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Un Rédacteur Factornews vous demande :

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Factor joue à Crusader Kings II

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
 
Depuis plus de trois ans, la bête est tapie dans l’ombre. Ombre elle-même, elle se fait oublier pendant des mois, avant de surgir, affamée, vorace, engloutissant quelques euros et des dizaines d’heures de votre vie. Subtile aussi, parce qu’elle obtient votre consentement en vous faisant miroiter la gloire et le pouvoir, pour mieux se repaître de vos échecs. Crusader Kings II se pète le bide depuis 2012, mais a encore les crocs.
Au départ, je pensais justifier ce test méga à la bourre par un format « chapitre de Game of Thrones ». Vous auriez suivi les aventures du duc Connard de Connacht, troisième du nom, se remémorant sa courte mais néanmoins riche existence, remplie de conquêtes, d’or et de femmes, mais aussi de phtisie, de balafres au visage et de complots infanticides. La chute aurait été une vraie chute, puisqu’on aurait découvert que tout le récit se déroule entre le moment où le balcon du donjon cède sous le poids de Connard, saboté sur les ordres de Butters, son bâtard légitimé lorgnant sur le trône, et le moment où sa cervelle se répand sur le sol. On se serait bien marré.

Un jeu de plateau français suédé  

Mais en fait non. Cette pirouette stylistique aurait certes plu à certains d’entre vous, mais elle m’aurait empêché d’exprimer toute la subtilité du jeu, de me pencher sur ses créateurs et d’aborder l’épineux problème des DLC. Du coup, on va plutôt commencer cet article comme si c’était un Unplugged.  L’histoire commence en 1980, en Suède, avec la fondation de Target Games, un éditeur de jeux de rôle papiers. Parmi leurs productions les plus célèbres, on citera Drakar & Demoner, Mutant, Mutant Chronicles et Kult. En 1995, Target sent le vent tourner et se dit qu’il faudrait commencer à développer ses licences en jeux vidéo, et crée donc le studio Paradox Development Studio. Je n’ai pas poussé les recherches très loin, mais le seul jeu vidéo édité par Target (et probablement développé en partie par Paradox) semble être Dragonfire, adaptation de Drakar & Demoner sortie en 1999. Précisément l’année où Target passe en faillite.



Deux entités sont alors créées à partir du cadavre de Target. Paradox Entertainment, qui gère les licences RPG de Target, mais prétend également détenir les droits des œuvres de Robert E. Howard, notamment Conan, Solomon Kane ou Kull. Ce qui inclut, entre autres, la production de films. Si vous cherchiez un responsable pour le navet Conan de 2011 (et un paquet d’autres productions douteuses, malheureusement), vous l’avez trouvé. L’autre entité, celle qui nous intéresse aujourd’hui, est Paradox Interactive, initialement partie intégrante de Paradox Entertainment mais aujourd’hui indépendante. Paradox Interactive intègre alors Paradox Development Studio dans le but de continuer la production et l’édition de jeux vidéo. C’est ainsi qu’en 2000 paraît Europa Universalis, jeu de stratégie de grande ampleur destiné à un public de niche et qui connaîtra un franc succès auprès de celui-ci. Permettant de prendre en main la destinée d’une nation sur la période 1419-1820, il s’agit en fait de l’adaptation très fidèle d’un jeu de plateau français sorti en 1993. Logique : Paradox Development Studio avait été créé pour adapter des jeux de plateaux en jeux vidéo, et c’est ce qu’ils ont fait.

Clausewitz, inusable moteur

Le succès relatif d’Europa Universalis ouvre la boîte de Pandore : puisque le jeu s’inspire de la réalité historique, son concept est déclinable à d’autres périodes de l’Histoire. Verront ainsi le jour, entre 2001 et 2005 et sous la houlette de Paradox Development Studio : Europa Universalis II, Hearts of Iron I et II (Seconde Guerre Mondiale), Victoria (Angleterre victorienne) et Crusader Kings (Moyen-Âge), la particularité de ce dernier étant qu’on incarne une dynastie familiale et non une nation. Mais les concepts des jeux restent similaires, à tel point qu’un pattern semble se dessiner. Le point de bascule se situe en 2007, année de sortie d’Europa Universalis III, qui reprend évidemment les concepts de ses prédécesseurs, mais a la particularité de tourner sur un moteur maison : le Clausewitz Engine. Un doux nom hérité de Carl von Clausewitz, militaire prussien qui a façonné les conflits modernes avec son ouvrage « Vom Kriege », sorte de théorie générale de la guerre inspirée par les conflits napoléoniens et publiée en 1832.



