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Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
PREVIEW

The Fabulous Fear Machine : En chair et en hoax

miniblob par miniblob,  email  @ptiblob
Développeur / Editeur : Fictiorama Studios
Support : PC
Quand j’étais enfant, j’avais peur de notre yucca. C’était pourtant bien une plante verte tout ce qu’il y a de plus inoffensive. Oui, mais voilà, mon grand frère prenait un malin plaisir à me raconter encore et encore cette histoire d’araignées venimeuses ramenées d’on ne sait où et camouflées au creux des feuilles de cette espèce. Son intérêt là-dedans ? Par la crainte, il modelait inconsciemment ma vision du monde et s’assurait une certaine emprise. Rien de bien méchant, c’était un gentil grand frère, mais imaginez un instant ce que cette peur-là peut engendrer si elle est exploitée à plus grande échelle. C’est justement tout le propos de The Fabulous Fear Machine.
Comme son nom ne l’indique pas, The Fabulous Fear Machine est un jeu espagnol. On le doit plus précisément à Fictiorama Studios, un développeur qui nous avait tapé dans l’œil il y a cinq ans avec un certain Do Not Feed the Monkeys. Il s’agissait de prendre place au sein d’un système global de télésurveillance et de décider ou non d’interagir avec les individus observés. Un titre original aussi bien dans sa forme que dans son propos et qui se permettait un détour par l’humour noir pour tenir mine de rien un message assez politique. Retenez bien que l’ensemble de ces qualificatifs restent valables pour la suite futuriste se déroulant en 2099, mais aussi et surtout pour leur prochain jeu dont il est question ici : The Fabulous Fear Machine qui sortira le 4 octobre prochain sur PC. Une démo qu’on vous invite à essayer est déjà disponible sur Steam, mais comme on est chanceux, on a eu droit à un peu de rabiot. Voici donc ce qu’on peut vous en dire après environ huit heures de jeu.

La peur change de cancan


Difficile de décrire simplement The Fabulous Fear Machine tant il joue sur plusieurs tableaux. Il navigue à mi-chemin entre le jeu de stratégie et l’aventure narrative : il s’agit bien d’y conquérir des territoires, mais on le fait en s’appuyant sur des légendes et en instillant la peur dans la population. Pour comprendre ce qu’il en est, revenons plutôt à sa façon de se présenter aux joueurs. Quand on lance une partie, on est accueilli par un étrange automate, l’un de ces diseurs de bonne aventure que l’on trouvait dans les fêtes foraines au début du siècle dernier. En plus du tutoriel, le jeu est composé de trois chapitres, à chaque fois il s’agit de suivre le destin d’un personnage différent qui va passer un pacte avec cette fameuse machine. Le deal est tout en ambiguïté : le contractant disposera de l’aide de la fameuse Fear Machine pour voir se réaliser ses rêves de gloire ou de réussite professionnelle, en échange, il devra seulement lui concéder sa propre histoire… Vous sentez venir l’arnaque ? Ça ne manque pas, à chaque fois, on a le droit à un petit conte macabre qui se conclut sur une morale plutôt amère. Ajoutez à cela un look cartoon assumé et une mise en scène façon cases de comics, et vous voyez vers quel imaginaire lorgnent les équipes de Fictiorama : The Fabulous Fear Machine est clairement un hommage aux vieux comics pulp d’horreur façon Les Contes de la Crypte ou Eerie.



