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Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
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On a braqué un calmar dans Sea of Thieves

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
Développeur / Editeur : Microsoft Rare
Supports : PC / Xbox One
On aimerait bien commencer par rappeler que, dans le paysage un poil désertique des exclus Microsoft, Sea of Thieves fait figure d'oasis. Et en couplant sa sortie avec une gratuité au sein du Xbox Game Pass lui-même gratuit pendant les 14 premiers jours, il semblerait que Microsoft ait tenté d'optimiser au maximum le rendement de cette nouvelle production Rare, la plus ambitieuse depuis 15 ans (avec succès, si on en croit la communication de MS sur le nombre de joueurs). Mais il paraît que ça rendrait la suite de cet article illisible, du coup on va s'abstenir. Plus sérieusement : depuis 2015, le jeu est régulièrement présenté à la presse et aux joueurs, via des youtubers/twitchers assermentés ou des présentations en salons, sans pour autant qu'on puisse réellement répondre à cette question, au demeurant fort simple : putain, mais c'est quoi au juste Sea of Thieves ? Et surtout, qu'est-ce qu'on y fait ?
On va y venir, mais avant ça il est indispensable de souligner que, pour les joueurs PC, l'expérience Sea of Thieves c'est surtout et avant tout l'expérience du Microsoft Store. Et quelle expérience ! On peste à raison contre l'ergonomie calamiteuse de Steam, la lourdeur d'Origin ou les lacunes techniques de Uplay ; le store Microsoft réussit l'exploit de faire tout ça à la fois. Trouver la page puis télécharger le jeu a été un parcours du combattant (mettre le DL en pause génère des erreurs), et j'ai amoureusement surnommé "la màj de Sisyphe" sa grosse mise à jour du 27 mars pour laquelle j'ai fini par wiper les fichiers d'install et repartir de zéro (la faute en incombe en partie à Rare, qui a préféré refaire un DL complet plutôt qu'une màj pour sauter la case QA et gagner du temps). Et encore, on a eu la chance d'avoir une clé fournie par Microsoft : ceux qui sont passés par le Game Pass n'ont pas tous réussi à associer immédiatement leur compte avec "l'achat" du Game Pass. Les joueurs XBox One n'ont pas eu tous ces soucis, l'occasion de souligner que le jeu est crossplay entre les deux plates-formes.

Le capitaine nous brouille l'écoute avec sa panne de micro

Admettons : vous avez réussi à vous procurer le jeu et à le lancer, sur console ou sur PC. Reste un dernier petit détail : dans l'idéal, il va vous falloir des amis, multijoueur et coopératif obligent. Oh, il reste possible de naviguer seul sur la mer des voleurs, et même d'y trouver quelques sensations contemplatives pendant une poignée de minutes, avec un peu de chance. Mais il faudra bien vite abandonner la vigie ou la proue pour se précipiter à la barre ou gérer les voiles afin d'éviter de percuter un rocher, ou bien pour tenter de fuir un équipage suffisamment nombreux pour avoir un préposé aux canons et qui se ferait un plaisir de vous couler. On peut également tenter sa chance avec le matchmaking, mais vous n'avez pas besoin de nous pour savoir qu'il faut de la patience et de la chance pour trouver des joueurs impliqués et sympathiques. Donc, sortez les Discord/Mumble (comme dans PUBG, le chat local fonctionne correctement, mais uniquement dans une partie, un retour au menu et vous devenez sourd-muet), fixez une heure de rdv, et voguez moussaillons.



Il devrait être d'autant plus facile de convaincre votre entourage de vous rejoindre que le jeu est d'une simplicité désarmante. Bien qu'ayant la vague apparence d'un MMORPG, Sea of Thieves n'en contient presque aucun des mécanismes usuels, de progression notamment. Pas de points d'expérience pour augmenter des caractéristiques ni de loot pour améliorer son équipement : on ne récupère que de l'or dont la seule fonction est d'acheter des items cosmétiques. La seule chose en plus qu'aura un joueur expérimenté par rapport au débutant, c'est la possibilité d'avoir des fringues moches ou de pimper son bateau avec des voiles violettes. D'ailleurs, il n'y a que deux bateaux disponibles, le sloop (équipage de 1 ou 2 joueurs) et le galion (3 ou 4 joueurs), qui se manipulent grosso modo de la même façon et dont les avantages et inconvénients se compensent (le galion est plus lourdement armé et dispose de 3 voiles, là où le sloop est plus léger et plus rapide à manoeuvrer). Et niveau équipement personnel c'est la même chanson : tout le monde dispose d'un sabre et d'une arme à feu à 5 coups, la boussole, la pelle ou l'accordéon font partie du package fourni et si on peut acheter de nouveaux items, ce sera uniquement pour frimer avec une boussole plaquée or ou un tromblon à lunette de visée.

