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Firmament : vers l'infini mais pas au-delà

Laurent par Laurent,  email
Développeur / Editeur : Cyan Worlds
Supports : PC / Mac / VR
Je dois vous avouer un truc : J'ai un faible pour les jeux Cyan. Pour certains ce sont les jeux Nintendo, pour d'autres les FromSoftware. Moi ce sont les Cyan. A chaque fois que je vois leurs décors, leurs architectures et l'esthétique des mécanismes, je suis irrésistiblement attiré. J'étais même déjà là quand le premier Myst est sorti chez Brøderbund il y a 30 ans. On me le décrivait alors comme le Dark Souls du jeu d'énigme, même si Dark Souls n'existait pas encore. Et puis quand je l'ai enfin eu, je l'ai plié en quelques jours. En est resté une certaine fierté, mais aussi une certaine déception. Exactement comme maintenant, après avoir fini Firmament.

A l'aventure, compagnons

Firmament nous fait commencer l'aventure dans une pièce en béton brut, peu éclairée, à côté d'un sarcophage steampunk capitonné ouvert et fumant. Une femme en 3D apparait assise dans un fauteuil proche dans la plus pure tradition des Myst sous forme éthérée, Elle nous dit qu'on vient de naitre et qu'elle est morte, qu'on est un gardien sans mémoire comme tous les autres et qu'elle va nous mentir mais nous enseigner le nécessaire. Puis elle nous montre l'Assistant - qui en language normal serait appelé grappin magnétique - en nous disant que ça devrait nous aider.

On découvre alors que notre grappin magnétique permet d'actionner des serrures électroniques à distance qui vont tantot ouvrir/fermer, tantot faire monter/descendre, tantot choisir une destination, et tantôt devenir pénibles à utiliser.
Mais tout le jeu va nécessiter d'utiliser ce système de contrôle, donc on va bien devoir s'y habituer.



Apres 2 serrures et un livre sur l'assistant, on actionne la dernière serrure, et tout le bâtiment se soulève à hauteur d'un surplomb rocheux. Devant nous s'étale à perte de vue un massif montagneux enneigé parcouru de nuages vaporeux, et derrière nous un flanc de montagne abrupte d'où sort une cascade gelée. Et on se rappelle que c'est pour ça qu'on joue à des jeux Cyan : Une mise en image impressionnante et on s'imagine que la même scène en VR (que le jeu propose aussi) doit valoir le coup d'oeil.

Passé le moment de grâce, il est temps de prendre le chemin qui remonte derrière nous jusqu'à un embranchement qui, oh surprise, se retrouve d'un coté coupé par quelques mètres de vide et de l'autre mène à une tour metallique où passe un rail de transport aerien sur lequel repose une pince mécanique roulante. Une invitation claire à découvrir notre première énigme.

BioShock-lite

On peut à tout le moins reconnaitre aux jeux Cyan de toujours nous flatter la rétine en terme d'esthétique. Les paysages dépeints sont superbes, les bâtiments ont une architecture Art Déco étudiée et les lieux invitent à l'exploration. Les mécanismes rencontrés ont toujours du style et cette apparence d'objets très "physiques" qu'ont dirait avoir été créés par un horloger suisse qui en aurait eu marre de faire des petites montres et aurait voulu se mettre à faire des serrures, des portes, des meubles, des pièces ou même des bâtimenst complets.



Passé notre première énigme, on arrive ainsi rapidement au Cygne - qu'en language normal en appellerait un hub - et qui en plus d'avoir un plafond en forme de voute étoilée en laiton du meilleur gôut, permettra de rejoindre les trois mondes à notre disposition.

On y découvre aussi un univers feutré et doré pas aussi idylique que la neige pure et blanche des premiers instants nous aurait fait croire, bien que les phrases de propagande annoncées au micro toutes les 10 minutes auraient pu être un indice "Nous sommes les gardiens", "Nous sommes unis", "nous comprenons". Eux, peut-être, mais nous pas. On est seul, on ne garde rien et on ne comprend pas grand chose. Notre femme mystère devenue un nuage gris avec des pulsations vertes quand elle s'exprime dans le coin gauche de notre écran nous parle de façon hachée, avec un drôle d'accent (russe ?), de ces Gardiens, certains éveillés et d'autres endormis, qui ont toujours existé mais qui ont bien sûr disparu.
Bref, c'est le flou, et n'espérez pas y voir beaucoup plus clair avant très longtemps. 

