TEST
Ninja Gaiden 4
Dévoilé en grande pompe lors d’un Developer_Direct de Xbox en janvier 2025, Ninja Gaiden 4 a tout de suite fait forte impression. Revoir cette licence oubliée depuis plus de dix ans tenait presque du fantasme. Et quoi ? C’est PlatinumGames et Team Ninja qui s’occupent du développement ? Ok, l’attente est beaucoup trop grande !
Étoiles de ninja dans les yeux
La première fois que j’ai touché à un Ninja Gaiden, c’était avec Shadow Warriors (1988, NES). En y repensant, c’est peut-être même mon premier jeu vidéo de ninja (je ne compte pas Tortues Ninja, c'est pas pareil). J’étais assez jeune et je dois bien avouer que j’ai d’abord passé quelques années à regarder mon cousin y jouer, avant de pouvoir prendre la manette et apprécier l’ambiance “un ninja en ville”, accompagnée d’une bande son qui me reste encore en tête et d’une difficulté lunaire pour mon jeune âge. C’était la grande époque de ces héros masqués, notamment avec Shinobi chez Sega, ce genre de jeux mélangeant plateformes, action et shoot ’em up (pour le côté mémorisation des ennemis).J’ai évidemment toujours ce jeu sur NES que j’apprécie vraiment et pourtant, je n’ai pas mémoire d’avoir touché aux épisodes 2D suivants de cette licence, qui s’est d’ailleurs arrêtée en 1995 sur Super Nintendo avec Ninja Gaiden Trilogy. Mais Ryu Hayabusa, le personnage principal, est revenu me mettre une énorme baffe dans la gueule, presque dix ans plus tard, avec Ninja Gaiden, le premier épisode 3D de la série et aussi le premier sur une console non japonaise, puisque sorti en 2004 sur Xbox. À l’époque, le jeu développé par la toute jeune Team Ninja, dont on a parlé il y a peu suite au décès de Tomonobu Itagaki, a vraiment mis tout le monde d’accord. La Xbox était la console la plus puissante du marché et Ninja Gaiden était une leçon de gameplay, d’ambiance et de graphismes.
Pourtant, cela n’a jamais été une série sous le feu des projecteurs. Il faut dire que la mode des ninjas était justement passée de mode et que Team Ninja était surtout connu pour ses jeux de combat Dead or Alive, ainsi que son excellent Dead or Alive Xtreme Beach Volleyball (oui, j’aime beaucoup cette série, faudrait que je fasse une pause pour écrire un long article sur ça), donc plutôt pas trop dans l’ambiance arme légendaire et Dragon Noir.
De l’importance de ce développement
Passés les deux premiers épisodes magistraux, la licence s’est encore une fois pétée la gueule de la falaise, avec Ninja Gaiden 3 qui ne laissera pas que de bons souvenirs, surtout qu’Itagaki n’était plus aux manettes. Le dernier coup de ninjatō de Ryu Hayabusa s’est fait en 2014 et depuis, plus un bruit. Jusqu’à ce mois de janvier 2025, où Xbox Game Studios et Koei Tecmo annoncent en coeur le grand retour de sa série lors d'un Developer_Direct, avec ce Ninja Gaiden 4 développé par le duo PlatinumGames et Team Ninja.
Un énorme projet donc, et aussi un gros pari pour tout le monde. Déjà pour Koei Tecmo et Team Ninja qui tentent de faire renaître sa série, ce qui n’est pas forcément gagné. Mais aussi pour Xbox Game Studios qui tente de se refaire une beauté en essayant de renouer avec ses premiers fans, tout en bossant sur un jeu japonais. Et enfin, PlatinumGames qui est dans une sauce pas possible depuis quelque temps, avec notamment les départs de Kenichi Sato, puis Hideki Kamiya, qui sera suivi de tout un tas de personnes talentueuses comme Abebe Tinari, Takahisa Taura, Yusuke Miyata, Kenji Saito et Masaki Yamanaka. Oui, cela fait beaucoup et encore, ce ne sont que les têtes connues. Clairement, le studio doit tout faire pour redorer son blason, et Ninja Gaiden 4 pourrait bien être une des clés.
Encore une histoire de Dragon Noir ?!
Je vais être honnête, j’ai assez peu de souvenirs du scénario des trois derniers épisodes de Ninja Gaiden. Mais heureusement, ce quatrième épisode revient sur les événements passés. On comprend rapidement que “c’est de nouveau la merde”, même si Ryu Hayabusa avait bien réussi à vaincre le Dragon Noir, une sorte de dieu maléfique qui n’était pas là pour faire le bien. Problème : Ryu a fait les choses à moitié et le cadavre du Dragon Noir, littéralement un dragon noir, flotte dans le ciel au-dessus d’une ville de Tokyo totalement métamorphosée, puisque continuellement dans la nuit et sous la pluie. On dirait Nantes pendant l’hiver, c’est un enfer.Pire encore, cette pluie étant maudite, cette dernière fait apparaître tout un tas de bestioles provenant des Enfers, forçant le maire à évacuer totalement la ville de ses habitants. Enfin, dans Ninja Gaiden, le gouvernement est aussi compétent que le nôtre et c’est donc l’Organisation du Dragon Divin (ODD) qui s’occupe de cette tâche.

