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Thief : The Black Parade nous sort son plus beau gourdin

Xavor2Charme par Xavor2Charme,  email
Quel est, à votre avis, le genre de jeu vidéo le plus facile à reproduire dans la vraie vie ? Les jeux de sport ? Trop fatigant! Les jeux de vroom ? Trop cher, trop polluant, trop de droite ! Les jeux de tir ? Vous avez vu les démarches qu’il faut faire pour avoir le droit de tirer sur quelqu’un (à moins d’être chasseur) ?! Non. Le type de jeu le plus simple à reproduire dans la vie de tous les jours, ce sont les jeux d’infiltrations, à fortiori, ceux de cambriolage. Votre Steam Deck tombe en panne et vous n’avez plus aucun moyen pour vous amuser numériquement ? Il vous suffit d’une maison avec des trucs à voler dedans, c'est-à-dire la majorité des bâtiments autour de vous. De plus, ça vous servira d'entraînement lorsque vous devrez infiltrer un camp de pillard après l’apocalypse.
C’est pour cela que lorsque Looking Glass Studios s’est demandé quoi faire comme immersive sim (un genre qui se repose globalement sur l’envie de faire des jeux aux interactions réalistes) après System Shock, le choix d’un jeu d’infiltration de voleur majoritairement pacifique s’est imposé. De plus, la 3D naissante permettait de proposer des niveaux très verticaux, compatibles avec la pratique de la cambriole, nous offrant la série Thief à la fin des années 90. 25 ans plus tard, un mod de Thief Gold, The Black Parade, ravive la flamme de ces jeux cultes.

Petit moment retrospecThief

Thief (prononcer “The Dark Project” en français) sort donc en 1998, année fameuse pour l’infiltration. Le jeu est developpé sur le Dark Engine, un moteur tout en 3D permettant des choses assez folles pour l’époque comme une gestion poussée des ombres et de la lumière ou encore de la propagation des sons en dépit d’un rendu vieillot même pour l’époque. En gros, Thief a inventé le jeu d’infiltration moderne, en proposant d’immenses niveaux ouverts, des gardes partout qu’il faut éviter en se cachant dans l’ombre (que l’on peut se créer soi-même en éteignant les torches avec nos flèches à eau) ou en les distrayant en faisant du bruit. Sans lui, pas de Dishonored, pas de Mark of the Ninja et surtout pas de Splinter Cell qui en reprend quasi toutes les mécaniques de gameplay appliquées à des niveaux linéaires.


 
De plus, le soft (comme on disait en 98) n’oublie pas de poser une ambiance et un ton incomparable. Le héros, Garreth le maître voleur, est un margoulin cynique et sûr de lui ayant été entraîné par les Gardiens, une secte de garants de l’équilibre, que pratiquement personne ne voit se balader en train de tout prendre en note dans la Cité, la tentaculaire et incomparable ville médievalo-steampunk où se passe le jeu. Garreth se contente de chopper l’astuce pour se rendre à la limite de l’invisible avant de prendre ses clics et ses clacs et se tirer de chez les Gardiens. Une autre faction, les Marteleurs, réunit les fans de l’Elon Musk local, vénèrent et construisent les technologies qui font bipbip trainant dans la Cité. Une troisième faction, les Païens, sont à l’inverse les hippies du coin, vénérant la nature et des divinités étranges, plongeant le jeu dans le fantastique (et nous forçant à nous battre parfois contre des zombies et d’autres lovecraftiens).

Le premier épisode nous raconte donc l’histoire de Garreth volant des trucs pour payer son loyer pour se faire remarquer par des clients chelous lui demandant de voler des trucs chelous et paf ! Garreth sauve le monde d’une divinité Païenne démoniaque qui le manipule depuis le début. 

Le jeu propose des casses variés, allant du manoir de bourgeois relativement classique au pillage de tombes infestées de mort-vivant en passant par une résidence à l’architecture non-euclidienne. Entre ces niveaux, la narration se fait via des séquences de dessins animés à la direction artistique sombre et mystérieuse, le tout sublimé par des doublages anglais de hautes volées et par une ambiance sonore à la fois feutrée et mécanique de toute beauté. Si le jeu a vieilli visuellement (v’là la tronche des gardes), il est sauvé par à peu près tout le reste. Les niveaux sont gigantesques aussi bien horizontalement que verticalement et ont tous une ambiance unique et le tout sans chargement intermédiaire.



Une suite, Thief 2 The Metal Age, sortira en 2000 sur le même moteur, nous mettant cette fois en prise avec les Marteleurs, plus précisément les Mécanistes, une sous-secte cherchant à se débarrasser de la nature une bonne fois pour toute. Garreth vole des trucs, découvre des affaires de corruption et paf! il sauve le monde d’un génocide global. Tout ça sans tirer une seule fois son épée car les zombies ne sont plus de la partie. 

