Connexion
Pour récupérer votre compte, veuillez saisir votre adresse email. Vous allez recevoir un email contenant une adresse pour récupérer votre compte.
Inscription
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation du site et de nous vendre votre âme pour un euro symbolique. Amusez vous, mais pliez vous à la charte.

Un Rédacteur Factornews vous demande :

TEST

Civilization : Beyond Earth. En deçà des étoiles.

kimo par kimo,  email
 
Après nous avoir fait arpenter en long et en large et sous toutes les formes cette bonne vieille Terre, Firaxis s'est dit qu'il était temps d’envoyer les joueurs vers les étoiles, avec une suite spirituelle à Alpha Centaury. Beyond Earth permettra-t-il aux joueurs d’assouvir leur soif d’espace et de développement culturel ?

Futur moche

Autant le dire de suite, la première impression n’est pas très bonne. Le niveau de finition est surprenant pour un jeu de ce calibre. Les menus sont laids et froids et on a plus l’impression de configurer Windows ou de tester un jeu en alpha que de se lancer dans la conquête d'un nouveau monde. La bonne nouvelle c’est que les avantages de chaque nation et les options qui permettent de la personnaliser sont présentés bien plus clairement que dans Civilisation V. La mauvaise c’est que tout est aseptisé et que dans le futur, les dirigeants se ressemblent tous et n’ont apparemment aucune personnalité. Réaliste.
 
Une fois la partie lancée, on réalise que ces défauts ne sont pas que superficiels, et qu’il s’agit en fait moins d'un problème de finition que de fond. Du manque de personnalité on passe en plus en jeu au manque de lisibilité. Devant nous, s’étend une terre inconnue aux couleurs criardes. Si d’un coup d’œil, un joueur - et même un non-joueur - comprend immédiatement le grand atlas de Civilization V, qui organise ses rivières, ses déserts et ses montagnes en un immense plateau de jeu, la topographie de Beyond Earth est confuse et indéchiffrable. Bonne nouvelle peut-on se dire, puisqu’à priori, le but est justement de découvrir ce nouveau territoire. Et de fait, s’il avait fallu expérimenter de nouveaux mécanismes à partir de ce terrain de jeu inédit, on aurait très vite dû apprendre à comprendre cet étrange paysage et on aurait fini par intuitivement reconnaître les régions fertiles et les déserts.

Le problème, c’est que cet El Dorado se comporte comme notre bonne vieille terre : rivière, plaine, désert et toundra se dissimulent sous une nouvelle apparence bien moins efficace, mais fonctionnant à l’identique. Plutôt que de se construire une nouvelle lecture, le joueur habitué est obligé de traduire laborieusement le nouveau skin à l’ancienne fonction. Le nouveau, lui, doit se sentir complétement perdu et passer son temps à vérifier chaque case lors de la construction d'une ville. Le plus absurde, c'est qu'en dehors de quelques ressources inédites, les aménagements sont similaires à ceux de Civilization, ce qui n’aide pas à donner de la personnalité à notre nouvelle planète, et donc à fabriquer un nouvel imaginaire au joueur.

Triste Histoire

C’est bien là le problème majeur de Beyond Earth : son fonctionnement est quasiment identique à celui de Civilization V, mais sans le charme de son iconographie et le plaisir de l’identification qui va avec. Si construire une pyramide, découvrir l’écriture et former des archers ou des tanks permet aux joueurs de se projeter, il en est tout autrement lorsqu’il s’agit de découvrir la biogénétique, de déplacer son Aegis et de construire un très neutre « centre d’information ». Tous les éléments de cet univers sans âme exigent généralement un passage laborieux par la Civilopédia. Et il ne s’agit plus d’y trouver des informations et des anecdotes, mais bien d’en comprendre l’utilité. Or, l’efficacité de Civilization V repose en grande partie sur la capacité de chacun à identifier immédiatement les signes mis en jeu, même s'il n'en comprend pas nécessairement la fonction. Balancer une bombe nucléaire avec Gandhi ou attaquer Montezuma avec Gengis Khan, ça a du sens même pour ceux qui ne jouent pas. Non pas que cela signifie quelque chose de particulier, puisqu’il ne s’agit pas dans ces jeux de développer une réflexion sur l’histoire, mais cela permet de s’amuser avec ces références, de raconter une partie à ses amis et de fantasmer tout un récit, avec ses protagonistes et ses événements historiques. Beyond Earth ne pouvant plus reposer sur la mythologie de cette histoire humaine réduite à l’échelle d’un jeu, doit lui s'en construire une.


 
Créer un 4X hors de toute référence historique est tout à fait possible, mais ce n'est pas nécessairement dans les cordes des créateurs de Civilization. Il faut en inventer le grand récit pour donner corps à l'univers, puis penser le gameplay autour des territoires de ce lore pour permettre au joueur de s'y investir à son tour. Beyond Earth était l’occasion parfaite de s’émanciper de la progression linéaire de Civilization V et donc de raconter autre chose. Cette dernière est largement encadrée par l’arbre technologique, qui oriente la partie, mettant en concurrence des civilisations sous la forme d'une grande course historique les menant au même point. Beyond Earth, avec sa progression scientifique en forme de toile d’araignée, ouvre donc la possibilité d’une nouvelle proposition, refusant l’idée de progrès à sens unique et ouvrant au joueur plusieurs horizons à la fois. Belle idée qui, si elle avait été tenue et généralisée, aurait pu faire basculer le jeu d’une compétition linéaire entre civilisations, à des questions d'adaptation du joueur et de sa nation à son environnement. Le problème de gestion posé au joueur par Beyond Earth aurait été radicalement différent de celui de Civilization V, la question prioritaire du gameplay devenant : comment s'adapter à ce territoire, comment s’y développer sans y rester ?

