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Baby Assassins : and they were roommates
C’est encore moi pour encore plus de cinéma. J’ai deux amours dans les salles sombres, la science-fiction et les meufs vénères qui tapent très fort sur les gens. Je suis déjà venue la dernière fois avec de la SF pas super facile d’accès et un article qui sentait un peu la masturbation intellectuelle. Aujourd’hui, je reviens avec l’opposé : on est là pour du fun et de l’action ! Cette fois, je viens vous parler de la trilogie Baby Assassins.
Baby assassins est une série de trois films (et une série TV) japonais dont le dernier opus (Baby Assassins: Nice Days) est sorti en 2024. Elle montre deux assassines professionnelles qui sont forcées de vivre ensemble puis qui deviennent très liées l’une à l’autre. Ce sont des films à tout petit budget, avec un grand amour pour la cascade. Suffisamment petit budget pour que les actrices soient aussi cascadeuses. Celles-ci sont pour le moins inconnues, sauf peut-être si vous connaissez par cœur les crédits de John Wick 4, auquel cas Saori Izawa pourrait vous rappeler un truc.
Même si j’ai commencé l’article en mentionnant ces trois films, la suite va les traiter à part, car les trois ont des qualités qui leur sont propres. Je n'aborderai pas la série TV qui n’a jamais eu de sous-titres (et ma compréhension du japonais est ridiculement limitée).
Le premier Baby Assassins est probablement le plus spécial des trois. D'abord parce qu'il y a erreur sur la marchandise : les scènes de combat sont très rares, suffisamment pour que la majorité se retrouvent dans la bande-annonce. C’est d’ailleurs pour ça que je vais vous demander de l’éviter autant que possible. Elles sont rares, mais jouissives. Entre le style nonchalant d'Akari Takaishi (qui joue le personnage de Chisato) et surtout la sorte de chaos contrôlé incarné par Saori Izawa (qui joue Mahiro), le film présente une action que je n’ai jamais vue ailleurs. Loin des poids lourds qui tapent dur qu’on voit souvent dans les films américains, mais aussi relativement détachée de l’art du mouvement des métrages chinois. Je vais particulièrement appuyer le travail de Saori parce que les chorégraphies ont tendance à jouer de sa petite taille et de son énergie débordante. J’en veux pour exemple la première scène de Baby Assassins où elle se fait beaucoup attraper et soulever. Le film trouve une voie bien à lui qui fait aussi sens avec ses personnages. Cela dit, j'évoquerai les combats plus tard puisque, comme je le disais ci-dessus, l’intérêt du premier métrage est ailleurs.
Celui-ci démarre alors que nos deux protagonistes sortent fraîchement de l’école et que l’agence d’assassins qui les emploie leur demande de trouver un petit boulot, tout en leur imposant de vivre ensemble. Là ou j’ai été surprise, c’est de voir le film soudainement se mettre à présenter des assassins si efficaces que les assassinats eux-mêmes en deviennent une formalité. Du reste, les personnages sont très gauches et inadaptés en dehors de leurs activités professionnelles. Sans trop en révéler, le film va s’aventurer vers des thématiques qui auraient plus leur place dans des drames que des comédies d’action. Il évoque notamment la honte sous différentes formes, ce qui vous parlera si vous avez du bagage sur les mécanismes de pression sociale exercés envers certains groupes sociaux. Il aborde ensuite d'autres thématiques que je n'ai pas vu venir. Cela étant, il ne faut pas se méprendre sur la tonalité du film qui contient une dose plutôt généreuse de comédie.
La suite, nommée Baby Assassins 2: Babies, fonce tête baissée dans un genre abordé dans le premier Baby Assassins : la buddy comedy. Elle est aussi plus facile à regarder du fait qu’elle évite les thèmes mentionnés plus haut. D’une certaine façon, c'est aussi l’épisode que j’aime le moins parce qu'il me donne l’impression d’être une suite qui joue la sécurité en mettant des pièces dans les parties qui ont marché dans le premier opus et qui étaient faciles à reproduire. Le genre de petit film fun qui fera un bon vendredi soir.

Par contre, le troisième épisode, Baby Assassins: Nice Days se détache beaucoup des deux précédents. Il est déjà beaucoup plus dense en action que les deux premiers et cela pour une raison particulière. Là où dans les précédents, les protagonistes se trouvaient rarement en difficulté (ce qui était utilisé de manière humoristique, mais aussi pour faire un pas de côté et parler d’autre chose), le film introduit un antagoniste montré comme supérieur.
Ce postulat, qui s’entremêle avec le travail dangereux d'assassin et l’amour que les deux personnages ont l'un pour l'autre, crée très vite une pression et un sens du dénouement. Quelque chose de lugubre, souligné jusqu'à certaines affiches qui changent des amies sur fond de couleurs vives et qui vient chercher tout autre chose. Les scènes de combat y sont beaucoup plus présentes et longues et apportent surtout une charge émotionnelle plus prononcée. D’une certaine façon, cet opus vient miner le substrat d’or posé par les précédents films avec ces longs moments de “slice of life” sur lesquels s'est construite cette relation. Tout ici contribue à parfaire une pièce d’orfèvrerie faite avec le cœur et à laquelle on s’est tant attaché et cela participe en même temps de notre peur face à ce qui pourrait arriver à chaque mise en danger des protagonistes.
Ce troisième film part de cette relation vécue et qu’on a admis comme indéfaisable dans les deux précédents épisodes, puis il se met, par bien des façons, à toucher à un cœur thématique qui traversait la série sans l'évoquer directement. Il est très difficile d'en parler sans tomber dans la niaiserie un peu simpliste et les mots ne rendraient pas justice à quelque chose d’aussi simple, mais si fort. Cela dit, ce cœur niais dans un genre qui s'est construit sur ces légendes de loup solitaires Hard Boiled-sigma-mâle place la série entière en miroir de cette vision du guerrier. Cette imagerie dont Baby Assassins (et surtout le troisième) prend le contre-pied donnerait presque envie de faire un essai de deux heures de sur-analyse de l'oeuvre.

J’aimerais ici jouer du superlatif pour décrire ce sac d’émotions, mais je sais que ce n’est jamais trop utile pour vous lecteurs et lectrices pour vous projeter. Je vais donc seulement me contenter de dire qu’il s’est hissé quelque part très haut dans mes films d’action préférés, toutes catégories et époques confondues.
Comme cet article est à mi-chemin entre la déclaration d’amour et la volonté de vous donner envie de découvrir cette petite chose un peu cachée, je vais m’abstenir d’aller plus loin dans les détails. Je vais donc clore en précisant que d'autres thématiques surviennent en filigrane... La trilogie des films Baby Assassins est disponible sur FilmoTV. Les deux premiers sont aussi disponibles en Blu-ray Zone A (mais compatibles avec les lecteurs européens, c’est cette version que j’ai). J'attends avec impatience que Nice Days sorte dans sa version Blu-ray occidentale. Cela étant, ces Blu-ray sont très chiches en bonus. La légende dit qu’il existe un documentaire Documentary of Baby Assassins quelque part dans cet univers pour gratter cette démangeaison, mais à ce jour, je n’ai pas réussi à mettre la main dessus.