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The Talos Principle 2 – Méninges adroits

miniblob par miniblob,  email  @ptiblob
Développeur / Editeur : Croteam Devolver Digital
Supports : PC / Xbox One X / PS5
Il existe au moins trois types de philosophes. Tout d’abord, ceux auxquels on pense en premier, ce sont les poivrots qui animent les repas d’anecdotes farfelues et qui finissent éventuellement la soirée par un digestif à la ciguë. Forcément, à ce rythme-là, ils se font rares. Et puis il y a ceux qui s’invitent constamment sur les plateaux télé ou dans les émissions de radio pour parler de choses qu’ils ne comprennent pas. Ceux-là, malheureusement, sont encore bien assez nombreux. Et enfin, il reste ceux pour qui toute forme de réflexion n’est qu’un jeu, ceux qui sont du genre à nous avoir pondu un Talos Principle, un titre qui alliait élégamment énigmes, digressions ontologiques et dérision. Reste à savoir si, neuf ans plus tard, ces derniers ont su conserver cet équilibre en offrant un second volet à leur franchise qui soit au moins à la hauteur de son aîné.
Le premier opus de The Talos Principle est devenu un tel classique en matière de jeu de réflexion qu’on a parfois tendance à oublier à quel point son existence même paraissait improbable au moment de sa sortie. Il y a dix ans, quand on vous parlait de la Croteam, l’image qui venait en tête était celle d’un développeur croate qui ne faisait ni dans la dentelle ni dans le remue-méninges. En effet, si le studio bénéficiait déjà d’une belle renommée, c’était surtout pour sa licence Serious Sam, du FPS bourrin à souhait qui s’assumait comme tel. Et voilà qu’il accouche fin 2014 d’un jeu de réflexion tout ce qu’il y a de plus non violent, enfin, exception faite d’une certaine violence psychologique dirons-nous. On y incarne un androïde qu’on doit mener à la première ou à la troisième personne à travers une succession d’énigmes qui impliquent le plus souvent des faisceaux d’énergie à guider au bon endroit pour débloquer la situation. Le tout est enrobé d’une foule de discours philosophiques qui portent essentiellement sur des questions existentielles du type « qu’est-ce que la conscience ? » ou « comment définir l’humanité ? ». Présenté de cette manière, ça peut sembler indigeste, mais heureusement le jeu comporte aussi une bonne dose d’humour et sait parfaitement jouer de la dérision pour soulager l’atmosphère. Bref, c’est un chef-d’œuvre et il n’est pas trop tard pour le découvrir, mais la question qui nous occupe ici est plutôt de savoir si sa suite est à sa hauteur.

Je cogite donc j’ai le seum

On avait beau être prévenus depuis un bail, il était difficile d’imaginer une suite tant le premier épisode et son DLC se suffisaient déjà à eux-mêmes. Et pourtant, ce deuxième volet est bel et bien une suite directe scénaristiquement parlant et se présente même d’emblée dans une sorte de continuité, mais avec des tas de superlatifs. Attention, on navigue dans un champ de mines spoilifiantes, mais on va quand même essayer de ménager la candeur de celles et ceux qui n’ont pas encore fait le jeu original. Pour la faire courte, le personnage principal du premier a donné naissance à toute une société d’androïdes, mais attention, ne les traitez pas de robots, ils se vivent comme la nouvelle humanité.



Vous incarnez le millième à voir le jour, et votre arrivée est tout un symbole car d’après le Plan édifié par la Fondatrice (ne rigolez pas, les capitales ne sont pas là pour faire joli), vous, 1K, êtes destiné à être le dernier. Vous représentez rien de moins que la fin du développement de cette nouvelle civilisation. Il y a bien entendu des voix dissidentes dans cette communauté, mais c’est surtout deux apparitions aussi gigantesques que mystérieuses qui vont jeter le trouble dans la cité : alors qu’un Prométhée invite les citoyens de la Nouvelle Jérusalem à une chasse au trésor technologique à quelques encablures de là, il se fait rabrouer par une Pandore qui défend au contraire sévèrement le statu quo.