Le monde à une image

D’ailleurs soyons juste, Beyond Earth semble bien vouloir aborder ces enjeux, mais trop timidement, les réduisant tant qu’ils finissent par n’avoir qu’une incidence anecdotique sur la partie. Le jeu transforme par exemple l’or en énergie et le bonheur en santé, ce qui implique bien que les priorités du joueur ne sont plus de l’ordre de la croissance culturelle, mais bien de la bonne gestion de ces réserves. On aurait pu donc logiquement espérer voir la fonction de ces ressources changer également : dans ce nouvel environnement, elles auraient pu être d’excellents moyens de forcer le joueur à prendre des décisions de développement drastiques, en limitant le nombre d’aménagement ou de bâtiments simultanés par exemple. Mais il n'en est rien.



Le joueur est également invité à choisir une attitude vis-à-vis de la planète : harmonie (s’adapter à la planète), suprématie (améliorer l’espèce par la science), pureté (sauvegarde de la tradition humaine). Sur le papier, c’est parfait, mais dans le gameplay, tout cela n’a pas plus d’impact que celui de donner quelques bonus et d'ouvrir des possibilités de victoire différentes. D’ailleurs, plusieurs de ces influences peuvent être développées en même temps, histoire de profiter de plusieurs bonus, c’est dire. Au final, peu importe votre orientation, vous aurez toujours intérêt à terraformer à gogo et à exterminer les créatures locales. Harmonie on vous dit.

C’est qu’en réalité, les développeurs ont déjà choisi pour nous : c’est la pureté qui prévaut, puisque si le joueur débarque sur une nouvelle planète, il y joue exactement comme sur Terre, y installant ses colonies, et y fabriquant ses aménagements, multipliant les caravanes et les échanges commerciaux sans qu'aucune alternative réelle n'apparaisse jamais. Et à vouloir à tout prix adapter le gameplay de Civilization V à un contexte futuriste, Beyond Earth est rempli d’aberrations frustrantes, notamment dans sa phase « primitive ». Ainsi, le joueur peut envoyer des satellites dès le début du jeu, mais doit quand même explorer manuellement tout le territoire, ou bien envoyer ses caravanes lui-même de ville en ville comme de vulgaires chameaux. Les créatures indigènes quant à elles se comportent comme une version évoluée des barbares de Civilisation V (ils sont plus coriaces et empêchent - il est vrai - l’expansion rapide mais peuvent  également être vaguement pacifiques). Quant aux civilisations adverses, elles ont les mêmes pouvoirs et les mêmes tics qu'avant (dénonciations en série, exigences absurdes) sans avoir la moindre spécificité culturelle. Tous ces mécanismes auraient dû être repensés, afin de permettre au jeu de faire les récits de cette humanité future, quitte à donner au joueur la possibilité de refabriquer aussi la même humanité sans pour autant le limiter à ça.



En ne s’inventant pas une nouvelle façon de jouer, Beyond Earth ne laisse donc aucune chance à son univers, et donne plutôt envie de se relancer une partie de Civilization V, où ces mécanismes ont leur place. Pire, toutes les nouvelles idées, dont la plupart sont réellement bonnes - les satellites, les missions, les synergies entre doctrines et même les planètes « difficiles » proposées en DLC - pourraient avoir été ajoutées telles quelles à Civilisation V. C’est ce qui agace le plus et porte à penser que Beyond Earth n’est pas à la hauteur comme jeu, mais qu'il aurait été parfait comme extension futuriste au jeu de base, permettant de le relancer sur d’autres questions tout en profitant d’une base narrative solide (qui ne voudrait pas diriger l’armée de stormtroopers de Napoléon ou lancer le premier satellite Aztec ?).

TL;DR un dernier mot pour finir

En l’état, Beyond Earth fait plus penser à un gros mod, un reskin timide voire à la variante d’un jeu de société (style Risk édition « seigneur des anneaux ») qu'à un projet complet pensé pour lui-même. Il n'est pas non plus déplaisant à jouer - il est même bien mieux optimisé que son ainé - mais il reprend quasiment l'intégralité des défauts de ce dernier tout en en simplifiant grandement certains aspects. Au final, son univers n'est pas assez intéressant pour pousser le joueur de Civilization V à s'y investir, et son gameplay est trop peu innovant pour convaincre les allergiques de s'y mettre. Il ne fait donc clairement pas le poids face à la force d'attraction de son modèle, qui se révèle bien plus riche, complet et cohérent. Peut-être que des extensions viendront corriger le tir, mais il faudrait fournir un tel travail de game design qu'on a du mal à l'imaginer.
Décevant, il n'y a pas d'autres mots pour Beyond Earth. Le jeu ne manque pas de bonnes idées, mais elles auraient été mieux employées dans une extension pour Civilization V plutôt que dans ce qu'on a envie de qualifier de gros mod maladroit.
Rechercher sur Factornews