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Un Rédacteur Factornews vous demande :

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Tetris: The Grand Master 4 – Absolute Eye, première partie : les origines

PetitPrince par PetitPrince,  email
 
Tetris: The Grand Master 4 - Absolute Eye est un jeu miraculé à plein d'égards. Annulé deux fois mais ré-annoncé par surprise en décembre dernier, et allant à contre-courant d'une maison-mère qui semble préférer focaliser son attention ailleurs, c'est un titre qui dispose d'un gameplay tout aussi riche que son histoire ne l'est en rebondissements.

NdCBL : c'est le premier article de PetitPrince qui rejoint l'équipe en tant qu'invité. Ce qui a commencé comme un test de TGM4 est devenu un dossier de 34 pages sur Google Docs. On va donc le publier en plusieurs parties.
Si j'ai appris une chose à force de traîner sur Internet, c'est qu'il y a des spécialistes pour tout et n'importe quoi. Identifier des billes de collection, aiguiser un couteau, nouer ses lacets... La liste est longue , inépuisable, et tout le monde peut tomber dans un puits sans fond sans crier gare. Celui dans lequel je suis tombé depuis à peu près une vingtaine d'années, c'est Tetris. J'ai été présent de près ou de loin dans la communauté occidentale, depuis ses presque débuts dans des forums de discussion phpBB, jusqu’au Discord actuel lié au leaderboard theabsolute.plus. Aussi, je pense avoir une position toute particulière pour vous parler de ce curieux objet vidéoludique qu'est Tetris: The Grand Master 4 - Absolute Eye, qu'on va se dépêcher d'accronymiser en TGM4 parce que ce dossier est déjà bien assez long comme ça.

Mais si vous êtes pressé, mon avis sur TGM4 c’est :
  • Oui c'est un bon jeu, et il mérite ses 35 eurofranllars.
  • Non, ce n'est pas réservé à un frange hardcore de stakhanovistes furieux (et je dirais même que ça a toujours été un Tetris abordable pour n'importe quel joueur). 
  • Non, il n'y a pas besoin d'avoir poncé les trois précédent volets pour s'y mettre.
Mais pour ceux qui veulent aller plus loin, je disais dans le chapô que son histoire est longue et tortueuse (avec du drama, de la politique, du capitalisme et du Japon). Et pour bien la comprendre, je pense qu'il faut bien saisir le jeu en lui-même.

Je vais donc passer un moment pour vous raconter le pourquoi du comment de la série Tetris: The Grand Master (ou TGM), ses origines, ses particularités, sa fanbase, avant de décortiquer le jeu en lui-même. Prenez une boisson chaude, installez-vous confortablement, mettez une pièce dans le monnayeur et appuyez sur StartREADY? GO!

I. Sega (Tetris), c’est plus fort que toi

Tetris: The Grand Master (ou TGM) est une série de variantes de Tetris sorties en salle d'arcade et jusqu'à tout récemment exclusives au Japon. Si on devait me demander, la force de la série TGM, c'est son game design concis qui vise un but bien précis : pousser le joueur à aller le plus vite possible. Ce principe directeur vient de la nature arcade de la série. En effet, les jeux se présentent comme des descendants de la version arcade de Sega de Tetris et en reprennent les bases.

Pour rappel, dans les années 90, les jeux d'arcade représentaient le fleuron du jeu vidéo. Les consoles n'étaient que des ersatz de ce qu'on pouvait trouver dans les salles, et le terme arcade perfect était un gage de qualité pour tout portage ou adaptation. Mais le monde de l'arcade était impitoyable et les rotations de jeu fréquentes dès lors qu'un titre n'était pas assez rentable pour l'opérateur de la salle.

Dans ce contexte, le Tetris de Sega (Segatet) fait office d'ovni de popularité et de longévité. Presque dix ans après sa sortie, il est toujours dans le top 25 alors que la durée de vie moyenne d'un titre est de six mois. C'est comparable à la longévité de Skyrim ou de GTA V pour nous, et tout ça sans mod ni lootbox pour le maintenir en vie. Ce carton monstre a marqué durablement toute une génération de joueurs. J’en veux pour preuve que quand Sakurai fait référence à Tetris pour la première fois sur sa chaîne YouTube, c'est cette version qu'il montre et non pas la mouture Game Boy ou Nintendo. De même, Mizuguchi mentionne beaucoup cette version lorsqu'il parle de Lumines ou de Tetris Effect.
 

