TEST
Civilization VII : le test, huit mois plus tard
par CBL,
email @CBL_Factor
Chaque nouvel épisode de Civilization comporte des ajouts majeurs. Civ III a apporté la culture et les ressources stratégiques ; Civ IV a marqué le passage à la 3D et a ajouté la religion, les promotions des unités, les personnages illustres et les routes commerciales ; Civ V a adopté les hexagones (avec une seule unité par hex) et a ajouté les cités-États, le tourisme, les oeuvres illustres et les merveilles naturelles ; Civ VI a introduit les quartiers, un arbre de recherche séparé pour les civics et une refonte complète de la gestion gouvernementale à base de cartes.
Pour Civilization VII, Firaxis a décidé de donner un grand coup de pieds dans la fourmillière en supprimant le concept même de civilisation, en abandonnant toute réalité historique pour le personnage qu'on incarne et en repensant totalement le concept de victoire. Au fond, l'idée était louable. L'exécution par contre a laissé à désirer et le titre s'est fait allumer à sa sortie il y a huit mois. Non seulement pas mal de concepts ne fonctionnaient pas mais il manquait des choses basiques pour un Civilization. J'avais fait une première partie de quinze heures à l'époque. Depuis, il y a eu plein de patchs et ils continuent d'arriver. J'ai donc décidé de redonner une chance au jeu et j'en ai repris pour quinze heures.
Comme dans tout Civ, on commence par choisir sa civilisation et son chef, sauf que contrairement aux opus précédents, ces deux éléments sont décorrélés. J'ai donc pu choisir la civilisation aksoumite (l'Érythrée de nos jours) et Himiko, la première reine du Japon. Ça peut paraître ridicule surtout vu qu'aucune des deux n'existait durant le premier âge du jeu, l'Antiquité, qui débute en -4000. Mais Civilization n'a jamais été super à cheval sur la réalité historique. Dans Civ VI par exemple, on pouvait débuter avec Abraham Lincoln et les Américains aussi en -4000. On notera également que depuis, Firaxis continue d'utiliser le calendrier chrétien alors que dans tous les Civ depuis le IV, on peut fonder le christianisme AVANT ou APRÈS l'an 1. Il serait temps de passer au calendrier holocène cher à Kurzgesagt. J'ai fait ces choix (Aksoumite et Himiko) car je voulais faire une partie expansionniste et utiliser le type de carte archipel, histoire de changer un peu de ce que je prends d'habitude (continents, pangée, terre).Pour Civilization VII, Firaxis a décidé de donner un grand coup de pieds dans la fourmillière en supprimant le concept même de civilisation, en abandonnant toute réalité historique pour le personnage qu'on incarne et en repensant totalement le concept de victoire. Au fond, l'idée était louable. L'exécution par contre a laissé à désirer et le titre s'est fait allumer à sa sortie il y a huit mois. Non seulement pas mal de concepts ne fonctionnaient pas mais il manquait des choses basiques pour un Civilization. J'avais fait une première partie de quinze heures à l'époque. Depuis, il y a eu plein de patchs et ils continuent d'arriver. J'ai donc décidé de redonner une chance au jeu et j'en ai repris pour quinze heures.

Le premier truc qui frappe dans Civilization VII est la pauvreté et l'inefficacité de l'interface. On est constamment bombardé de notifications inutiles à base de "vous devriez faire du commerce" ou "vous devriez réassigner vos ressources", même quand il n'y a pas de nouvelles ressources. Par contre, on n'est pas informé quand l'une de nos unités se fait attaquer... La jauge de progression de l'âge en court montre un pourcentage au lieu du nombre de tours restant. Il n'y a plus de panneau diplomatique clair montrant rapidement qui est en guerre ou allié avec qui. Il n'y a plus non plus d'interface affichant la liste des cités-États rencontrées et qui sont leurs suzerains. La Civilopedia, qui était autrefois une mine d'information, est devenu un joyeux bordel sans hyperlien.