La bonne vieille recette

Firmament va donc nous faire aller d'énigme en énigme, entrecoupées de courts voyages en monorail, comme tout bon Myst-like qui se respecte et ce sur les 3 mondes disponibles dès le début: le monde de glace, le monde tropical et le monde verdoyant. Chaque monde demandera de rejoindre son arche, un batiment immense mais malheureusement assez vide qui a malgré tout son utilité.

Il s'agit cependant et comme de coutume de mondes miniatures. Ici, pas de monde ouvert, le chemin est assez linéaire, les énigmes étant successives et on n'a aucun risque de se perdre. Il n'y a pas d'inventaire et donc pas d'objets à récupérer et les éléments des énigmes sont assez regroupés pour qu'on n'ait pas à faire d'aller-retours afin de presser un bouton d'un côté de la carte pour ouvrir une porte à l'autre bout. Un ajout bienvenu est le déblocage fréquent de raccourcis pour traverser plus vite dans les niveaux mais vu la petitesse de ceux-ci, ça n'a pas le même impact que dans un Souls.



Quant aux énigmes elles-mêmes, elles sont pour la plupart assez lisibles, moins cryptiques que par le passé et demanderont certes quelques efforts mais sans nous laisser perdus trop longtemps à essayer de comprendre ce qu'on nous demande de faire.
Et c'est plutôt le problème de Firmament : Cyan ayant appris de ses échecs passés, ils ont naturellement réduit l'ambition et la complexité de leurs nouveaux titres au point qu'on se retrouve avec un jeu presque intimiste dont la poignée d'énigmes par monde constituera finalement un obstacle assez court, une petite dizaine d'heure tout au plus, pour tout explorateur un peu expérimenté.

Fir m'a menti

Une ambition réduite donc mais qui malheureusement n'est pas synonyme d'expérience mieux maitrisée. En effet, les problèmes pullulent, comme une traduction faiblarde, à commencer par des boutons d'ascenceurs étiquetés "réduire" et "élever" au lieu de "descendre" et "monter", des contre-sens aussi, et des termes commes "éveillez l'étreinte" (toujours mieux que "engagez l'embrassade" si la traduction était littérale remarquez). Et c'est avec ce genre de termes que le jeu voudrait jouer de double-sens dans sa narration pour garder un suspense sur son histoire...



Les contrôles non plus ne sont pas très agréables. Au pad, le grappin se manipule à la gachette droite + boutons avant pour changer de type d'action et le D-pad pour effectuer le choix. Au clavier-souris, le QWERTY est obligatoire et on doit maintenir le clic gauche pour viser puis le relacher pour lancer le grappin. A et E permettent de valider l'action, plus tabulation ou la molette pour changer de type d'actions, car l'interface des serrures fait qu'on n'a jamais que 2 choix possibles. il faut donc switcher d'une paire d'option à une autre quand on veut manier la longueur de la flêche ET le treuil d'une grue par exemple.

Allez, un bon point quand même à ce système puisque même le grappin enclenché, on peut encore contrôler notre personnage et notre vue pour mieux observer autours de nous les conséquences de nos actions et ça c'est bien.
L'autre bonne chose coté maniabilité c'est qu'on peut courir et même avoir la course par défaut, mais non, on ne peut toujours pas sauter. En 2023. Vraiment. 

Accroche-toi au grappin, j'enlève l'échelle

Dans la liste des autres griefs, on mentionnera l'interface principale du jeu, recopiée telle quelle de Myst 2020 et qui rappellera aux vieux comme moi les menus des DVD de naguère avec leur grosse police détourée et pixelisée par dessus un fond animé en boucle.

On repassera aussi pour les options graphiques avec pour choix soit le FSR 1.0 soit rien (et apparemment un DLSS pour les fortunés) dans les options graphiques pour fluidifier un peu une expérience dont le framerate oscillera fortement rien qu'en se déplaçant dans le monde, et ce malgré l'absence totale d'élements dynamiques. Encore un jeu Unreal Engine 4 me diront les observateurs.  



Enfin, il n'y a que 2 slots de sauvegarde manuelle plus un slot pour la sauvegarde automatique, donc si comme moi vous utilisez les 2 slots en backup en réécrivant systématiquement le plus vieux et que vous rendez-compte après coup que vous avez bloqué le jeu sur un puzzle, impossible de recharger avant le problème. Ce qui m'a donc valu de recommencer de zero l'aventure pour un ascenceur envoyé trop tôt du mauvais côté, mais ce n'est qu'un bug parmi d'autres.