À gauche : Sega Tetris élu jeu favori des lecteurs dans le magazine Gamest, numéro 41 (février 1990). Au centre : dans le magazine Game Machine, numéro 372, janvier 1990. À droite: Sega Tetris en lui-même.

Qu'est-ce qui rend Segatet si bien ? En vrai, je ne sais pas trop. Probablement une combinaison d'effets fondateurs et de simple disponibilité (les jeux d'arcade sont plus populaires et accessibles que les ordinateurs à l’époque). Mais ce qui est sûr, c'est que ça a servi de base pour TGM.

II. Les secrets des Grands Maîtres


En particulier, il y a un élément de gameplay présent dans ce Sega Tetris qui a été repris, magnifié, et qui sert à merveille le postulat de départ mentionné plus haut (forcer le joueur à jouer super vite) : le lock delay. Petit détour technique  pour vous expliquer ce terme du jargon : il désigne le fait de pouvoir glisser la pièce de côté même si elle touche le sol.

Ça donne une plus grand viabilité au jeu lorsque les pièces tombent vite et, par conséquent, il y n’a pas de killscreen comme on peut l'observer par exemple sur Tetris NES. L'idée de génie qu'ont eu les développeurs par la suite*, c'est de se rendre compte qu'avec ça, on peut augmenter la vitesse des pièces jusqu'à l'extrême. Et par "extrême", je veux dire que les pièces ne tombent plus du plafond mais apparaissent directement au sol. Dans le jargon, on appelle ça "20G".

*Ok, techniquement le dojin TETRIS SEMIPRO-68k (alias Shimizu Tetris) sur Sharp X68000 avait déjà une implémentation, mais c'est un jeu amateur, pas une sortie officielle.
 

Lock delay tel que montré dans l’attract mode de TGM1.


L'effet de ce duo de mécanique (20G + lock delay), c'est une recontextualisation totale du jeu. On a l'apparition d'un véritable nouveau jeu dans le jeu. C'est "le même" titre avec des stratégies similaires (par exemple, faire des trous, c'est mal), mais la réduction drastique de la mobilité des pièces rend le problème infiniment plus intéressant. Tetris sans gravité est relativement facile (surtout avec un distributeur de pièces qui garantit une régularité dans leur distribution : on évite de manquer de I et on n'est pas submergé par une séquence de sz). Mais en 20G, il faut non seulement penser au placement de la pièce présente et de celles qui suivent, mais également de leur mobilité. Combiné au temps de réflexion très limité, on arrive facilement à des actions et des temps de réaction qui nécessitent des réflexes rivalisant avec ceux requis dans les jeux de combat.
 

Différentes manière de réfléchir au placement d'une pièce.

Si ce duo permet de recontextualiser le jeu, TGM va plus loin et ajoute d'autres éléments qui rendent le titre en 20G plus viable, sans pour autant réduire le défi, comme avec les wallkicks, qui consistent à faire faire une rotation à une pièce collée contre un mur où une autre le fait bouger. On peut aussi noter des petits détails comme la bordure blanche des pièces verrouillées, ou bien encore le fait que la fenêtre de la prochaine pièce distribuée soit située directement en haut de l'aire de jeu et alignée sur celle-ci, ce qui fait qu'on considère subliminalement cette pièce comme faisant déjà partie du jeu. Bref, une accumulation de petites choses qui sont toutes au service de la vitesse.

Pour couronner le tout, il y a la carotte pour motiver les joueurs, Arika ayant fait le choix de simplifier la comparaison entre eux. Au lieu de regarder un score plutôt abstrait (et qui était d’ailleurs régulièrement maxé à 99 999 sur Segatet), le jeu assigne un “grade”. 

Tous les grades.