Quand on sélectionne une ville, un encart géant apparaît et le reste des informations disparaît. Le zoom minimum reste trop proche du sol et la carte stratégique 2D introduite par Civ V a disparu. Au passage, Civ IV était le seul opus à pouvoir dézoomer jusqu'à voir la Terre entière et ronde. Un sacré trip. Au-delà des problèmes d'interface, il y a aussi quelques soucis d'expérience utilisateur. Typiquement, pour attaquer, il ne faut pas cliquer au milieu de l'hexagone mais sur un des bords. Mais bon, tout cela n'est pas la fin du monde et il doit bien y avoir des mods qui corrigent le tout... sur PC. Sur consoles par contre, vous pouvez aller vous brosser.
Un des nouveaux concepts de Civ VII est le fait que quand on construit une nouvelle ville via un colon, on ne bâtit pas une ville mais un village. Le second est limité par rapport au premier : il ne peut pas produire de bâtiments ou d'unités. Il faut les acheter et il n'y a qu'une sélection limitée. Il ne peut pas avoir de spécaliste. Même le type de ressources qu'on peut assigner est limité. Toute sa production est convertie en or. Quand un village atteint 7 en population, on peut lui choisir un focus (minage, agriculture, industrie, tourisme...). Le concept n'est pas mauvais : il permet de faire des villages servant principalement à gagner du territoire entre deux villes importantes tout en amassant du blé, mais le problème est que ça ne semble pas du tout organique.

Un village ne peut jamais devenir une ville de lui-même, même si sa population atteint des seuils délirants. Il faut forcément claquer un gros paquet de blé pour le transformer. Pire encore, quand on capture une ville ennemie, y compris une capitale, elle redevient un village ! Accessoirement, on n'est pas convaincu de l'intérêt du système. Spécialiser une ville et/ou choisir de convertir sa production en or, bouffe ou autre aurait pu être une simple option. C'est d'ailleurs le cas en fin de partie vu qu'on peut choisir de convertir la production d'une ville en culture ou en recherche.
Civ VII simplifie aussi beaucoup de choses. Il n'y a plus besoin de produire d'unités spéciales pour construire des aménagements (mines, fermes, etc.). Ces derniers sont ajoutés automatiquements quand une ville capture un nouvel hexagone. De même, il n'y a plus besoin de bâtir de quartiers et il n'y a plus de quartiers spécialisés. Les hexagones sont transformés automatiquement en quartiers ruraux quand un aménagement est ajouté et en quartiers urbains quand on construit un bâtiment. Le tout fluidifie beaucoup les choses, mais Civ VII va trop loin dans la simplification.
Par exemple, les points d'influence permettent à la fois d'acheter des cités-États, de lancer ou repousser des actions diplomatiques, d'acheter une paix durable et de faire de l'espionnage / contre-espionnage en choisissant ce qu'on veut dans une liste et en claquant des points. Les espions en tant qu'unités ont disparu et les points d'influence sont devenus une ressource à part entière produite par les villes. Du coup, on peut facilement en abuser mais surtout l'influence réelle qu'on a sur le monde n'a aucune incidence sur ces points. Vous pouvez être le pire salaud ou le plus bienveillant et ne choper ni malus ni bonus. Seul l'espionnage donne lieu à des malus de points d'influence si vous vous faites gauler. Pour revenir aux problèmes d'interface, le fait qu'on ne puisse pas choisir le contre-espionnage comme action récurrente et qu'il faille la re-choisir tous les vingt tours pour chaque civilisation ennemie est un peu lourd.

