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Batman: Arkham Shadow, la madeleine de Bruce

Développeur / Editeur : Camouflaj Oculus Studios
Supports : Meta Quest 3 / Meta Quest 3S
Quelques douloureuses minutes après avoir fait les premiers pas sur Suicide Squad: Kill the Justice League, s'est réveillée en moi une furieuse envie de tout plaquer et de retourner à Gotham. Je pensais pourtant la chose morte et enterrée depuis Arkham City, mais j'étais loin de m'imaginer qu'allait arriver six mois plus tard l'annonce surprise d'un Batman: Arkham Shadow... à destination du dernier casque de réalité virtuelle de Meta.
Après tout, pourquoi pas ? Surtout qu'on retrouve derrière le jeu un certain Camouflaj, qui fait désormais partie de la graaaaande famille Oculus Studios et qui a déjà fait ses preuves sur Republique VR ou encore Iron Man VR. Et puis bon, Batman et Oculus, c'est déjà une histoire d'amour depuis la trop courte démo technique Batman: Arkham VR. L'intelligence du développement de ce nouvel épisode, c'est aussi de faire abstraction de la rétrocompatibilité avec les vieilleries de la gamme, quitte à en laisser un paquet sur le bord de la route et de consacrer tous les efforts du studio autour d'un titre construit nativement pour le Quest 3/3S et leur Snapdragon XR2 Gen 2. Pour bien enfoncer le clou, Meta croit tellement au jeu qu'il l'offre carrément avec les deux casques et ce, jusqu'au 30 avril prochain.Et il faut bien le dire, le titre est à la hauteur des attentes des grands pontes de Meta, mais surtout des nostalgiques du Rocksteady d'antan. Après une longue séquence d'introduction dans les sombres allées de Gotham à botter les fesses des petites frappes du Roi des Rats, le torturé Batman se rend compte qu'il ne suffira pas de nettoyer les rues pour éradiquer ce vice. Bruce Wayne troque alors le costume de la chauve-souris pour la fausse moustache et la chemise premier prix du prétendu pyromane Irving "Matches" Malone, se faisant ainsi enfermer dans la prison de Blackgate pour faire sortir le rat de son trou, de l'intérieur. Et l'heure tourne puisque notre héros n'a qu'une semaine pour arrêter son némésis avant qu'il ne mette à exécution son Jour de Rage qui mettra Gotham à feu et à sang. Une excellente première heure de jeu qui ne préfigure même pas de ce que va donner la suite de la longue campagne (une douzaine d'heures, sans compter les modes de défis). Parce qu'en fait, Arkham Shadow tient plus du Metroidvania, tendance Arkham Asylum pour les intimes, que du jeu d'action VR comme on en voit trop.

Une fois installé dans notre cellule, c'est un gameplay en deux temps qui nous est offert. La journée, on dirige Malone et on déambule dans les différentes zones de la zonzon (buanderie, bibliothèque, cours, etc.) à la manière d'un taulard lambda. On y discute avec ses occupants tout en évitant autant que possible la bagarre et en glanant des informations utiles, échangées contre divers services. Puis la nuit venue, après avoir scié nos barreaux et rejoint la Batcave, on devient le Chevalier Noir et on arpente le rocher sous un autre angle en nous faufilant dans l'obscurité et en distribuant les beignes. L'iconique prison est justement organisée en quartiers ayant tous leur originalité : zone administrative, quartier de haute sécurité, couloir de la mort... qui vont progressivement s'ouvrir au fil des avancées du scénario et des gadgets obtenus (lance-gel explosif, gantelets électriques et j'en passe). L'occasion pour le joueur d'aller revisiter d'autres espaces du pénitencier pour débloquer de nouveaux passages et atteindre des objets à collectionner jusqu'à présent inaccessibles. Classic Arkham, on vous dit.
Et parce qu'un bon Batman s'articule aussi autour de la baston à mains nues, Arkham Shadow ne fait pas non plus dans la dentelle à ce niveau-là. N'ayons pas peur des mots, le jeu redéfinit un peu à sa manière la baston en VR. Lorsqu'on s'engage dans des rixes, forcément contre cinq ou six hommes de main en même temps, le jeu nous propose des un contre un dynamiques qui nous demandent d'effectuer différentes combinaisons de coups de poing. Lorsqu'un gros lâche tente de nous prendre par derrière ou sur le côté, un petit symbole au bord de l'écran nous propose d'effectuer une parade-enchaînement. En levant le bras gauche ou droit au bon moment, on bloque le coup et on se retourne vers cet adversaire pour repartir dans un autre duel, et ainsi de suite.
Comme dans les titres de Rocksteady, les combats sont donc rythmés à la manière d'un jeu de danse macabre, toujours fluide, toujours ultra-agréable à jouer, avec un fort accent sur l'impact des coups. Plus tard, on retrouvera des ennemis imparables et d'autres caractéristiques qui nous demanderont de jongler entre les capacités du héros, elles aussi déblocables et pouvant être mises à jour comme un brouilleur à armes à feux ou des batarangs soniques.