C’est là qu’entre en jeu Yakumo, un jeune ninja du Clan du Corbeau, qui a pour mission d’aller trouver une femme s’appelant Seori, mais aussi prêtresse du Dragon Noir. Le but de sa mission n’est pas de lui demander si elle souhaite participer au prochain tournoi Dead or Alive ou de faire un peu de Beach Volley, mais plutôt de l’exécuter, afin de vaincre une bonne fois pour toute le Dragon Noir. Problème, Seori est assez maline et explique à Yakumo que si elle meurt maintenant, il ne pourra pas vaincre le Dragon Noir, puisqu’elle est la seule personne à pouvoir le faire. Mais pour cela, elle a besoin de lui. Ni une ni deux, Yakumo change d’avis et décide de lui faire confiance. De toutes façons, c’est déjà la merde.
Nous voilà donc partis à l’aventure pour détruire les différents sceaux du Dragon Noir, contrôlant non pas “le super ninja” Ryu Hayabusa, mais le jeune Yakumo. D’ailleurs, autant évacuer cela de suite : il n’est pas question d’alterner souvent entre les deux personnages, mais bien de jouer 95 % de l’aventure avec Yakumo, laissant Ryu Hayabusa au rang de simple ninja d’un autre clan, voire même, d’ancien ninja devant laisser place à la jeunesse, comme une passation de pouvoir d’une époque (les anciens épisodes) à une autre (cet opus et potentiellement d’autres).
Ryu bien qui rira le dernier !
Notons d’ailleurs que cette passation de pouvoir se voit aussi dans le scénario, puisque Yakumo et Ryu sont bien plus des ennemis que des alliés, comme si PlatinumGames n’avait pas eu le droit de toucher à l’oeuvre créé par Tomonobu Itagaki, mais avec tout de même la possibilité d’y poser sa touche personnelle. De fait, cela se ressent beaucoup dans le jeu, Yakumo ayant la lourde tâche d’être le Ryu Hayabusa de PlatinumGames tout en se démarquant d’une Bayonetta bien trop extravagante et en composant aussi avec une direction artistique à tenir, compte tenu de la licence.Heureusement, Yakumo n’a rien à envier à Ryu dans ses déplacements. Le bougre est vif comme l’éclair ! Aussi, nous retrouvons du classique mais efficace dans sa palette de mouvements, avec trois types d’offensives : une attaque légère sur le bouton Carré/X, une attaque lourde sur Triangle/Y et la possibilité de balancer des shuriken à l’infini via Rond/B. Enfin, une touche de saut est assignée à Croix/A. Vraiment classique pour un ninja, mais rien qu’avec ça, on peut déjà faire une bonne partie du jeu, si évidemment on enchaîne bien les combos et surtout si on fait attention à bien sortir nos attaques comme dans un Dead or Alive. C’est d’ailleurs là où PlatinumGames excelle. Cela se ressent aussi avec les dizaines de techniques dont Yakumo dispose pour donner des coups.

De plus, Yakumo n’oublie pas d’être un énorme bourrin et découper nos adversaires s’effectue avec une facilité déconcertante. Même avec pas mal d’ennemis autour de nous, il assez facile de s’en sortir pour se créer un peu d’espace, et enchaîner un adversaire jusqu’à lui couper les jambes, les bras, pour enfin finir par lui faire voler la tête dans une énorme gerbe de sang. C’est sanglant, violent, rapide et terriblement jouissif, surtout dans les exécutions où la caméra prend soin de mieux se placer pour nous montrer l’action. Notons aussi que, comme dans beaucoup de titres de PlatinumGames, les mouvements de Yakumo sont aussi basés sur un autre duo classique : blocage et esquive. Dans les deux cas, utiliser ces techniques (via les gâchettes) nous facilite grandement la tâche, puisqu’une esquive nous rend invincible l’espace d’une seconde, tandis qu’un blocage peut nous aider à temporiser un peu l’action, pour mieux riposter.
Là où Ninja Gaiden 4 demande cependant un peu plus de concentration, c'est dans le fait que Yakumo possède aussi deux postures de combats, ou deux styles. Par défaut, Yakumo dispose de son style de base, mais d’une simple pression sur L2, la forme de Corbeau sanglant s’enclenche. Celle-ci va puiser sa puissance dans une jauge d’énergie qui se remplit au fur et à mesure de nos combats, tout en modifiant un peu l’esthétique de nos armes. Par exemple, notre Takeminakata (lame doubles / tachi) se transforme en un long katana, tandis que la seconde arme, Yatousen (rapière / lance) devient une sorte de foreuse. Ah oui, Yakumo ne dispose évidemment pas que d’une seule arme, mais de quatre. Et on peut jongler de l’une à l’autre aussi rapidement qu’un ninja qui court dans les rizières. Alors si en plus de cela, la forme de Corbeau sanglant sert aussi à briser les postures de garde des ennemis, ou à contre-attaquer plus rapidement, on a devant nous toute une panoplie de mouvements hyper intéressants.