Transformer une cité-État en état vassal est devenu bien trop facile. Il suffit de claquer une tonne de points d'influence, d'attendre quelques tours et voilà ! Vous avez un nouveau pote.... et à vie ! Une cité-État ne peut pas changer de main et les bonus sont absolument massifs, à tel point que Firaxis est en train de nerfer le tout. Si vous voulez, vous pouvez claquer environ 700 points d'influence pour incorporer une cité-État et dix tours plus tard, elle rejoint votre civilisation en tant que ... village. La même cité-État à laquelle il fallait des armées entières avant qu'elle ne rejoigne votre écurie. Tant qu'on est dans les trucs bizarres, Civ VII permet de construire des ponts mais plus des tunnels. Allez comprendre. Au passage, les arbres technologiques sont aussi devenus beaucoup plus linéaires et beaucoup moins intéressants.
Du côté des combats, le principal changement, ce sont les commandants. Ils permettent de donner des ordres à plusieurs unités en même temps et d'obtenir des renforts en téléportant les unités venant d'une ville. Ce sont eux qui gagnent de l'XP au lieu de celles-ci, débloquant ainsi des bonus de combat pour celles qui sont à proximité. Ils permettent de regrouper une demi-douzaine d'unités sur une même case et de les déplacer en même temps mais il faut les dégrouper pour attaquer. Vous gagnez aussi des bonus si plusieurs d'entre elles attaquent la même unité ennemie et il est possible pour les unités navales de parcourir les rivières. Enfin, il est possible de construire des murs sur l'hexagone principal d'une ville mais aussi sur tous ses quartiers urbains. Pour capturer une cité, il faut prendre possession de tous les hexagones fortifiés. Il n'est plus nécessaire de disposer de certaines ressources pour produire certaines unités (genre pétrole pour les tanks) mais les ressources en question donnent des gros bonus. Seules les bombes atomiques nécessitent d'avoir des mines d'uranium mais ce ne sont pas des unités à proprement parler. Dans l'ensemble, le tout m'a paru logique et assez bien conçu, même si le fait de devoir grouper/dégrouper ses unités est un peu lourdingue et finalement assez inutile vu qu'on ne peut toujours en avoir qu'une par hexagone.
On arrive maintenant au gros morceau de tomate, le coeur de Civ VII, à savoir les âges. Ils sont au nombre de trois : antiquité, exploration et époque moderne. Chacun d'entre eux dure entre 150 et 200 tours selon ce que les joueurs font. Les deux premiers comportent des séries d'objectifs à accomplir afin d'avoir un âge d'or ou un âge sombre pour le suivant. Par ailleurs, chaque âge comporte ses propres bâtiments, unités, arbres de recherche, ressources et systèmes de jeu. Mais surtout, ils impliquent un changement de civilisation. Ce n'est pas totalement délirant d'un point de vue historique. L'Italie moderne a été successivement un territoire étrusque, grec, romain, lombard, normand avant d'être divisée en une série de cités-États puis d'être réunifiée. Mais Civ VII pousse les choses loin vu que je suis devenu les Hawaïens puis les Japonais, ce qui est parfait pour une carte de type archipel (spoiler alert : c'était prévu).

Le problème principal n'est pas historique mais le fait qu'on se bouffe un gros reset à chaque fin d'âge. On saute subitement quatre à cinq cents ans dans le futur, une partie de ses unités disparaît, toutes les villes sauf la capitale redeviennent des villages (sauf si vous avez rempli les objectifs économiques et choisi les bons bonus), toutes les guerres se terminent et toutes les productions s'arrêtent. Le but annoncé est de permettre aux joueurs de souffler un peu niveau micro-gestion. En réalité, c'est surtout la macro-gestion qui en prend un coup car il devient compliqué de se fixer des objectifs à long terme. Comme expliqué plus haut, ce n'est pas super clair quand un âge se termine. On ne le sait précisément que dix tours avant l'échéance. Du coup, il y a une sorte de flottement de plus ou moins cinquante tours pendant lesquels il devient dangereux de commencer à produire des merveilles ou de partir en guerre car ça risque de finir en eau de boudin.
