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ARTICLE

[Bidule à la bourre] Football Manager 2017

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
Avec son développement lent et incrémental, difficile de distinguer un épisode de Football Manager de celui qui le précède. Par extension, difficile d'écrire sur les jeux sans être redondant et ennuyeux. Ces deux dernières années, nous avons contourné le problème en laissant libre cours à notre créativité. Pour le millésime 2017, les choses se sont avérées plus compliquées. On a finit par pondre quelque chose, une nouvelle fois très éloigné du jeu en lui-même. Si vous n'êtes cependant pas intéressé par nos bêtises, vous trouverez en conclusion un avis synthétique.
« Vous êtes en retard. »
C’était presque déprimant de se faire houspiller après toute une journée de marche. Il avait suivi la route depuis l’aube, une belle route large, bien droite et parfaitement plane, dont le bitume neuf et sombre tranchait avec le vert pâle de l’immense prairie. Et tandis que le soleil déclinait, menaçant de passer à tout instant derrière les lointaines et colossales montagnes qui ceinturaient entièrement la zone, la route avait enfin cessé d’être droite. Deux tronçons la rejoignaient, créant une patte d’oie parfaitement symétrique. Et au milieu de ce croisement, une pierre, d’à peine un mètre, ressemblant furieusement à une borne kilométrique. Un texte noir s’y gravait au fur et à mesure que son regard en parcourait la surface lisse.
« Vous êtes en retard. Et pas de quelques minutes ni même de quelques heures, jeune homme. Six mois ! Et encore, je vous laisse trois mois de marge, vu que c’est le temps que vous aviez mis pour arriver jusqu’au Club la dernière fois. Neuf mois que je poireaute, neuf ! »
Jean-Eudes détourna le regard le temps de s’asseoir sur le goudron. Quitte à se faire engueuler, autant se mettre à l’aise le temps que l’orage passe. Après un soupir, il remit la borne dans son champ de vision. Le flot d’onomatopées qui cherchait à capturer son attention s’interrompit, immédiatement remplacé par :
« Non mais dis-le si je t’emmerde. Hallucinant. Bref. Voici les règles :
  1. Tu dois choisir une route.
  2. Chaque route est différente des deux autres.
  3. Toutes les routes te mèneront au même point.
  4. Si la route ne te plaît pas, tu peux rebrousser chemin jusqu’à moi et en choisir une autre. »
Jean-Eudes scruta la pierre pour voir apparaître plus de précisions, mais rien. Enfin si, au bout d’une ou deux minutes :
« Pas la peine de me regarder comme ça. Allez. Choisis une route. Allez ! »



Jean-Eudes pris donc tout droit. A peine eu-t-il dépassé la borne que la nuit tomba. Il avança un peu, marchant quelques minutes avant de tomber de fatigue et de s’allonger sur le sol.  Mais à l’aube, quand il se leva et regarda derrière lui pour évaluer la faible distance parcourue la veille au soir, il ne vit plus le carrefour ni la borne. Rien non plus sur les côtés : là où il aurait pu espérer voir les deux autres routes (et estimer si elles étaient meilleures), seul un océan d’herbes hautes ondulait paisiblement. Tant pis. Il reprit sa marche avec un entrain nourri par sa curiosité : qu’allait-il trouver plus loin. Son enthousiasme déclina progressivement, tandis que défilait le même décor que lors de sa longue marche de la veille. Toujours le noir du bitume sous ses pieds, le vert de la prairie devant ses yeux, les montagnes pour seul horizon, et toujours tout droit, tout droit, tout droit. Au crépuscule, l’évidence finit par frapper, sèche et violente : rien n’avait changé, rien ne changeait, et rien n’allait changer. Ce n’était pas désagréable à proprement parler : chaque pas était facile à faire. Mais perdu au milieu de ce paysage infini, il n’y avait aucune différence entre avancer et rester immobile. Un constat fort déprimant qui le poussa à se rappeler des règles. C’était décidé : puisque les autres routes étaient différentes, qu’elles menaient au même point et qu’il pouvait revenir en arrière, autant essayer un autre chemin plus amusant.  Il fit demi-tour… et trébucha sur la borne. Perplexe, il la contourna pour en regarder la surface. Les phrases précédentes étaient toujours là. De nouveaux mots s’inscrivirent.
« Alors, on a abandonné ? C’était trop dur ?
- Non, répliqua sèchement Jean-Eudes, toujours perplexe. C’était même relativement facile. Mais je connaissais déjà le chemin par cœur. Je me suis lassé.
- Oh. Dans ce cas, choisis-en une autre. Elle te mènera au même point. »