La suite, vous pouvez l’imaginer. Vous êtes assez vite entraîné dans une expédition chargée de faire la lumière sur les dires de ces entités. L’occasion de découvrir un vaste archipel au cœur duquel trône une immense pyramide entourée de régions, douze pour être exact, toutes truffées de puzzles à résoudre. Vous l’avez peut-être deviné aussi, cette fois-ci, le plus gros des propos philosophiques tournera autour de cette dualité entre la recherche du progrès et la nécessité de préserver ce qui préexiste, vous pouvez y caser aussi bien le conflit entre progressistes et réactionnaires qu’une mise à jour de la querelle des Anciens et des Modernes.



Pourquoi pas, après tout on peut même facilement considérer qu’on est là sur des questions qui résonnent assez fort avec la situation planétaire actuelle, notre hubris nous aurait-elle menés au bord de notre propre extinction ou cette fuite en avant technologique constitue-t-elle notre seule porte de sortie ? Seulement voilà, c’est bien joli, mais pour mettre directement les pieds dans le plat on peut dire que c’est amené ici avec de très très très gros sabots. Là où le précédent volet savait jouer de ses concepts avec finesse et humour, ici on est le plus souvent dans un premier degré assez navrant. J’en arrive donc directement à ce qui constitue pour moi le plus gros défaut de ce Talos Principle 2 : c’est un jeu qui m’a donné l’impression de se prendre lui-même très au sérieux.

Comment sortir deux fois de suite de la même caverne ?

La mauvaise nouvelle, c’est que ce petit côté plombant et surplombant, je l’ai aussi ressenti dans la forme. Le premier opus comportait déjà des murs de textes interminables, mais d’une part ils étaient, il me semble, plus souvent agrémentés de notes d’humour, et surtout, on pouvait y échapper facilement. Ici tout est plus grand, plus vaste, on est plus libre, mais on est aussi et surtout inscrit d’emblée dans une communauté d’androïdes. Ça veut dire qu’on a des compagnons de route qu’on va croiser et avec lesquels on va interagir pendant nos explorations, mais aussi qu’on est toujours lié à un réseau social où les citoyens de la Nouvelle Jérusalem vont suivre nos faits et gestes et solliciter notre avis sur tel ou tel point.



Impossible de prendre ça par-dessus la jambe puisque nos prises de position vont ensuite avoir des répercussions sur le cours des choses et même nous aiguiller vers l’une ou l’autre des fins. Imaginez un remake de Riven (impossible de ne pas y voir un clin d’œil tant certains environnements rappellent ses îles) où vous croisez sans cesse d’autres voyageurs et où vous êtes relié à une sorte de forum rempli de trolls. Une autre idée du jeu de réflexion en somme. Alors je suis peut-être un ronchon misanthrope (je l’assume même assez bien), mais je tiens à ma relative solitude lorsque j’enchaîne les énigmes.



Bref, à ce point de la critique, vous devez vous dire logiquement que le jeu ne m’a pas vraiment emballé, et pourtant… certes je l’ai trouvé maladroit dans sa façon d’aborder ses thématiques, certes son blabla incessant m’a parfois fatigué, mais difficile de rester insensible à ses ambitions XXL. Il y a d’abord de la démesure dans les environnements eux-mêmes. Chacune des douze régions est construite comme un petit monde en soi qu’on peut découvrir dans une promenade en suivant sagement les huit énigmes principales numérotées pour une difficulté progressive, ou que l’on peut explorer de manière plus anarchique dans le but de trouver des puzzles environnementaux et des défis supplémentaires optionnels.