Ainsi, pendant que Paradox Interactive en profite pour éditer des jeux de développeurs tiers (comme Penumbra ou Mount & Blade), Paradox Development Studio rentabilise et met à jour le moteur maison en l’utilisant pour tous ses jeux, qui sont d’ailleurs presque exclusivement des suites : outre Europa Universalis III, on trouve Europa Universalis Rome, Hearts of Iron III, Victoria II, Sengoku (Japon féodal), Crusader Kings II, March of the Eagles (campagnes napoléoniennes) et Europa Universalis IV. En fonction de son succès, chaque jeu se voit affublé  d’expansions et de DLC plus ou moins conséquents et utiles. On reviendra sur ce point, mais puisqu’on est ici pour parler de Crusader Kings II, parlons-en.

On ne choisit pas sa famille, enfin si un peu quand même, mais pas sur le long terme et putain cet intertitre est beaucoup, beaucoup trop long

De base, Crusader Kings II nous fait démarrer en 1066, juste avant la bataille d’Hastings. Une période de l’histoire absolument fascinante à étudier et qui mériterait un très long article si on était ailleurs que sur un site de jeux vidéo (et si j’avais la moindre compétence pour le faire). Bref, on est à un moment charnière de l’histoire occidentale, une guerre de succession qui va façonner les siècles à venir, et vous avez la possibilité d’infléchir le cours de l’Histoire si vous le souhaitez. En fonction du challenge recherché, vous pouvez choisir d’incarner un comte, un duc, un roi ou un empereur, changeant ainsi le nombre de vassaux sous votre autorité, de vos possessions  et de vos moyens militaires et financiers. Il est possible de se créer un personnage sur mesure via un habile système de bonus/malus : les qualités font grimper votre âge de départ et vous rendent vulnérable à une mort précoce, les défauts vous rajeunissent. Mon conseil : choisissez le bonus « génie » et compensez le avec les malus « blessé » et « bâtard légitimé ».



L’idée est de faire prospérer sa dynastie, c’est-à-dire qu’à la mort de son personnage on incarne son héritier légitime, et ainsi de suite jusqu’en 1453, où le jeu s’arrête et où on fait les comptes pour voir si sa famille est plus prestigieuse que telle ou telle grande dynastie européenne. 
A chaque personnage qu’on incarne, on peut choisir son conjoint ainsi que ceux des membres de sa famille présents à la cour, le tuteur de ses enfants, changer la loi de succession qui désigne notre héritier, modifier les taux d’imposition et le prélèvement des troupes, mesurer et essayer d’augmenter les niveaux technologiques, gérer l’ensemble de l’ost, des intrigues de la cour, garder un œil sur les factions rebelles et enfin gérer ses relations avec les autorités religieuses. Chaque action peut faire gagner ou perdre du prestige, et à la mort du personnage, son prestige total est ajouté à celui de la dynastie, et c’est reparti pour un tour avec son héritier.


Avec une interface très simple (tout se joue à la souris et les sous-menus contextuels sont accessibles via un clic droit), le jeu est dès le départ attirant. Mais c’est dans sa richesse sur le long terme qu’il est diabolique. D’une part, le jeu oblige à la patience avec ses mécanismes de gameplay : il y a par exemple un délai de carence entre deux modifications de lois et partir en guerre coûte extrêmement cher et nécessite d’économiser pendant des années, sans compter que les désavantages d’une conquête militaire sont énormes (animosité des nouveaux vassaux, différences culturelles et religieuses, déstabilisation du royaume…). D’autre part, le fait que la dynastie soit plus importante que le personnage qu’on incarne implique de développer des stratégies sur le long terme, pour maitriser sa descendance (notre héritier vit sa vie et fait ses choix jusqu’à notre mort), pour agrandir son domaine (les titres s’héritent et peuvent se cumuler, le mariage est donc un outil formidable pour garantir à son héritier un domaine plus grand que le sien) ou pour élaguer un peu l’arbre généalogique et éliminer des prétendants voraces. Forcément, quand on met une stratégie en place, on veut savoir si elle est efficace, et on continue à jouer, encore et encore. Pour finir par perdre, en général : les erreurs commises ne se payent pas directement, mais souvent plusieurs années voire plusieurs héritiers après.

