TEST
Skin Deep, die hard
Après une longue absence, Blendo Game revient pour nous offrir leur nouvelle folle création, aussi fun que rafraîchissante : Skin Deep, un immersive sim rétrofuturiste déjanté où il est question de chats spationautes, de pirates de l’espace et de peaux de banane. Allez, on enfile son plus beau pyjama cryogénique et on se prépare à la prochaine mission !
Vous êtes Nina Pasadena, une sorte de commando pour compagnie d’assurance. Votre boulot est simple : on vous cryogénise dans un vaisseau et on vous décongèle quand la situation craint suffisamment pour requérir vos services. Manque de bol, votre cryopod est un peu lent et la situation a toujours le temps de tourner au vinaigre avant que vous ne soyez complètement dégivrée. Du coup, les pirates ont pris le contrôle du vaisseau et tout l’équipage est retenu prisonnier. Et cryogénie oblige, vous êtes en pyjama.La conjoncture semble bien peu favorable mais vous n’êtes pas n’importe qui, vous êtes la meilleure des meilleures, une professionnelle. Nina, vous la larguez au pôle nord en slip de bain et le lendemain, elle débarque chez vous un sourire jusqu’aux oreilles et les poches bourrées de pesos.

Dans Skin Deep, le mot d’ordre est l’improvisation et on se démerde comme on peut avec ce qui nous tombe sous la main. Par chance, les normes de sécurité au travail ne s’appliquent pas dans l’espace, et la conception même du vaisseau en fait une arme redoutable pour qui sait en tirer parti. Illustrons donc par l’exemple : après avoir fouillé la coursive dans laquelle vous vous êtes réveillée, vous n’avez trouvé comme seul équipement qu’une tasse de café, un écrou et un spray déodorant bergamote et bois de santal. En posant l’oreille contre la porte verrouillée de la timonerie, vous entendez distinctement deux pirates faisant leurs rondes.
Vous pouvez évidemment vous recroqueviller et attendre que ça passe, mais ça n’arrangerait pas vraiment votre situation. Le mieux est encore de vous remémorer votre entraînement, ces longs soirs de Noël à regarder en boucle la VHS de Piège de cristal, et de vous demander ce que John McClane ferait dans votre situation. La réponse est toute simple : ramper dans un conduit d’aération, se faufiler en direction de la verrière, lancer la tasse de café contre celle-ci, à la fois pour la fragiliser, mais aussi pour que le fracas attire les deux pirates, puis une fois ceux-ci suffisamment rapprochés de la vitre, y éclater le spray déodorant et lancer l’écrou contre une surface métallique proche, faisant naître une étincelle enflammant le gaz s’échappant du déo, déclenchant une explosion brisant la verrière et emportant les deux pirates dans le vide spatial.
Voilà, ce n’était pas bien compliqué.

Ce genre de séquences de jeu jouissives, Skin Deep en est bourré, alternant entre des scènes d’action qui feraient rougir Bruce Willis et des séquences de slapstick à la Keaton. Bien utilisée, une peau de banane est une arme tout aussi efficace qu’une mitraillette.
Ces fulgurances sont très occasionnellement ternies par quelques couacs techniques, telles que des collisions quelque peu hasardeuses, un pathfinding qui peine ou une propagation du son pas toujours logique. Rien de bien grave cela dit : ces fausses notes sont rares et difficiles à reprocher à une si petite équipe de développement, d’autant plus que l’id Tech 4 qui propulse les titres Blendo depuis Quadrilateral Cowboy n’est plus tout jeune.

Côté narration, Skin Deep se scinde en deux parties. Une première, fidèle au style de Blendo, à savoir des scénettes in-game entrecoupées d’ellipses pour ne garder que l’essentiel. Celles-ci sont peu nombreuses, mais efficaces, et l’humour et la mise en scène font toujours autant mouche. L’autre partie de la narration prend la forme d’échanges de courriels avec l’équipage précédemment sauvé. Cette dernière ne m’a pas du tout emballé mais a le mérite d’être parfaitement facultative.

S'il y a bien un reproche que l’on peut faire à Skin Deep, c’est d’être un peu trop court, au point qu’on a l’impression que le jeu s’arrête en cours de route et nous lâche en plein crescendo. Le titre aurait nettement profité d’une paire de niveaux supplémentaires, plus complexes et touffus que les précédents, afin de conclure l’aventure sur un final en apothéose. Mais au vu de la taille réduite de l’équipe et du prix modique du jeu, difficile de s’en plaindre. Bien au contraire. Et bien que l’on reste quelque peu sur notre faim, on salue l’exploit d’avoir réussi à nous offrir autant.
Dans un genre où la comédie est trop peu représentée, Skin Deep est une bouffée de fraîcheur. Blendo Games signe ici un très bon immersive sim, à rebours du genre avec ses niveaux courts et son absence de progression d’équipement ou de statistiques, favorisant l’improvisation plutôt que la préparation. Bien qu’un peu court, le jeu propose des situations chaotiques et un joyeux bordel dont on se souviendra longtemps, ainsi que des mécaniques que l’on aimerait revoir plus souvent. Bref, faites-vous plaisir, jouez à Skin Deep.