Connexion
Pour récupérer votre compte, veuillez saisir votre adresse email. Vous allez recevoir un email contenant une adresse pour récupérer votre compte.
Inscription
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation du site et de nous vendre votre âme pour un euro symbolique. Amusez vous, mais pliez vous à la charte.

Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
INTERVIEW

Factor Late Week GC 2016 - Trois ou quatre questions à… Sam Hocevar (Dontnod)

Hell Pé par Hell Pé,  email
Sam Hocevar est une double légende : dans le milieu du logiciel libre, où il a copieusement contribué à Debian Linux et VLC Media Player, mais aussi chez les cinéphiles déviants, puisqu’il est l’homme derrière la restauration de La Classe Américaine de Michel Hazanavicius que l’on ne vous fera pas l’affront de vous présenter. Il est aussi programmeur à Dontnod et ce depuis leurs débuts sur Remember Me. Il est aujourd’hui en plein dans le développement de Vampyr, mais ce n’est pas pour parler de ce jeu qu’il est venu à Cologne. Forcément, on a voulu en savoir davantage.
Quelle est la raison de ta présence ici, à Cologne ?
 
Il y a au moins trois raisons : en gros, je viens ici pour qu’il y ait au moins une personne de notre studio qui soit à la GDC, parce que ça nous donne accès à l’archive des conférences, et qu’il y a parfois des choses inspirantes. Et parfois des déchets, comme partout, mais je pense que c’est important qu’il y ait au moins une personne de chez nous qui vienne.
 
Ensuite, à titre personnel, j’aurais envie qu’il y ait beaucoup plus de collaboration entre studios, en tout cas dans mon corps de métier qui est le développement, et aussi la production d’outils pour aider au développement. J’ai l’impression qu’il y a encore vachement de rétention d’information à plein de niveaux dans les studios. Ça se passe de mieux en mieux, mais je trouve que tous les studios réinventent plein de trucs en interne et partagent très peu de choses. Nous, on essaie de bosser avec un autre studio, qui s’appelait HeSaw et qui s’appelle à présent Dontnod Eleven [fondé par le PDG de Dontnod mais sans aucun lien juridique avec le studio] ; on bosse sur des jeux qui ont le même moteur, qui n’ont rien à voir les uns avec les autres, pas la même taille d’équipe ni rien... mais ça fait six mois qu’on commence vraiment à faire les choses en commun, qu’on essaye de rendre nos outils plus carrés pour qu’on puisse se les échanger, que nos outils marchent chez eux, etc... et finalement, pourquoi pas le faire avec d’autres studios aussi ? Moi, je ne considère pas que l’on soit concurrents avec d’autres studios. Pour moi, c’est extrêmement important, et c’est peut-être déformé par le fait que je vienne de l’open source et de la recherche académique, mais effectivement, si on ne bosse pas sur le même jeu, on n’est pas concurrents. Je ne vois pas en quoi on devrait avoir peur de filer des informations à un studio qui fait un jeu de foot, ou un jeu de guerre, ou je ne sais quoi : on ne fait pas ce genre de jeu, alors pourquoi pas essayer de s’entraider pour gagner du temps et bosser sur des trucs vraiment intéressant, vraiment pertinents, et vraiment nouveaux ?

 
Donc, je viens aussi pour essayer de rencontrer des gens et discuter de ces sujets-là. Je ne connais en fait que très peu de développeurs hors de mon studio, puisque Dontnod est le premier studio où je suis arrivé, et le seul - et j’y suis resté parce que j’y suis extrêmement heureux. Ça fait que contrairement à d’autres gens, qui sont plus passés de studio en studio, passer deux ans à un endroit, changer d’air, trouver d’autres projets… moi je suis vraiment très très bien là où je suis, et je préfère construire au fur et à mesure une super équipe avec de super outils, et on continue à être bien à l’aise pour faire des jeux. Cette partie-là, elle est importante pour moi, et il n’y a qu’à des événements comme celui-là que je peux rencontrer d’autres développeurs ; ou alors dans des bars à Paris, mais souvent, on n’est pas en état d’échanger des informations de manière très subtile (rires).
 
C’est ton premier événement de ce type ? Tu es déjà allé à la GDC avant ?
 