Mais cela rend parfois le jeu un peu trop simple à mon goût, puisque si on a un peu le sens du rythme (sans aller vers un Sekiro: Shadows Die Twice) et que l’on garde les yeux ouverts, on peut remarquer que certaines attaques ennemies ont des couleurs permettant d’indiquer le moment opportun pour contrer une attaque, ou même juste briser une garde avec la forme de Corbeau sanglant. Après attention, dit comme cela, on peut supposer que le jeu est simple, alors que non. Simplement, il est bien plus facile que les trois précédents épisodes, dans le sens où les anciens opus étaient plus proches d’un Dead or Alive en mode aventure dans des espaces restreints que d’un simple beat ’em up un peu bourrin.
Fort heureusement, libre à vous d’augmenter le niveau de difficulté du jeu, ce que je conseille au passage pour les ninjas qui ont l’habitude de Ninja Gaiden, ou des jeux provenant de FromSoftware, ou juste souhaitant un peu en baver. Sachez tout de même que le niveau le plus haut ne se débloque qu’après un premier run. Ah, j’allais oublier : mention spéciale à tous les boss que l’on peut croiser, qui sont assez variés tant dans leur design que dans leur manière de combattre. Là encore, n’allez pas vous attendre à voir des boss provenant du maître en la matière depuis quelques années, FromSoftware, mais ils sont assez nombreux et variés pour être réellement intéressants. Et pour le coup, les designs sont un peu plus dans la mouvance de ce que propose habituellement PlatinumGames, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Petit scarabé deviendra grand
Tout au long de l’aventure, on croise nos deux copains, Umi et Tyran. La première est la tenancière d’une boutique numérique dans laquelle il est possible de dépenser un peu de NinjaCoin, l’argent du jeu obtenu en dégommant du méchant, dans le but de s’offrir quelques bonus temporaires en combat, comme une meilleure attaque ou une meilleure défense, ou bien la classique potion et super potion et autre breuvage pour revenir à la vie.
Et parce qu’on n'a jamais assez d’argent in-game, il existe aussi une autre monnaie, que l’on gagne en se battant, permettant de s’offrir de nouvelles techniques de combats. C’est là qu’entre en jeu le second personnage, Tyran, qui fait office de tutoriel tout au long de l’aventure et qui nous apprend l’utilisation de ces nouvelles techniques dans une sorte de niveau d'entraînement.

Là aussi, on tombe dans le classique arbre de compétences sous forme de liste, qui n'est pas obligatoire mais tout de même fortement conseillé sous peine de balancer tout le temps les mêmes attaques. Le seul problème à mon goût étant que l'on croise un peu trop souvent ces deux amis.
Un voyage pas très dépaysant
Comme dit un peu plus haut, le scénario nous transportera une nouvelle fois au Japon, à Tokyo plus exactement. J’aimerais beaucoup visiter cette ville, mais pas comme dans Ninja Gaiden 4, à savoir sans âmes qui vivent, seulement de nuit, et avec cette foutue pluie battante. Le pire étant que les autres niveaux ne m’ont pas vraiment transporté comme dans les autres épisodes ou les autres jeux de PlatinumGames. Alors oui, la forêt est chouette, mais toujours sous la pluie et pas vraiment dépaysante. De même pour le petit tour en montagne, toujours de nuit et sous la flotte. Je ne parle même pas des sortes d’égouts bizarres sans aucune âme ni Tortues Ninja, ou encore de cette zone de glace avec un level design tombant dans le mini open world pas fun avec une sorte de surf pour aller un peu plus vite, preuve que le niveau n'est pas des plus intéressants.Vraiment, ce n’est pas par sa direction artistique que Ninja Gaiden 4 tape dans le mille. Ni par sa musique non plus, qui ne m’est pas restée en tête, alternant entre du traditionnel japonais et ce que j’appelle “du rock Sega”. Disons que cela passe bien quand on joue, mais cela ne va pas plus loin.

Enfin, pour ce qui est de la technique pure et dure, PlatinumGames a été obligé de faire des compromis. Comprenez pas là que le jeu n’est pas une tuerie technique, mais qu’il est assez propre en restant très fluide, la nuit et la pluie aidant probablement beaucoup à masquer les quelques défauts ici et là, comme dans certains films d’action où les budgets ne sont pas à rallonge. De fait, Ninja Gaiden 4 a la bonne idée de proposer trois modes graphiques :
- Priorité à la fluidité : 60 FPS et une définition 900-1000p upscalée en 4K
- Priorité aux graphismes : 30 FPS et une définition 1440p upscalée en 4K
- Mode 120 FPS : une définition 720p upscalée en 1080p
Non, ce n’est pas mon Ninja Gaiden préféré, ni même mon beat ’em up 3D préféré, vous l’aurez compris. Cependant, je n’ai pas passé un mauvais moment, loin de là ! C’est toujours un plaisir de jouer à un jeu d’action et de revoir une ninja que je vois souvent sur les bords d’une piscine, mais il manque probablement ce petit je ne sais quoi qui en ferait un grand jeu. Cependant, pour un premier essai entre PlatinumGames et Team Ninja, c’est très encourageant !