Ces grades progressent de manière similaire à des ceintures d'arts martiaux et partagent leur comptage avec le système kyu/dan, en allant de 9 à 1, puis de S1 à S9, ce qui permet de rapidement situer le niveau de quelqu'un, un peu comme avec les notes et trophées de Devil May Cry ou Bayonetta, mais étendu au niveau de la partie entière plutôt que limité à un seul affrontement niveau.

Au départ, ce système consistait en un simple comptage des points, mais il s'est complexifié dans les épisodes suivants. Et ce n’est pas bête, car les points sont une mesure utile, mais ils donnent un tableau incomplet du joueur. Par exemple, si ce dernier a 10 400 points, est-ce que parce qu’il a survécu plus longtemps ou qu’il a fait plus de Tetris ? Ce sont des considérations qu’un système de grades peut refléter alors qu’un simple high score le fait plus difficilement.

Et d’ailleurs, le dernier grade (Gm) a une condition (en plus des points) qui est cruciale à la philosophie de TGM : une contrainte de temps. Avec suffisamment de points et en terminant le jeu plus rapidement que 13 minutes et 30 secondes, on obtient le fameux grade Gm. Mais on peut encore aller plus loin et jouer au temps. Le chrono omniprésent au bas de l’aire de jeu est un autre indice de cette orientation du game design

TGM dans son ensemble est un titre remarquablement concis, dont chaque mécanique est ré-utilisée et ré-interprétée tout au long du jeu, aussi bien au début où il faut bien réfléchir à ses placements qu'à la fin, où le côté survie prend une plus grande place. Au risque d'utiliser un mème surexploité, le terme "Dark Souls de Tetris" n'est pas si idiot que ça, car chaque décision a un impact lourd sur le reste du jeu, tout comme chaque attaque de Dark Souls doit être délicatement jugée parce qu'on ne peut pas interrompre l'animation comme dans un Mario, Assassin's Creed ou God of War.

Ce qui ne veut pas dire que TGM1 était parfait. Les débuts de partie étaient terriblement lents comparés au reste de la série, et on peut encore pousser la recherche de vitesse plus loin. Et c'est précisément ce que les suites ont développé et étendu.



Rappelez-vous de la ligne directrice : pousser le joueur à aller le plus vite possible. Pour aller plus loin, TGM2 s'est rendu compte que le lock delay lui-même pouvait être réduit. Pour TGM3, on a vu l’apparition d'autres mécanismes qui permettent de rendre possible un jeu qui flirte avec les limites des temps de réaction humains, notamment grâce à une vision du futur étendue et un hold qui permet de conserver une pièce en cas de coup dur. 

Le système de grades a été revu et on n'est pas loin mécaniquement de la jauge de stylish de DMC, avec une jauge à remplir qui permet de passer d'un palier à un autre. Visuellement, on a les mêmes grades que dans TGM1 (9 à 1, S1 à S9, Gm), mais avec des conditions plus complexes pour obtenir le grade Gm. Comme expliqué plus haut, ça permet de récompenser autre chose que des points purs (et en l’occurence, ça force les meilleurs joueurs à être constants dans leur performance tout au long de la partie). Dans TGM3, il y a même un système de compte et de suivi du joueur qui récompense la régularité dans la performance (le jeu fait une moyenne des sept dernières parties et propose un "examen" pour pouvoir se "qualifier" à un grade).

Pour moi, TGM3 représente l'apogée des objectifs fixés par le premier TGM. Ce n'est pas mon TGM préféré et je lui préfère le 2 qui est un peu plus posé et moins frénétique que le 3, mais en terme de game design, je ne pense pas qu'on puisse pousser le joueur plus loin.
 

Vidéo promotionnelle d’Arika montrant Jin8 efffectuer pour la première fois un grade Gm dans TGM3.
TGM3 est sorti en février 2005 et TGM4 en avril 2025. Que s'est-il passé pour qu'une suite prenne 20 ans à sortir ? Je parlais plus tôt de drame et qualifiais ce jeu de miraculé. En effet, c'est un titre dont les prémices ont été imaginées en 2009 et qui a été annulé deux fois ! Le pourquoi du comment du quand on va faire une grosse parenthèse pour parler de la Tetris Company.
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