Le jeu se débarrasse donc de ses éléments les plus fantastiques pour devenir le jeu d’infiltration pur, le diamant brut du cache-cache, la référence ultime de la cambriole vidéoludique. Cette pureté a ses fans mais d’autres lui préfèrent l’ambiance plus sombre et intrigante du premier. 

A savoir qu’un troisième volet, Deadly Shadows, (testé à l’époque chez Factor) développé sur l’Unreal Engine 2 est sorti en 2004, développé non pas par Looking Glass qui avait disparu entre temps mais par Ion Storm qui venait de pondre le médiocre Deus Ex Invisible War. La réception a été assez modérée, la faute à des niveaux étriqués comportant en plus des temps de chargement permettant d’abuser l’IA. Sa sortie sur Xbox est à mettre en cause, la console étant incapable de gérer des cartes aussi grandes que les épisodes originaux. De plus, l'ambiance est plus classique que les précédents malgré certaines missions notables comme The Craddle. Garreth est cette fois-ci en prise avec les Gardiens eux-même et la fin pave la voie vers un quatrième volet avec un nouveau personnage jouable. Quatrième volet qui ne sortira jamais, non, jamais, je ne sais pas quoi vous parlez.

Il n’est donc pas étonnant que des jeux aussi en avance sur leur temps et aussi mystérieux dans leurs ambiances aient charrié une belle communauté de moddeurs. Thief 3 dispose d’un patch recollant les bouts de niveaux ensemble (la Sneaky Upgrade) et les 2 premiers disposent de patchs non-officiels pour les faire tourner en haute résolution sur nos pc actuels (le Tfix qui vient d’office avec les versions GOG). ll existe aussi une multitude de fan-missions (les FMs) que vous pouvez trouver sur Thief Guild ainsi que The Dark Mod, une recréation des mécaniques des Thief originaux dans le moteur open-source id Tech 4 (celui de Doom 3, vous savez le jeu avec tout pleins d’ombres).



C’est donc dans ce contexte que The Black Parade est sorti à la fin de l’année 2023, juste à temps pour remporter le prix du mod de l’année sur Moddb. Le mod est une campagne complète de 10 missions, entièrement scénarisées comme à l’époque et nous contant les déboires de Hume, un voleur revenant tout juste dans la Cité après des années d'exil. Cette préquelle au premier épisode est l'œuvre de Feuillade Industries, un groupement des moddeurs Thief les plus appréciés de leur communauté, notamment Romain Barrilliot, aka skacky, level designer chez Arkane Lyon. Daniel Thron, qui a participé à l’écriture et à certains des doublages de la trilogie, participe aussi à l’aventure.

A savoir que le jeu est un mod pour Thief Gold (la version complète du premier épisode), l’équipe préférant l’ambiance fantastique et quasi horrifique de celui-ci.

Saisissez-vous donc de votre plus beau gourdin et plongez avec moi dans The Black Parade.

J'Hume l'odeur du napalm au petit matin

Le mod reprend complètement les mécaniques des 2 premiers Thief, en voici les fondamentaux: le but est généralement de voler un truc dans un endroit bien gardé sans vous faire repérer puis de revenir au point de départ. Vous avez pour vous votre discrétion: le personnage peut s’accroupir, sauter, marcher au pas et se pencher à gauche, à droite et en avant. Des mécaniques rudimentaires de parkour (c’était avant les Yamakasis) vous facilitent l'exploration verticale des niveaux: le personnage peut s’accrocher aux rebords et se hisser. 

Le jeu proposant une gestion de l’ombre et de la lumière, l’objectif est essentiellement de se déplacer de zones d’ombres en zones d’ombres en faisant le moins de bruit possible. Vous n’avez pas de radar, seulement un capteur de luminosité et des gardes extrêmement sonores, se raclant la gorge ou parlant tout seul, vous permettant de repérer leur vas et vient. Vous disposez de gadgets comme, entre autres, un gourdin pour assommer les gardes et d’un arc permettant de tirer différentes flèches comme la flèche à eau pour éteindre les torches ou la flèche à corde permettant d’atteindre des hauteurs impossibles.



Enfin les missions sont très peu scriptées et les niveaux extrêmement ouverts. Il y a mille façons et chemins pour atteindre vos objectifs et l’improvisation fait entièrement partie du délire.
Vous possédez aussi une belle épée, qui ne vous servira pas à grand-chose, les affrontements se terminant généralement par votre mort ou votre fuite. Préparez-vous donc à beaucoup de sauvegardes et chargements rapides.

