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Dear me, I was...
Développeur / Editeur : Arc System Works
Support : Switch 2
Entre les gros blockbusters, les remakes et autres portages, sans compter la Switch 2, l’été 2025 n’est pas forcément signe de repos. Pour autant, Dear me, I was… se pose comme une petite brise d’air frais qui pourrait bien rafraîchir vos journées, par sa mise en scène et son ton si particulier. Mais encore faut-il pouvoir tenir un peu sur la durée.
Un Arc System Works sans bagarre ?
Suite à sa présentation le 26 juin dernier lors du Showcase Arc System Works 2025 avec une sortie annoncée au 31 juillet 2025, j’avoue avoir été sous le charme dès la première seconde en voyant Dear me, I was… s’animer. Ici, pas de coups de poings ni de grosses tatanes dans les dents comme savent très bien le faire les équipes du studio japonais. En effet, quand on parle d’Arc System Works, il n’est pas anormal de penser aux séries maison comme Guilty Gear et BlazBlue, ou encore des petits jeux sur commande comme Dragon Ball FighterZ pour Bandai Namco Entertainment, Granblue Fantasy Versus pour Cygames ou encore prochainement Marvel Tokon: Fighting Souls pour Sony Interactive Entertainment. Et d’ailleurs, c’est déjà bien d’avoir cette culture, tant leurs titres sont excellents.
Cependant, Arc System Works a aussi à son actif des productions un peu plus calmes, sortant entre deux jeux de bagarre bien énervés. C’est le cas depuis que le studio a intégré d’anciennes personnes de chez Cing, qui avait ouvert ses portes en avril 1999 pour les fermer en mars 2010. Cette petite équipe s’est rapidement fait connaître, notamment pour ses visual novels comme Another Code: Two Memories (DS - 2005), Hotel Dusk: Room 215 (DS - 2007), Another Code: R – A Journey into Lost Memories (Wii - 2009) et enfin Last Window: The Secret of Cape West (DS - 2010) pour ne citer que les jeux de ce style. D’excellents titres, tous dirigés par un certain Taisuke Kanasaki, qui a occupé les postes de director, character animation supervisor et character designer sur ces jeux. Suite à la fermeture du studio, Kanasaki a continué sa route chez Arc System Works, mais avec une condition : le laisser faire ses jeux et rester tranquillement dans l’ombre.
Pas de souci pour le studio, qui a profité de ses talents et qui a sorti Chase: Cold Case Investigations - Distant Memories (3DS - 2016), sur lequel Kanasaki était game designer et character designer, puis dernièrement Another Code: Recollection (Switch - 2024), avec plusieurs casquettes, à savoir art director, character designer and illustrator et storyboard art lead. Bon, je pense que vous voyez où je veux en venir ? Oui, Taisuke Kanasaki occupe le poste d'art director sur Dear me, I was… et il est même revenu à ses premiers amours, la rotoscopie (dont on parlera plus tard). Il a été aidé par Maho Taguchi qui occupe le poste de director et qui a travaillé avec lui sur Another Code Recollection sur lequel elle était responsable du game design. Mais c’est surtout elle qu'il a eu l'idée de Dear me, I was… en proposant le concept à la direction d’Arc System Works.

Une lettre que l’on écrit à soi-même
C’est le pitch qu’a proposé Maho Taguchi, qui a souhaité créer un jeu retraçant le parcours de la vie d’une femme japonaise, sans prénom, ni nom, ni âge précis. Un parcours allant de sa naissance et sa période d’enfant insouciant, jusqu’à ce que son âge lui donne des cheveux gris et quelques regrets, en passant évidemment par sa vie étudiante et amoureuse. Des moments clés, pas forcément facile à se remémorer, et c’est d’ailleurs l’une des choses avec laquelle aime s’amuser Taisuke Kanasaki, la mémoire. Vous souvenez-vous des moments importants de votre vie ? Personnellement, certains commencent à devenir un peu flous, d’autres probablement un peu fantasmés et déformés avec le temps. Je me souviens de moments joyeux, d’autres plus tristes, mais franchement, ça aurait été bien plus simple de tout écrire et dessiner !
Dear me, I was… ne propose pas de dialogue, qu’il soit écrit ou parlé. On découvre tous ces moments de vie, en passant de chapitre en chapitre et en se laissant porter par l'histoire. On se met bizarrement à tenter de découvrir qui est cette femme, à deviner ce qu’il va se passer et parfois, à essayer de comprendre ses choix. Tout cela est accompagné par une musique au piano et violons, sublimée par une mise en scène absolument splendide.
C’est d’ailleurs sur ce point que la technique utilisée est particulièrement intéressante pour retranscrire parfaitement les mouvements des différents personnages, leurs émotions et expressions du visage. Cette méthode, c’est la rotoscopie qui, merci Wikipedia, “est une technique cinématographique qui consiste à relever image par image les contours d'une figure filmée en prise de vues réelle pour en transcrire la forme et les actions dans un film d'animation. Ce procédé permet de reproduire avec réalisme la dynamique des mouvements des sujets filmés.”

Le travail qui s'ensuit est assez monstrueux pour une petite équipe, puisqu’il a fallu dessiner à la main toutes les scènes, avec des touches en aquarelles pour les couleurs et une animation image par image. À l’heure où le moindre lapin de trois semaines des internets est tout heureux de faire “ses dessins Ghibli avec une IA”, cela fait vraiment plaisir de constater que même un studio comme Arc System Works ne délaisse pas cet artisanat si fabuleux.
Gameplay, où es-tu ?
Je me dois d’aller droit au but après avoir tourné autour du pot pendant un petit moment : si vous attendez de Dear me, I was… un visual novel avec une aventure à suivre comme les jeux précédemment cités, vous vous trompez lourdement, comme moi. Ici, il n’est pas question de jeu vidéo traditionnel. Nous sommes plutôt face à une courte histoire contemplative, proposant au final très peu d’interactions. Quand je dis “courte histoire”, je parle de 35 minutes montre en main pour arriver aux crédits de fin. Et quand je dis “très peu d’interactions”, je parle de quelques trucs ici et là, comme bouger une main à l’écran pour manger les ingrédients d'un petit déjeuner, ou dessiner en maintenant simplement un bouton tout en bougeant le stick pour faire apparaître le dessin en question. Et rien d’autre. C'est véritablement un point & click du pauvre.
Ce niveau d’interactions proche du néant m’a même fait dire à la toute fin du titre : “Mais pourquoi ne pas avoir directement fait un petit film d’animation ?”. Et c’est probablement la question que vous vous poserez aussi. Cependant, on peut également avoir d'autres interrogations. Est-ce que j'en aurais parlé ici si au final, le studio avait fait le choix de proposer Dear me, I was... sous la forme d'un court métrage diffusé sur Internet ? Je ne pense pas. Est-ce qu'il aurait eu le même impact ? J'en doute fortement. Alors que le choix d'en faire un jeu vidéo exclusif à la Switch 2, deux mois après sa sortie, et pour seulement 7,99 euros sur l’eShop, soit le prix d’une place de cinoche dans un cinéma de quartier, c’est peut-être déjà plus malin, surtout si vous recherchez une expérience contemplative, belle et émouvante.

Plus proche d’un très court film d’animation que d’un long jeu vidéo, Dear me, I was… n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il peut néanmoins être une bonne porte d’entrée pour bon nombre de personnes, ou l’occasion de passer un agréable moment, en sirotant votre café ou votre thé, et de juste profiter du temps qui passe.