Dans sa course contre le mal, Batou dispose également d'un équipement de base : grenades fumigènes, lance-grappin et sa fameuse cape-aile delta. L'utilisation des gadgets est à la fois organique, mais simplifiée pour permettre des déplacements et actions fluides en toute circonstance, sans causer la nausée, ce qui est en soi un petit exploit. Pour planer, il suffit de se jeter d'un promontoire en levant les bras pour étendre sa cape par exemple. Les développeurs ont fait un énorme travail autour de l'accessibilité, en réduisant notamment le champ de vision temporairement lorsque le joueur tombe ou saute, là encore pour réduire la cinétose ou proposer des modes de jeu assis et debout.
Car fondre depuis une gargouille, c'est aussi le quotidien de la chauve-souris. Et le mode Prédateur fait ici son grand retour dans des salles faites pour lui. À nous les plaisirs simples du saucissonnage de méchants, devant le regard hébété de leurs collègues, avant de repartir se planquer sous une dalle en métal ou au-dessus d'un bunker. Seule ombre au tableau, il est plus difficile qu'avant de faire du contrôle de foule et de forcer les groupes d'ennemis à se disperser dans la salle. Il faut le plus souvent foncer dans le tas, balancer quelques baffes pour que tout le monde panique, avant de prendre son envol et de les éliminer furtivement un par un. La vision de détective est également de retour, permettant de scanner les objets ou les mécanismes activables pour ouvrir des passages secrets et grappiller des items à collectionner et des informations sur l'univers Batman.
Les scénaristes s'en sont d'ailleurs donnés à coeur joie puisque Blackgate regorge de clins d'oeil à tous les méchants du jeu, à commencer par Quinzel (Harley Quinn) et surtout Crane (L'Épouvantail) qui officiaient encore à cette époque en tant que "médecins". Des séquences en vue du dessus reviennent sur l'adolescence de Bruce et Harvey entre deux événements majeurs. On retrouve aussi les nombreuses petites saynètes commentées qui venaient ponctuer le Game Over de l'original. Globalement, le joueur est gâté sur tout le pan narratif, avec des dialogues enregistrés pour tout et rien, comme ce vrai faux journal télévisé de quelques minutes qui change chaque matin. Absente à la sortie du jeu, la VF avec les voix officielles (Adrien Antoine, Vincent Violette, Philippe Peythieu pour ne citer qu'eux) est désormais disponible au téléchargement dans les menus du jeu. Là encore, on ne peut que louer le travail de suivi autour du jeu qui a déjà reçu quatre patchs majeurs, le dernier venant à peine de sortir et rajoutant un New Game + et une séquence post-générique inédite.
Enfin, on l'a dit plus tôt, avoir choisi délibérément de dédier cet épisode aux casques Meta de dernière génération a permis aux développeurs de ne faire aucun compromis tant graphique que technologique et de produire peut-être le titre le plus abouti techniquement parlant. On retrouve de nombreux effets d'éclairage absents par exemple de Metro Awakening, certaines ombres dynamiques et une physicalité des mouvements à un niveau rarement atteint. Finis aussi les petits couacs graphiques de la version 1.0, Camouflaj a vraiment nettoyé son jeu et mes seuls soucis ont été un ou deux scripts qui ne se sont pas déclenchés et rendaient les ennemis inoffensifs. Rien qu'un chargement de la généreuse sauvegarde du jeu n'ait su corriger.
Si Half-Life: Alyx a montré qu'on pouvait faire des jeux vidéo d'envergure en VR, Batman: Arkham Shadow prouve que la troisième génération de casques autonomes signée Meta ne rime pas forcément avec gimmick et jeux à moindre budget. On est réellement devant une superbe adaptation de l'univers des Arkham qui n'a pas à rougir face aux jeux de Rocksteady. Un titre à la fois bavard, passionnant et aux combats astucieusement transposés. Bref, tout simplement incontournable !