La GDC, je l’ai faite l’an dernier, mais avant ça, non, jamais. Parce que, je trouve que c’est aussi un événement vachement people, avec beaucoup de pipeau aussi, de gens qui viennent juste se montrer et parler d’eux, parler de leur boîte... C’est important aussi, mais bon ; ça s’appelle Game Developers Conference, et finalement, dans “Developer” il y a un peu tout et n’importe quoi, et beaucoup de marketing quand même : ce n’est pas un univers qui m’est familier et que j’apprécie, mais j’ai eu l’occasion quand même de croiser des gens, à droite à gauche, qui ont plus mon profil, et ça c’est pas désagréable. Il y a vraiment à boire et à manger, mais je me pose la question de la rentabilité pour nous de payer un ticket pour la GDC par rapport à juste regarder les vidéos sur Internet. Je pense qu’il est important qu’il y ait au moins une personne, mais quand je vois des studios qui envoient 20 personnes de leur boîte à la GDC… J’ai croisé une équipe dont certains venaient de Vancouver au Canada, ils venaient pour la GDC, ils étaient 15 ou 20 du même studio ! Alors, y’a aussi le fait que pas mal de gens doivent vendre leurs jeux, trouver des éditeurs, etc. et c’est peut-être la meilleure occasion de networker ici, mais pour quelqu’un de plutôt technique comme moi, c’est moins pertinent.
 
Tu as mentionné une troisième raison à ta présence à la GDC, mais il me semble n’en avoir noté que deux ?
 
Il me semble l’avoir pourtant mentionnée ! (Rires hystériques*) Effectivement, toujours dans cette idée de collaborer et de partager, j’essaie moi aussi de donner des conférences quand c’est possible. J’ai fait une soumission de papier pour cette édition-là de la GDC, qui n’a pas été acceptée parce qu’il n’y avait pas de place, mais j’ai donné des confs à d’autres événements de développeurs. Mais ce n’est pas là où je voulais en venir, il y a une raison plus circonstancielle : juste avant la GDC a lieu traditionnellement une démoparty à Cologne, l’Evoke. Je baigne un peu dans la démoscene depuis presque vingt-cinq ans maintenant, et j’aime bien venir à cette petite démoparty - ok, pas si petite, il y a bien une centaine de personnes qui y vont quand même - et je me retrouve à Cologne la veille de la GDC, c’est un peu une raison de plus de venir ici.
 
Et la Gamescom ne fait pas partie de ces raisons ?
 
Alors non, la Gamescom c’est pas pour moi ! (rires**) J’irai pour voir, mais alors, je ne partage pas du tout l’enthousiasme que peuvent montrer certains à aller à la Gamescom voir les nouveautés, moi ça me passe complètement au-dessus, je ne suis pas spécialement fanboy de quoi que ce soit… non, la Gamescom, ce n’est pas pour moi. Par contre, ça m’a fait hyper plaisir d’être à la Gamescom l’an dernier, parce qu’on était pas nombreux de Dontnod, tous les épisodes de Life is Strange n’étaient pas encore sortis, et ça m’a fait extrêmement plaisir de croiser les fans. Y’avait des cosplayers, des cosplayeuses, on croisait des gens qui étaient tellement émus de nous rencontrer, alors que nous n’étions pas les principaux créateurs - moi je suis développeur, y’avait un type de la QA, un animateur… ils nous croisaient, ils voyaient nos T-shirts Dontnod, ils étaient tellement émus que ça les faisait chialer de nous parler ! C’est vachement touchant, et rien que pour ce petit contact, je me suis dit OK, ça valait le coup de venir… mais c’est éprouvant, en fait. Y’a trop de monde, c’est la foire au merchandising et à la pub, et je sais bien qu’il faut que nos jeux se vendent pour qu’on vive, mais je ne fais pas du jeu vidéo pour vendre ; je fais du jeu vidéo pour toucher des gens, leur faire plaisir, et pour le coup c’est un truc qu’on a plutôt bien réussi avec Life is Strange. Je suis content !
 
As-tu bon espoir de revenir ici évoquer tes réflexions sur le partage de connaissances dans le développement de JV ? Genre arriver à la GDC 2017 et en parler dans une conférence, ça te paraît envisageable ?
 
Ouais ouais, c’est un travail de longue haleine, il faut trouver les bons interlocuteurs… Parce que je pense que typiquement, quand tu remontes trop haut dans la hiérarchie pour essayer de communiquer avec d’autres studios, au bout d’un moment ça bloque parce qu’ils ne voient pas l’intérêt. Alors je préfère essayer de trouver des manières détournées, plus “sous-marines”, de croiser d’autres gens ; et croiser des chercheurs ou des conférenciers ici, ça marche vachement mieux que d'essayer de faire un meeting officiel… enfin ça, ça n’arrivera jamais. J’imagine pas qu’on fasse un meeting officiel avec des responsables de plusieurs corps de métiers entre studios… Il faut le faire un peu en sous-marin.
 
Mais au moins, défendre l’idée et la mettre sur la table, c’est ce que tu vas essayer de faire ?
 
Voilà, complètement. Réutiliser des idées de collaboration et d’innovation, comment dirais-je, “collective”, que j’ai pu voir dans d’autres modes de développement, et les réutiliser dans le jeu vidéo. Je ne dis pas que ça n’existe pas déjà, c’est juste que je le vois trop peu et que j’aimerais bien aider à ce que ça arrive plus souvent.
 
*en fait non, on a juste enchaîné
** ça c’est vrai par contre
Rechercher sur Factornews