Le plan du lagon

C'est un vrai point fort du jeu, qui ne s'embarrasse pas de systèmes compliqués pour mieux mettre tous les joueurs sur un pied d'égalité et récompenser ainsi, de fait, les équipages les mieux coordonnés qui seront toujours plus efficaces que ceux dans lesquels chacun fait son mutin pour faire son butin. De base, il faut gérer la barre (la direction du bateau) et les voiles (à baisser et à orienter pour prendre le vent au maximum), sachant que le pirate à la barre a son champ de vision restreint par les voiles, ce qui implique qu'au moins un des joueurs fasse la vigie de temps à autres. A cela s'ajoute, selon les circonstances, les canons à charger et à orienter pour tirer, les planches à clouer pour réparer les voies d'eau ainsi que le seau pour écoper la cale. En elle-même, chaque action est très simple et nécessite au maximum deux pressions de boutons, mais dans le feu de l'action il est essentiel que chacun sache ce qu'il a à faire. Négligez les réparations et l'écopage lors d'une escarmouche, et votre bataille navale tournera très vite court. Se met alors en place une dynamique d'équipage plutôt réjouissante, et la navigation est tout sauf une corvée, d'autant moins que la carte est relativement petite. Avec un vent favorable, on la traverse en quelques minutes, et si on trouve quelques dizaines d'île ce sont souvent de petits îlots, les plus grosses se comptant sur les doigts de la main. En termes de profondeur et de vastitude, si on compare Sea of Thieves à Black Wake ou au futur Skull & Bones, on est clairement dans de la piraterie de carte postale.



Mais il faut bien avouer que la carte postale est somptueuse. Rendre l'eau dans un jeu vidéo est un défi difficile et particulier : un comportement physique totalement réaliste consomme des ressources hardware et peut entrer en contradiction avec les ambitions esthétiques du titre. Sea of Thieves a trouvé un compromis assez miraculeux, pour une ambiance de mer qui classe automatiquement le jeu dans la catégorie des titres qui ont une sacrée gueule et qu'on n'oubliera pas de sitôt. Si, en fonction de ses goûts, on peut faire la moue devant les personnages, les îles et les bâtiments au style très cartoon, on ne peut que s'incliner devant la beauté des passages en mer. Le travail sur la colorimétrie est particulièrement convaincant, avec l'eau et le ciel qui évoluent de concert en fonction de la météo et de l'heure de la journée. Les vagues et l'écume varient également, et on a en permanence l'impression de voguer sur un océan vivant et dynamique. S'ajoute à ça un sound design au diapason, que ce soit le vent, les embruns, le bois qui craque, la voile qui se tend, les boulets de canons qui sifflent, tout concoure à parfaire l'ambiance.

Le pirate ramène à son port une cargaison de butin

Naviguer, certes, mais pour aller où ? Quand un équipage débarque dans une partie, il apparaît dans un des avant-postes de la carte, des îles qui contiennent les marchands qui constituent la quasi-totalité du contenu du jeu. On a dit plus haut que l'argent ne servait qu'à acheter des items cosmétiques, et c'est en partie faux : il sert également à acheter des missions. Trois "guildes" vendent des contrats à remplir : les chasses aux trésors, le commerce et les capitaines squelettes. Le commerce est une purge sans nom, puisque ça consiste à écumer les îles au hasard pour accumuler une quantité donnée d'une des rares ressources du jeu (bananes, boulets, planches, poulets, cochons), et ramener le tout à un avant-poste précis. Les capitaines squelettes sont un poil plus intéressants : une fois la mission activée on nous indique le nom d'une île, qu'on doit retrouver sur la carte, s'y rendre, et buter les squelettes qui s'y trouvent jusqu'à ce que leur capitaine daigne sortir de terre, le tuer et récupérer son crâne. Enfin, les cartes aux trésors sont un challenge un tout petit peu plus relevé et nécessitant plus de coordination entre équipiers, et donc autrement plus intéressant. On récupère une simple carte d'une île, dont on va devoir retrouver l'emplacement sur la carte globale en se basant sur sa forme. Une fois sur place, il faut chercher l'emplacement marqué d'une croix rouge sur la carte de quête, et sortir les pelles pour déterrer un coffre.



