TEST
Death Stranding 2: On the Beach
Développeur / Editeur : Kojima Productions
Support : PS5
À sa sortie en 2019, le premier né de Kojima Productions avait tout, ou presque, de l’OVNI. Le genre d’initiative qui divise autant le public que la critique. Le temps passant, Death Stranding semble s’être fait sa place, celle d’un objet imparfait, mais unique. Six années plus tard, sa suite baptisée « On the Beach » arrive avec un objectif clair : faire tout mieux que son prédécesseur… quitte à y perdre ce qui faisait la radicalité de sa proposition initiale.
Voyage en terre connue
Comme dans le premier opus, le titre nous propose d’incarnerSuite à l’arrivée d’un phénomène inexpliqué faisant entrer en collision le monde du vivant et celui des morts, notre chère Terre s’est vue profondément démolie. Les pays se sont effondrés, les alliances se sont démises et les peuples se sont retrouvés isolés. Et ça, c’est quand ça se passait bien. Puisque lorsqu’une personne du monde des vivants entre en contact avec un individu du monde des morts, cela crée une explosion aussi puissante qu'une bombe atomique, rien que ça. Ah, et la pluie fait vieillir. Et il y a des bébés dans des capsules qui servent d’outils. Et des êtres qui ne peuvent pas périr. Et des gens qui sont déjà morts, mais pas vraiment. Et aussi de la poix qui sort d’on ne sait où. Et des baleines. Et un internet du futur. Et des plages qui sont des espaces entre la vie et l’au-delà. Et... et... et bref, difficile de bien raconter la diégèse tant elle semble être un condensé, une anthologie des lubies d’Hideo Kojima.

De son créateur, on retrouve comme d’habitude la patte à chaque instant, qui dégouline dans ses réussites comme dans ses excès. Si l’on veut simplifier le plus possible, on en revient au nom du protagoniste. Vous êtes SAM. Votre métier est d’être un PORTEUR. En livrant des colis d’un endroit à l’autre, vous allez être un PONT entre des communautés isolées. Tout le surplus n’est que « Kojimeries », à savoir un mélange entre du sérieux qui se prend souvent trop au sérieux, et du grand-guignolesque qui va parfois trop loin. Les détracteurs auront du grain à moudre et ceux qui adhèrent se retrouveront comme à la maison avec, comme pour le premier, un casting quatre étoiles qui se demande sûrement parfois ce qu'il fout là. Pour notre part, on ratifie les termes du contrat à la manière d’un équilibriste : on accepte d’osciller en permanence entre applaudissement et facepalm. Mais comme d’habitude dans l’œuvre du bonhomme, ce n’est pas pour la narration qu’on signe, c’est précisément pour tout le reste.
Et c’est un réel plaisir, après ces années, de se réapproprier Sam et le Decima Engine. Ce fameux moteur, figure de proue de Guerrilla Games, fait une fois de plus des merveilles, cette fois dans des environnements plus variés. Au revoir

Comme dans le premier opus, la qualité visuelle exceptionnelle des environnements est épaulée par une direction artistique de haute volée pour tout ce qui concerne les différents véhicules, combinaisons, objets et autres structures humaines. Tout fait sens dans la diégèse et dire que c’est « classe » ne suffit pas non plus à rendre honneur aux efforts déployés.
Un coeur solide
En dehors de cette mise à jour graphique qui tient de la prouesse, le cœur de jeu lui, reste le même. Dans un gameplay à la troisième personne qui fait la part belle à la gestion du poids et de l’équilibre, on va sillonner le continent australien. Quelle que soit la mission, la routine est la même. On a droit à un petit briefing, on planifie les grandes lignes de notre itinéraire, on s’équipe en conséquence, on charge la précieuse cargaison sur nos épaules, dans le véhicule ou dans notre modeste chariot, et c’est parti. Passée cette phase nécessaire où l’on enchaîne les interfaces, on se retrouve enfin libre de vaquer comme bon nous semble. Si souvent, on va devoir livrer d’un point A à un point B, la formule est régulièrement twistée avec des contraintes uniques ou des sous-objectifs intéressants.Et très vite, la magie opère à nouveau. À son rythme, on avance, on équilibre, on improvise. Il y a peu de jeux qui arrivent à nous communiquer ce sentiment de plénitude du voyage par et pour lui-même, dans ce qu’il a de plus pur. Le mouvement, la progression, le geste et sa récompense. Très vite, on trouve son tempo dans cet état presque méditatif, accompagné par le bruit du vent et de nos pas sur la terre. Chaque rivière est un obstacle, chaque falaise un mur. Le petit miracle de la formule, c’est de nous donner l’impression d’avoir fait dix kilomètres quand au final on n’en a fait que deux, grâce à un level design qui sait alterner entre les segments à plat, les passages retors, avec l’accomplissement une fois notre destination en vue. On a la sensation d’avoir gravi une montagne alors qu’on est parti il y a quinze minutes. De plus, la bande son absolument magistrale nous accompagne à chaque instant et porte littéralement certaines séquences clés. Mention spéciale aux compositions de Woodkid qui semblent donner la couleur au reste des artistes et son ton à l'ensemble de l'aventure.
Dès qu’un territoire vierge est connecté au réseau chiral, on découvre les structures posées par les joueurs avant nous. Et le rythme, précédemment méditatif et presque âpre, trouve un autre tempo. Tout est plus simple (parfois trop), nos prédécesseurs ayant mis de quoi nous aider là où auparavant il n’y avait que nous-même. Alors, on vagabonde, mais différemment. On envoie des likes, on prend des photos, on constate que les rivières trop larges ont des ponts, les falaises des rampes, etc. En plus des grands classiques du premier opus que sont les piquets, échelles et autres tyroliennes, ici on découvre de nouveaux facilitateurs qu’on se gardera bien de trop dévoiler…
Des évolutions timides
Tout ça, c’est bien, me direz-vous, mais c’était déjà l’apanage du premier opus. Et vous auriez raison. Mais du coup, qu’est-ce que Death Stranding 2 possède sous le capot à même de nous inciter à enfiler les chaussures de randonnée une nouvelle fois ?De belles promesses en matière d’environnement tout d’abord, avec un cycle jour/nuit dynamique et des effets météo plus poussés que jamais. Et là-dessus, c’est un peu la douche froide… Le cycle jour/nuit, au-delà de superbes lumières, n’impose rien de fort sur la manière d’agir, tant la luminosité ne pose pas de problème. C’est simple, son impact semble tellement léger en dehors de l’aspect cosmétique qu’on serait incapable de citer un élément vraiment marquant ayant une conséquence sur le gameplay qui soit palpable.
Les effets météo, pour leur part, font clairement leur petite impression quand ils arrivent lors des premières heures de jeu. Tempêtes de sable, éboulements, rivières en crue, chacun est une occasion pour Kojima Productions de bomber le torse et de nous en mettre plein la vue. Malheureusement, ce genre d’événement semble prévu et non systémique… Par exemple, nous n’avons connu d’avalanches et de feux de forêt que dans des segments précis de la mission principale. Comme un aveu d’échec, souvent, les tremblements de terre n’arrivent que rarement sous nos pieds et lorsqu’ils le font, c’est uniquement pour nous déséquilibrer quelques secondes… Une belle couche de vernis qui vend du rêve dans les trailers, mais dont l’impact en jeu laisse à désirer.