The Black Parade nous met donc au contrôle de Hume, un voleur totalement désabusé et fatigué, qui n’aura cesse de se faire manipuler par des forces plus grandes que lui avant de vouloir reprendre le contrôle sur sa vie. Ce personnage n’est pas un maître voleur cynique formé chez les Gardiens comme Garreth, mais un simple bonhomme cherchant à s’en sortir et découvrant presque par hasard les secrets les mieux gardés de la Cité. La campagne regorge de références à la trilogie, il est assez grisant de se rendre compte que les bizarreries de cette ville ne sont pas une évidence pour tout le monde, renforçant l’univers de la série et les mystères autour des différentes factions. 

Si le mod reprend le moteur rudimentaire de Thief Gold, il le sublime, créant des architectures et des ambiances complètement folles. Les niveaux sont proprement gigantesques et même un pc portable de 2010 sur lequel j’ai fait une partie de la campagne avait du mal sur les dernières missions. Le level-design a beau être labyrinthique, je ne me suis jamais vraiment perdu, les niveaux proposant des ambiances et des architectures variées lors de leur exploration. Les patchs non-officiels comme le Tfix permettent d’inclure des effets comme de la brume dont les développeurs tirent parfaitement partie pour créer des ambiances propres à cette campagne.



Les endroits à cambrioler sont variés et sont des variations de luxe des missions du jeu original: le manoir lourdement gardé, la cathédrale des Marteleurs, des catacombes d’une profondeur abyssale, une forteresse gigantesque. Les objectifs ne se limitent pas à de la simple cambriole mais demandent aussi régulièrement d'effectuer des actions spécifiques, comme transporter un cadavre dans une pièce spécifique pour faire croire à un meurtre, limitant nos déplacements et nos actions tout en étant plus visible.

Le degré de finition est assez dingue, avec des cinématiques entre les missions, quantité de doublages pour les PNJ mais aussi pour Hume qui commente l’action régulièrement. L’aspect artistique est une réussite et il est assez fou de se dire qu’avec un moteur vieux de 25 ans il est possible de créer des panoramas à couper le souffle et des missions si gigantesques et tortueuses qu’on en sort presque en apnée (n’est-ce pas Madame la mission 8). Le mod introduit aussi de nouvelles mécaniques (les domestiques peuvent rallumer les torches éteintes ou nettoyer nos tapis de mousse dégueulasses que l’on dispose au sol pour atténuer nos bruits de pas), de nouveaux gadgets et de nouveaux assets comme un magnifique et déjà culte cheval. Si les lieux de nos larcins sont grands, ils sont en plus systématiquement entourés d’un morceau de ville à explorer permettant çà et là de récupérer du butin, de lire ou entendre des informations ou de simplement assister à de petites scénettes. La mission 9 est particulièrement impressionnante à ce niveau là. Cet aspect était déjà présent dans les opus originaux mais il n’était pas autant poussé et contribue à rendre la Cité beaucoup plus vivante et crédible. 

Feuillade Industries recommande d’avoir joué au deux premiers au vu de la difficulté et de la complexité de leur nouvelles missions mais le mod constitue un point d’entrée idéal pour quiconque voudrait expérimenter les sensations des vieux Thief. Les effets plus modernes, les scripts, la densité des missions font passer les campagnes originales pour des brouillons. A la limite, jouez aux anciens sur quelques missions pour prendre le coup de main et s’ils ne vous ont pas happé, lancer The Black Parade. 



Mais vous demanderez: “Pourquoi jouer à Thief, même dans une version modernisée, alors qu’il existe des trucs comme Dishonored ?” Tout simplement à cause de la radicalité et de la pureté de son gameplay. Thief propose d’un côté une grande liberté d’approche, beaucoup d’improvisations mais de l’autre les capacités du personnage sont les mêmes du début à la fin et n'évoluent pas à part l’obtention de quelques nouveaux gadgets. Ce choix nous empêche de nous disperser et nous demande d’apprendre à fond le gameplay du jeu. Cette approche à l’ancienne (le gameplay se doit d’être maîtrisé si l’on veut voir la fin du jeu) permet de redonner au genre infiltration toute la grâce qui lui revient après que des dizaines de mondes ouverts lui ait pris ses mécaniques pour les simplifier à l’extrême. L’idée n’est pas de faire le boomer qui regrette quand les jeux vidéo étaient purs et infaisables mais de dire que le genre infiltration, lorsqu’il est poussé à ses limites, propose une expérience intense, incomparable et aussi utile, comme je le disais dans l’intro, dans la vie de tous les jours.

Jouez à The Black Parade. Le travail des moddeurs est gigantesque, de meilleure qualité que certains jeux payés plein pot alors que Thief Gold est soldé à moins d’un euros toutes les deux semaines sur GOG. Il devient pour moi un classique instantané de l’infiltration qui se doit d’être célébré. La campagne terminée, je vais me mettre sur Gloomwood (la relecture de Thief par Dillon Rogers et David Szymanski de Dusk) comme Feuillade Industries le recommande à la fin du générique de The Black Parade.
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