Alors que la dimension narrative s’apparente à une belle déclaration d’amour au genre du comics horrifique, l’aspect purement stratégique s’éloigne pour sa part des conventions habituelles du genre. Certes, même si les échelles et les tailles des territoires concernés varient en fonction des scénarios, on se retrouve bien toujours face à une carte découpée en secteurs à la façon d’un Risk ou d’un Europa Universalis, mais la façon dont on va prendre le contrôle de ces fameux secteurs a quelque chose de fondamentalement original. Tout d’abord, il faut définir les conditions de victoire : différents messages doivent être véhiculés, chacun nécessitant des conditions particulières, et on commence par les répartir sur les territoires. En général, le but est de faire en sorte que le niveau de peur global soit suffisant pour que le message concerné puisse être audible, mais souvent, il faut aussi une autre condition telle qu’un certain niveau de croyance en l’ésotérisme ou encore un manque de confiance en la médecine. Sur la map, la peur et votre emprise sont symbolisées par une tâche qui va petit à petit grandir et traverser les frontières au fil de votre progression. Et pour mettre ainsi les chocottes à tout un peuple, il vous suffit de propager des hoaxes et des légendes urbaines. Ces derniers sont disponibles en nombre limité et vous sont présentés sous la forme de cartes à jouer. Vos disposez d’agents qui vont explorer les villes ou les quartiers pour vous, découvrant ainsi des emplacements où placer ces fameuses cartes, mais aussi pour installer des gisements de ressources qu’ils pourront par la suite miner.

Illuminati-rex


C’est là où ça se corse, car il vous faut en effet des ressources pour faire évoluer les différentes légendes, sachant qu’il existe un type de ressource par type de légende, mais aussi pour faire monter de niveaux vos agents, et pour influer sur le cours de divers évènements. Ça ne s’arrête pas là, vous aurez aussi affaire à des antagonistes qui chercheront à vous mettre des bâtons dans les roues. Il vous faudra alors utiliser un de vos agents pour les espionner, espérant trouver de sales petits secrets qui pourront ensuite être utilisés pour désamorcer leurs manœuvres. Négligez cet aspect, et l’adversaire en question étendra son influence à votre place, ce qui finira par se traduire par un game over. Ajoutez encore une autre ressource un peu spéciale, une sorte de carburant de la peur, que vous ne pourrez pomper que dans les lieux partiellement sous contrôle mais qui s’avère essentielle pour mettre en place et maintenir vos légendes, et aussi lancer de nouvelles explorations. Bref, vu que chacune des actions de vos agents prend un nombre de jours bien défini, vous êtes toujours en train de courir après le temps, de gérer les priorités, de jongler avec la surveillance de vos ennemis, la conquête de nouveaux territoires et la consolidation des légendes déjà implantées. Heureusement, le jeu propose une pause active pour vous permettre d’assimiler calmement toutes ces contraintes.



Désolé pour l’aspect un tantinet indigeste de cette description des éléments stratégiques, et encore, certains sont passés sous silence comme la possibilité de retourner des idéaux utopistes pour en faire des croyances anxiogènes. Retenez surtout que The Fabulous Fear Machine repose sur des mécaniques riches qui savent se renouveler, mais le plus intéressant c’est de savoir ce que le jeu en fait en matière de message, et là on touche au sublime. Il aurait pu se contenter d’être un gentil hommage à ces comics pulp déjà évoqués avec un accent tout particulier mis sur l’humour noir, ça aurait suffi à ce que l’ensemble fonctionne bien. Mais il va plus loin. The Fabulous Fear Machine embrasse complètement l’actualité de ces dernières années et se pare d’une dimension politique étonnamment lucide. Tout le propos du jeu est de nous faire comprendre de quelles façons les peurs collectives peuvent être instrumentalisées, comment paradoxalement certains groupes extrémistes étendent leur influence en surfant sur les délires complotistes, et à quel point il est collectivement dangereux de souffler sur les braises de la perte de la rationalité. En un mot, on s’attendait à découvrir un petit jeu narratif cryptico-rigolo, on se retrouve avec un jeu de grande stratégie qui pose des questions éthiques et politiques de premier ordre sans se montrer barbant. On ne peut pas dire qu’on perde au change.

La prochaine fois qu’un benêt vous assurera que le jeu vidéo est apolitique, envoyez-le valser sur The Fabulous Fear Machine. On a rarement vu un jeu embrasser des thématiques aussi profondes que l’instrumentalisation des peurs, et en plus il le fait avec une légèreté et une classe incroyables. Autant dire qu’on attend sa sortie le 4 octobre prochain avec plus d’impatience que jamais.

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