Civ VII pousse le concept assez loin. Une partie des bâtiments est considérée "sans âge" (ce sont en général les bâtisses de base) et le reste "vieillit". Quand vous changez d'âge, les bâtiments de l'âge précédent ne recoivent plus de bonus des hexagones adjacents et ne peuvent plus être réparés. Le choix de ce qui est "sans âge" ou pas me laisse un peu perplexe. Les universités qu'on bâtit durant l'exploration vieillissent mais pas les briqueteries ? L'Université d'Oxford a été fondée à la fin du XIe siècle et on a remplacé les briques par le béton il y a un bail. Les auberges ne sont pas non plus considérées comme "sans âge". Dans le monde réel, c'est devenu des hôtels, bars, restaurants... Encore une fois, on peut répéter que l'aspect historique n'a pas tellement d'importance mais c'est la logique qui commence à en pâtir à ce niveau-là.
Au final, on a l'impression de faire trois mini-parties plus que d'en faire une grande, mais aussi qu'il manque un âge et/ou que l'ère moderne finit trop tôt. Le jeu s'arrête au début de la Guerre Froide. La victoire militaire est déclenchée quand vous découvrez la bombe H et la victoire spatiale quand vous envoyez un homme dans l'espace. À noter que même si vous débloquez la technologie "Fusée", vous ne pouvez pas produire de missiles ballistiques mais rassurez-vous, vous pouvez quand même larguer des bombes A sur vos voisins à grands coups d'Enola Gays. Civ VII ajoute aussi une victoire économique qui va plaire à nos amis communistes car elle consiste à avoir plein d'usines et de trains. On note enfin que la Russie est la seule civilisation à avoir droit à six musiques différentes dont une fondée sur l'Ouverture solennelle 1812 de Tchaïkovski, la seule mélodie au monde qui nécessite des canons pour être pleinement jouée.

En l'état, je ne peux pas en bonne conscience recommander aux joueurs de claquer 70 euros dans le nouveau jeu de Firaxis quand Humankind existe. Il semble aussi qu'Ara History Untold se soit largement bonifié après une mise à jour massive. Vous pouvez aussi rester sur Civilization VI. "Mais CBL, le 4X, c'est pas juste Civ et ses clones." Je sais. Et j'ai essayé des 4X qui ne sont pas "historiques", comme Ascendancy il y a fort longtemps, puis Endless Legend, Gladius - Relics of War (le 4X War 40K) et d'autres... mais la sauce ne prend pas. L'aspect uchronique de Civ, le côté "et si", est ce qui le rend différent.
C'est plein de petits plaisirs simples comme construire la Statue de la Liberté à Tokyo, atomiser Paris ou fonder le judaisme à Berlin. Et Civ a une place spéciale dans mon coeur. J'y joue depuis le tout premier opus sur MS-DOS. Mon premier article sur Factor était un test de Civ IV. Quand j'ai fait une pause de Factor, ma dernière news portait sur la première extension de Civ V. Quand je suis revenu un an plus tard, mon premier papier concernait la deuxième extension de Civ V. Ce n'est même plus une madeleine de Proust à ce niveau, c'est un Kouign-amann au chocolat servi avec un Saint-Emilion et un Montecristo.
En repensant à Civ VI, on comprend pourquoi Civ VII existe. Civ VI était génial mais en faisait trop. Firaxis a voulu faire table rase en pensant aux néophytes et aux quadras qui ont moins de temps libre. Et comme il fallait proposer quelque chose de nouveau, ils ont décidé de mal pomper le système d'ères de Humankind. Le résultat est assez bancal, mais ce n'est pas un mauvais jeu pour autant. Malgré ses défauts, je n'ai pas vu le temps passer et je n'ai pas pu décrocher. Le fait que ça tourne au poil sur Steam Deck y a contribué mais c'est surtout dû au fait que la magie Civ fonctionne une fois de plus. Il y a toujours cette volonté de tirer des plans sur la comète pour dominer le monde et le plaisir de les voir se réaliser.