ce déséquilibre entre plaisir de la solution et énervement de la difficulté, qu’on évoquait plus haut, intervient ainsi très rapidement. Pire : lorsque, penaud, on s’en va vérifier la soluce, se mêlent alors la honte de l’échec et l’humiliation de la découverte de la réponse. La solution était effectivement parfaitement logique, les étapes s’enchaînant de façon fluide, on était juste trop con. Reste alors le réconfort de voir d’autres personnes galérer et se dire que soit on est effectivement aussi stupide qu’un bigorneau mais qu’on n’est pas tout seul sur notre rocher, soit qu’il y a peut-être un souci dans la courbe de difficulté. Pour rappel, Hempuli a viré plusieurs centaines de niveaux jugés trop durs et ajouté des niveaux simples pour adoucir la courbe de difficulté de Baba is You.

Où s’arrête la souffrance et démarre le plaisir ? Filament a d’incontestables qualités : l’originalité et la richesse de son puzzle design, sa narration et son doublage, ou encore le sérieux avec lequel il s’attelle à la tâche de succéder à The Witness et Baba is You. Mais c’est aussi une courbe de difficulté d’une raideur ahurissante qui mettra votre patience à rude épreuve. Difficile de ne pas considérer une telle sévérité comme un défaut.

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