DLC, DLC EVERYWHERE ! AND MODS TOO !

Crusader Kings II est donc un jeu formidable, qui prend un peu le contrepied des autres productions Paradox en mettant l’accent sur les intrigues politico-familiales bien plus que sur la puissance militaire, la croissance économique ou le développement technologique. En vanilla, vous pouvez déjà tabler sur 50 bonnes heures bien remplies. Malheureusement, un business model un peu crade vient ternir tout ça. Pour rajouter de la prondeur, du contenu et du challenge au jeu original, Paradox a sorti plusieurs extensions, dix au total : Sword of Islam (agrandit la carte aux régions musulmanes), Legacy of Rome (modifications de gameplay liées à l’empire Byzantin), Sunset Invasion (scénario fictif d’une invasion de l’Europe par les Aztèques), The Republic (ajout des républiques marchandes comme factions jouables), The Old Gods (ajout du paganisme et des factions correspondantes), Sons of Abraham (modifications de gameplay concernant les religions du Livre), Rajas of India (ajout de l’Inde et du Moyen-Orient en factions jouables), Charlemagne (permet de démarrer la partie en 769), Way of Life (inclut des sketches des Monty Pythons et modifications de gameplay concernant la diplomatie) et enfin Horse Lords (ajout des steppes d’Asie centrale et des Mongols).
 
Jusqu’ici pourquoi pas, c’est plutôt cool d’ajouter du contenu, et OH MON DIEU 15 EUROS L’EXTENSION VOUS NE VOUS FOUTRIEZ PAS UN PEU DE NOTRE GUEULE ?! Même si les prix baissent au fur et à mesure, la plupart de ces extensions sont bel et bien sorties aux alentours de 15 euros. Heureusement, on notera que les modifications mineures qu’elles comportaient ont été ajoutées gratuitement au jeu de base, et que plus globalement des patches conséquents et réguliers viennent corriger et améliorer le fond du jeu. Mais je vais continuer à gueuler parce que dans le même temps, Paradox a sorti une flopée de DLC mineurs, principalement des packs de chansons et des packs de textures pour renouveler l’aspect cosmétique du titre. Vendu 2 euros l’unité, ils sont au nombre effarant de 42, 42 PUTAIN COMMENT ON PEUT SORTIR 42 DLC POUR UN SEUL JEU ?! Tant et si bien que si vous achetiez le jeu et toutes ses extensions et tous ses DLC aujourd’hui sur Steam, vous vous en tireriez avec une note salée de (accrochez-vous à vos slips) 248,47 euros.

Le pire, c’est que ça se vend comme des petits pains. En février dernier, Paradox annonçait fièrement avoir écoulé 1,1 millions de copies du jeu vanilla, vendu 2,5 millions d’extensions et 5,5 millions de DLC mineurs. Mon conseil pour éviter de nourrir le monstre ? Contentez-vous de la vanilla et éventuellement des extensions principales à l’exception de Sunset Invasion, Way of Life et Legacy of Rome. Ca fait déjà un sacré budget, je vous l’accorde, mais ça représente probablement 100 à 150 heures de jeu. Et tournez-vous vers les mods. Le Clausewitz Engine est un moteur relativement simple et les mécanismes de gameplay sont exportables à n’importe quel background comportant plusieurs factions et des relations diplomatiques. Le mod Game of Thrones vaut particulièrement le détour et le Lord of the Rings est amusant.
Encore aujourd’hui, Crusader Kings II est incontournable dans son genre. Sur une base d’Europa Universalis un peu austère mais plutôt réaliste, il offre un feeling « je suis un personnage de Game of Thrones » assez rare. Exigeant et accessible, il a de quoi plaire, mais supporte un business model déprimant.
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