Petit florilège : une occasion de corruption de textures obligeant de recharger la sauvegarde, une disparition du grappin empêchant toute interaction après une amélioration de celui-ci (recharge de sauvegarde), des dialogues de la fumée qui ne se lancent pas (recharge de sauvegarde), des interactions qui ne se déclenchent pas (recharge de sauvegarde), un écran de menu principal bloqué forcant le Alt+F4, et on finira par un bon vieux retour bureau sans préavis. Cinq patches etant sortis avant la sortie publique, on croise les doigts pour que tout celà ait été corrigé depuis.

Ange dêchu

Vous l'aurez compris, je suis triste. Je suis triste parce que autant j'aime Cyan, autant je ne comprends pas que le studio en soit toujours là. Car après 30 ans, malgré une capacité à imaginer des univers et des énigmes captivantes Cyan n'arrive toujours pas à corriger ses travers et à nous faire des aventures mitonnées aux petits oignons et sans accrocs. Ils ont failli disparaitre puis sont revenus de leurs cendres. Ils ont revu l'envergure de leurs jeux pour pouvoir mieux les contrôler en temps, en budget et en gameplay. Et pourtant ils n'arrivent toujours pas à avoir des boutons d'ascenceurs qui marchent, ils continuent de nous proposer des méthodes de contrôle certes originales, mais rarement ergonomiques et surtout ils continuent à nous offrir une trame narrative qui ne rime à rien, juste afin de lier entre eux des mondes qui n'ont rien à voir. 



Le pire c'est que dans Firmament ils avaient une bonne idée qui aurait pu justifier certains aspects du jeu, mais ils le font de façon si peu convaincante. Pourquoi avoir ce désir de nous imposer une narration sur un jeu d'énigme ? il n'y a pas de honte à nous laisser explorer et imaginer l'explication derrière, quitte à nous l'expliquer à la fin. Comme s'il était honteux de proposer des puzzles sans une histoire les liants (un problème qui touche aussi les Zachtronics d'ailleurs). Pour les Zachtronics, ce sera dur d'y mettre du lore environnemental, mais pas dans un Cyan. Ici on nous parle de gardiens mais il faudrait encore que quelqu'un chez Cyan en ait imaginé un pour qu'on y croit. Comme un Fallout 76, le jeu a été clairement conçu pour être vide et ce n'est pas les paroles d'une fumée verte qui seule pourra nous donner l'illusion qu'une vie a été présente avant nous.

Cyan et ses démons

Ce que Cyan semble n'avoir jamais compris, c'est que ce qui nous faisait avancer dans Myst, ce n'était pas tant la découverte des discours surjoués des incrustations du personnage de Rand Miller ni de savoir ce que lui ou ses fils allaient devenir que de découvrir les mondes évoqués eux mêmes. On voulait voir ces mondes, les explorer, y aller, y être, pour découvrir leurs paysages, leurs architectures, leur mobilier, leurs mécanismes, et les résoudre.

Ce qui pousse un joueur à finir un Cyan, c'est l'exploration, la découverte, et la fierté de surmonter le challenge laissé là par de grands architectes certes, mais nommés développeurs, artistes et tous ceux ayant participé à la création du jeu que nous avons fini.



Ils adorent créer des énigmes et on adore les résoudre, et peu nous importerait presque au fond de savoir pourquoi ces puzzles sont là. Si il y a vraiment une bonne histoire, tant mieux, mais si celle-ci n'est qu'un prétexte, laissez des indices et laissez nous nous l'imaginer, ça fera même une énigme de plus à résoudre. Dans ce jeu là en particulier, les mondes auraient pu avoir une pertinence, une explication. Mais celle-ci est si mal amenée que le twist final tombe malheureusement à plat et nous laisse un gout amêre alors qu'on était si fiers d'avoir réussi à résoudre tous les mystères de ces lieux...
Au final, même si son histoire est mal intégrée, Firmament vous offrira pendant quelques heures ces énigmes finement sculptées, au propre comme au figuré, que Cyan sait si bien mettre en image. La difficulté n'étant pas insurmontable, sauf si les bugs s'en mêlent, vous pourriez même être fier de vous en le terminant, tout comme je l'étais en finissant Myst. Fier, mais probablement déçu aussi que tout cela se finisse si vite et pour une finalité discutable.

SCREENSHOTS

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