Contrairement au premier opus qui nous imposait pendant la majeure partie de l’expérience un périple vers l’avant sans lieu de repos de prédilection, Death Stranding 2 nous met très vite aux commandes du DHV Magellan, un
Les objets que l’on récupère et qui simplifient considérablement l’exploration sont ici donnés beaucoup plus tôt que dans le premier opus. À partir de cinq heures de jeu, on acquiert un exosquelette qui trivialise la gestion du poids. Au bout de huit heures, on obtient le camion qui devient notre plus grand allié dans quasiment toutes les circonstances. Si cette manière de récompenser le joueur en permanence est l’une des réussites du titre, les récompenses en elles-mêmes lissent beaucoup trop la courbe de progression et semblent moins durement gagnées.
Quel dommage que le fourgon, beaucoup plus utilisé que dans le premier, n’ait pas plus de mécaniques qui lui soient liées pour mitiger sa toute-puissance ! Alors, on s’adapte. On se crée ses propres contraintes, pour maintenir un équilibre et retrouver cette sensation de mériter la destination. S’il propose une expérience plus « à la carte » que son grand frère, Death Stranding 2 impose de la discipline pour aller chercher le challenge, un concept qui se heurte directement à la conquête de confort que représente la boucle de jeu.
Comme un air de Metal Gear
Si du côté du déplacement, le jeu souffle un peu le chaud et le froid, les efforts semblent avoir été concentrés sur les affrontements directs et l’infiltration. Dans le premier Death Stranding, les camps de dissidents étaient déjà là et n’étaient généralement que des obstacles qui s’inscrivaient dans le voyage en lui-même. De par le design de certaines missions et leur position sur la carte, les camps ennemis sont maintenant beaucoup plus courants, avec un arsenal au diapason de la menace qu’ils représentent. Au revoir les munitions létales qui pouvaient tuer les ennemis (avec les effets dramatiques que cela induisait). Dorénavant, toutes les armes assomment les ennemis et trop vite on se retrouve avec un petit arsenal à même de réduire à néant fort Knox.
Dans le même ordre d’idées, les phases d’infiltration sont désormais bien plus courantes. La panoplie (de Snake) est ici aussi étoffé, avec des grenades holographiques, des camouflages, des flingues taser… Bref, on sent que le studio et son créateur sont en confiance. Une sérénité qui pèche par excès lors des combats de boss qui sont, comme souvent avec Kojima, des tannées interminables et répétitives. On ne se refait pas, que voulez-vous.
Si ces segments apportent des changements de rythme bienvenus dans l’expérience, on ne peut s’empêcher d’y voir une mauvaise réponse à un vrai problème : comment faire une suite plus grand public à une œuvre qui divise ? Difficile pourtant de bouder notre plaisir pad en main. Certes, ce n’est pas le Death Stranding 2 qu’on aurait voulu, mais cela reste une suite extrêmement solide à un jeu résolument majeur.
Death Stranding 2 est une version plus accessible, moins rude sur les bords en comparaison du premier opus. Objectivement meilleur en tout point par rapport à son prédécesseur (plus beau, plus vaste, plus cohérent, avec un scénario enfin compréhensible), c’est dans la subjectivité qu’on va se permettre de nuancer ce jugement. Contrairement à ce qu’on aurait pu escompter, Kojima Productions a choisi de lisser les aspérités, parfois trop par endroits, et livre un objet moins radical que ne l’a été le premier. C’est tant mieux pour ceux que Death Stranding avait laissés de marbre et dommage pour ceux qui espéraient une proposition encore plus drastique. De notre côté, on l’accepte pour ce qu’il est : un très bon jeu, unique dans le paysage actuel et qui tient la majorité de ses promesses.