Vous pouvez compter environ une petite trentaine d’heures pour atteindre les 100 % (soyons précis, 28 heures et demie pour ma part), c’est une durée de vie qui donne un peu le tournis si vous êtes habitué aux titres du genre, Talos Principle 2 s’affiche clairement comme l’épisode des superlatifs. Et si ses grands espaces sont plutôt déroutants, on se prend vite au jeu, d’autant plus vite d’ailleurs que les décors sont élégamment agencés et que la capacité de courir permet de les traverser assez rapidement. Même l’aspect a priori redondant de cette construction s’efface devant la diversité des situations. A chaque nouvelle destination, une nouvelle mécanique, souvent apportée d’ailleurs par un gadget inédit.

L’hésitant procède au sens

Et là, on touche bien entendu au cœur de Talos Principle 2 : ses énigmes. Le point de départ est simple, il s’agit généralement tout bêtement d’atteindre un point précis en trouvant le moyen de contourner ou de désactiver les quelques barrières sur le chemin. En somme, vous êtes un cochon d’Inde perdu dans une succession de mini-labyrinthes faisant appel à votre logique. On retrouve sans surprise les rayons lumineux colorés qui permettent d’activer des mécanismes, les prismes pour rediriger les fameux rayons et les brouilleurs pour désactiver des appareils. C’est la base, mais vont s’ajouter petit à petit des éléments qui vont vous amener à percevoir autrement l’espace qui vous entoure, à recombiner différemment les composants que vous connaissiez déjà ou encore à prendre en compte le temps dans votre façon de résoudre les puzzles.



En un mot, le jeu vous demande sans cesse d’évoluer, et c’est en ça qu’il est extraordinaire. La progression est pensée de telle façon que vous ne ressentiez pas de la frustration, c’est un escalier dont les premières marches sont tout à fait accessibles et qui vous entraîne très logiquement à des situations de plus en plus complexes. Si vous connaissez déjà la sensation grisante d’être pris dans le rythme d’un fast FPS, vous pouvez la transposer à un jeu de réflexion. Ici pas de rocket jump ni de bunny hopping, mais des puzzles qui s’enchaînent à une vitesse folle.



Mais, si je cite cet aspect comme une qualité, ce n’est pas forcément du goût de tout le monde. Newin, que vous connaissez déjà pour animer la nouvelle saison du Factorcast (et qui compte d’ailleurs aborder The Talos Principle 2 dans le prochain épisode) regrette quelque peu ce manque de difficulté. Tant que ça sert la fluidité globale du jeu, aucun souci pour elle, par contre elle a été plus échaudée par ces puzzles dont la solution lui semblait évidente, mais dont la mise en œuvre nécessitait trop de précision ou plusieurs essais. Et vu qu’il est toujours bon d’avoir un autre point de vue, ajoutons aussi que, contrairement à moi, elle a beaucoup aimé l’aspect narratif du titre et le fait qu’il mette en scène différents points de vue pour faire vaciller les certitudes de la joueuse ou du joueur.



Enfin, Newin pointe du doigt des carences purement techniques qui ne m’avaient pas sauté aux yeux : elle n’est pas fan du level design des grandes zones ouvertes, mais elle reproche surtout au jeu son ghosting permanent et ses éclairages qui lui crient Unreal Engine dans les oreilles. Il lui manque le charme de la photogrammétrie faite maison qui faisait le sel du premier épisode. En espérant que ce second avis vous permette de mieux cerner la bête, retenez surtout que The Talos Principle 2 voit les choses en grand, si vous voulez un jeu de réflexion avec plus de monde, plus de blabla, plus de place, plus d’énigmes, plus de couleurs, vous serez ravis, dans le cas contraire, rien ne vous interdit de relancer le premier Portal qui se torche en moins de trois (délicieuses!) heures.

The Talos Principle 2 est un grand jeu, au sens premier du terme puisqu’il propose un contenu gargantuesque, de quoi rassasier le goinfre d’énigmes qui sommeille en vous. Est-il pour autant un bon jeu ? Ce n’est peut-être pas la claque métaphysique attendue ni le meilleur refuge pour les plus solitaires d’entre nous, mais c’est assurément un très joli exercice de gymnastique cérébrale.
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