Les crânes et les coffres peuvent être ensuite revendus, et tout ça permet de gagner de l'or et d'augmenter sa réputation auprès des trois fournisseurs de quêtes. En grimpant de "niveaux" on gagne le droit d'acheter des missions plus longues et parfois un peu plus alambiquées (certaines nécessitant par exemple de trouver un point de repère puis de se déplacer à la boussole). En sus, on trouve parfois une bouteille à la mer contenant elle aussi une quête, parfois un lugubre nuage en forme de crâne flotte au dessus des eaux pour indiquer une forteresse lourdement gardée mais regorgeant de richesses (ces zones n'étant pas instanciées, on peut s'y retrouver en concurrence avec d'autres équipages), parfois on peut tomber sur un kraken enserrant le bateau, et d'une manière générale les affrontements avec les autres joueurs dynamisent les sessions de jeu. D'ailleurs, le jeu n'est pas très punitif : lorsqu'on meurt, on ne reste qu'une minute dans les limbes avant de réapparaître sur son bateau. Et lorsque le bateau coule, tout l'équipage se voit proposer de revenir à l'avant-poste le plus proche, où l'attendra un nouvel esquif flambant neuf. Lors d'un affrontement en mer, on ne peut donc éliminer totalement l'équipage adverse qu'en coulant son navire, ce qui veut dire que si on veut récupérer les coffres qu'il contient, il faut l'aborder.

Gros fracas dans les coques

Sur le papier, tout cela paraît suffisant pour générer de beaux et intenses moments de jeu. Et en un sens, c'est le cas : lors des premières heures, la simplicité des mécanismes collectifs et la découverte des subtilités de la navigation (quelques astuces permettent de manoeuvrer plus efficacement et l'inertie du bateau s'apprend)  et du contenu suffisent à contenter les joueurs et débouchent parfois sur quelque chose de très fun (les chasses aux trésors menées au bout, les premières fois qu'on coule un navire ennemi, les rencontres avec des équipages pacifiques, les moments rhum et accordéon sous les étoiles...). Mais deux problèmes majeurs viennent assombrir le tableau. Le moins grave, en tous cas celui qui paraît le plus facilement réglable, c'est le grief et le comportement des joueurs. Certes, on parle de piraterie, et il est logique de pouvoir attaquer et piller d'autres galions. Mais il est surtout beaucoup plus rentable de patienter tranquillement dans les avant-postes et de cueillir les joueurs au moment où ils débarquent leurs coffres pour les tuer et leur voler, et ainsi toucher l'or à leur place. Transformer les avant-postes en zones neutres permettrait sans-doute de régler partiellement le problème. Et on mentionnera rapidement qu'on ne cracherait pas sur des moyens de flag ou report les quelques joueurs qui, parfois, abusent du chat vocal de proximité pour rendre l'ambiance parfaitement toxique et gerbante.



D'autre part, et c'est le point le plus frustrant et qui nous semble impossible à régler facilement et rapidement, le contenu du jeu est famélique. Passons rapidement sur le fait que l'or n'a absolument aucun intérêt en termes de gameplay, la seule conséquence étant qu'à moyen et long terme on peine à trouver une motivation pour jouer. On pourrait plutôt citer le fait qu'il n'existe qu'un seul type d'ennemi, les squelettes, ce qui est presque une insulte à la richesse du folklore de la piraterie. Ou le fait que les ressources sont au nombre effarant de 5 (7, si on compte les crânes et les coffres), ce qui en dit long sur le nombre de boucles de gameplay et leur complexité, puisque chaque ressource est utile à quelque chose. C'est le pire : en dehors des trois types de missions citées plus haut, du challenge des forteresses et les rencontres avec les autres équipages, il n'y a rien. Ce seront les seules boucles de gameplay de tout le jeu, et on en fait relativement vite le tour (disons, si on progresse avec un équipage d'amis, une quinzaine d'heures maximum). Comme un symbole de ce vide, le end game est honteux : dans les tavernes des avant-postes, un PNJ vous enjoint à progresser en réputation dans les trois types de quêtes. D'abord niveaux 5, puis 10, 15, 20, il repousse ainsi artificiellement le end game jusqu'aux niveaux 50. Ce qui représente un volume débilement astronomique d'heures de jeu. Un streamer a mobilisé sa communauté (de façon plutôt sale d'ailleurs, mais c'est une autre histoire) pour atteindre ces trois niveaux 50. Résultat : d'autres trucs cosmétiques, et l'accès à des quêtes "légendaires"…qui ne sont rien d'autres que des aventures un peu plus longues qui mélangent les trois types de quêtes. Tout ça pour ça. 
Sea of Thieves ne ressemble à aucun autre jeu et c'est sa plus grande qualité, mais face à la pauvreté de son contenu et son ambiance de dingue, difficile de le qualifier d'autre chose que de "superbe coquille vide". Il manque d'autres ennemis, d'autres missions et des boucles de gameplay plus variées pour renouveler l'intérêt. Mais durant la poignée d'heures que dure la découverte, c'est aussi et surtout un somptueux terrain pour jouer aux pirates avec vos amis, offrant quelques moments de grâce qui constitueront un joli petit butin de souvenirs précieux.
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