Va pour la gauche, après une nuit de repos. Et effectivement, la route fût différente. Un peu plus étroite, le revêtement légèrement abîmé tirant vers le gris. Et il lui fallut un moment pour s’en apercevoir, mais elle montait tout doucement. La pente devait être relativement faible, mais elle était là, fatiguant ses mollets plus vite que l’impeccable platitude de la veille. Mais à la fin de la journée, subsistait une question : c’est tout ? Un chemin à peine différent, à peine plus difficile, c’était ça l’alternative ? La nuit n’apporta pas de réponse, mais une journée de marche supplémentaire, si : il n’y avait guère de différence avec son premier choix, et il décida de revenir sur ses pas. Comme lors de la première fois, le retour à la borne fût instantané. Jean-Eudes ne lui jeta même pas un regard et s’engouffra immédiatement dans la voie de droite.

Enfin, c’était du sport. Il voulait avancer dans la nuit, fébrile de découvrir s’il avait encore été dupé. Il renonça vite tant il trébuchait et abandonna jusqu’à l’aube. A peine plus large qu’un trottoir, alternant montées sévères et pentes dangereuses, au revêtement si usé qu’il avait par endroit disparu, laissant apparaître des trous dangereux pour les chevilles… La route offrait un challenge, ce qu’il cherchait. Les premiers jours le laissèrent fourbu, mais heureux. Au bout d’une semaine, le doute s’instilla. Il progressait de plus en plus facilement. Il avait apprivoisé les difficultés, qui lui semblaient désormais banales. Pire : bien que s’enchaînant de façon aléatoire, les obstacles n’étaient pas si nombreux, et il pouvait les anticiper, définir une stratégie optimale sans même y penser. Au dixième jour, il se dit qu’il s’ennuyait à nouveau. Au onzième jour germa l’idée de rebrousser chemin pour engueuler la borne. Ne pouvait-elle faire mieux que ça pour le distraire ? Au milieu du douzième jour, maugréant de fureur depuis l’aube, il finit par se retourner sans même penser à tout le chemin parcouru jusqu’alors et qu’il allait gâcher. Seul comptait ce foutu caillou.



Même cause, mêmes effets : peu importe la distance théorique, il se retrouva instantanément au carrefour. Il se planta face à la borne, dont la façade était redevenue vierge, et lui cracha un long chapelet d’insultes. Pour toute réponse se grava une nouvelle phrase.
« Je ne t’ai pas menti. »
Loin de se calmer, Jean-Eudes retira une bordée d’injures. Il finit par se lasser et s’assit sans lâcher la pierre des yeux. Elle reprit.
« Je ne t’ai pas menti. Chaque route t’a mené au même point. »
Sa rage était passée, son cerveau se remettait doucement en marche. Le même point… C’était vrai. A chaque fois, il avait marché longtemps, avant d’abandonner et de retenter sa chance. Après un long moment d’apathie physique et d’intense réflexion intellectuelle, Jean-Eudes posa alors la seule question valable, celle qu’il aurait dû poser en premier, avant de choisir n’importe quelle direction.
« Ces routes ont-elles une fin ? »
Sans pitié, la borne répondit immédiatement.
« Elles, non. Mais toi… »

Il aurait pu s’en douter. Il avait été stupide. Bien sûr que la route n’avait pas de fin. Elle continuerait à se construire sous ses pas, identique et agréable, sans changer de manière perceptible. S’il la suivait, rien ne changerait vraiment. Une poignée de modifications pouvait l’encourager à avancer un peu plus en titillant sa curiosité ou en lui offrant un challenge temporaire, mais il en arriverait au même point : la lassitude, puis l’abandon. Il jeta un œil aux alentours. La plaine semblait aussi monotone que la route, et les montagnes presque identiques entre elles. Mais que risquait-il ? Le soleil se coucha au moment où il arrêta sa décision. Il quitta la route, et se mit à marcher dans l’herbe, au hasard de la nuit. Peut-être atteindrait-il les montagnes avant l’aube. Ou le jour d’après.
Avec l’introduction d’un Brexit aléatoire aux trois issues possibles (pas de Brexit, Brexit léger et Brexit total), Football Manager introduit une dose d’aléatoire vis-à-vis du championnat anglais et de ses législations particulières (permis de travail, notamment). Amusant, mais toutes les autres modifications (bases de données, moteur 3D, simulation de réseaux sociaux, rééquilibrage des niveaux des joueurs...) restent marginales, comme chaque année. FM will be FM, c'est-à-dire un jeu dans lequel on replonge autant par habitude décérébrée que par plaisir réel.  Quant à nous, il est plus que temps de dire au revoir à ce pauvre Jean-Eudes dont on a beaucoup trop abusé, et probablement aux tests de Football Manager. A moins qu’on ait d’autres idées « brillantes » pour les rendre intéressants.
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