TEST
Somerville
par billou95,
email @billou_95
Supports : PC / Xbox Series X
Après 5 ans à nous faire baver à chacune de ses apparitions sur les réseaux sociaux, c'est enfin l'heure de la sortie pour l'autre usine à GIFs de 2022 : Somerville. Un titre dont on ne savait pas grand-chose, mis à part qu'il comptait dans ses équipes Dino Patti, le co-fondateur de Playdead. Avec un pédigrée pareil et une certaine virtuosité dans le peu de visuels qu'il laissait transparaître, il y avait de quoi nous emballer...
Le pitch de Somerville est une histoire de survie largement inspirée par La Guerre des Mondes de Wells (et le triste film de 2005). Elle introduit un père de famille lambda, sa femme et son jeune fils installés au vert dans la campagne anglaise. Alors qu'ils sont tranquillement assoupis dans leur canapé devant la TV par une nuit noire, d'étranges lueurs illuminent l'extérieur. Quelques instants plus tard, leur cottage est secoué par une violente explosion et c'est en sortant qu'ils découvrent avec horreur l'invasion extraterrestre en cours. D'étranges monolithes noirs fondent depuis le ciel et s'enfoncent dans la terre tout autour d'eux. Au loin, des aéronefs inconnus semblent se battre avec ces visiteurs d'un autre monde. Rapidement, le titre met en place ses enjeux : un père à la recherche de sa famille, affublé d'étranges pouvoirs, tout ça dans une Angleterre apocalyptique qui le dépasse.Tous les ingrédients pour passer un bon moment devant un platformer cinématique étaient là, devant nos yeux. Et pourtant, Somerville se révèle soporifique tout du long et surtout beaucoup trop souvent frustrant. A commencer par ses mécaniques de jeu, jamais vraiment intuitives. Il ne faut pas 10 minutes pour se heurter au problème. La séquence d'introduction se termine par une rencontre du 3e type avec le pilote d'un chasseur qui est venu se cracher dans la baraque du couple. La chose tend la main à notre héros, mais on a beau appuyer sur la touche d'action qui nous a servi à attraper et interagir avec des objets depuis le début du jeu, mais non, rien ne se passe. On appuie sur les autres touches de la manette ? Rien.
Et c'est en tâtonnant pendant une longue minute qu'on comprend qu'il faut être pile-poil dans la zone d'interaction située devant l'autre personnage (le tout sur un plan en 3D) pour déclencher le script d'action associé. Enfin ça, c'est si on pige également qu'il y a un second bouton de la manette absolument pas documenté qui sert exclusivement pour ces interactions sociales. Pff ça commence bien cette histoire...
Et en fait, tous les puzzles du jeu vont nous demander de lutter contre ces foutues zones d'interaction et de perdre 3 minutes par-ci, 5 minutes par là, juste pour comprendre qu'on était dans le vrai dès le premier essai, mais que le script ne se déclenchait pas parce qu'on n'était pas au pixel près en face du levier à tirer ou du bouton à pousser. Ca donne aussi lieu à de pénibles séquences de trial & error inutilement punitives. Enfin bref, ça fait beaucoup trop de temps morts sur une campagne qui se termine en moins de quatre heures. Et comme si cela ne suffisait pas, le personnage se traine tout le temps dans les niveaux pour aucune autre raison valable que de montrer ses superbes paysages. La course du protagoniste est contrôlée par le jeu : parfois, on court, parfois, on marche et souvent après une rencontre avec des extraterrestres ou une surutilisation de nos pouvoirs dans une scène scriptée, on est "quasiment à l'agonie" pendant de longues minutes. Traduisez : le personnage traîne la patte en se tenant la poitrine et en toussant comme jamais, juste pour faire ressentir un semblant d'émotion au joueur. Ce tire-larme purement factice a juste l'effet inverse, tout le temps.
Le peu d'empathie du joueur pour ce qui se passe à l'écran est renforcé par des séquences de puzzles, de courses poursuites ou simplement de déambulation bien moins impactantes et choquantes que dans un INSIDE, ou même un Another World dont le titre ne cache pas ses inspirations. La trame scénaristique pose elle aussi question. Le jeu est parsemé de situations pas vraiment logiques, comme ce chien qu'on abandonne dans la cave, sans pouvoir y faire quoi que ce soit et qui réapparaît mystérieusement deux écrans plus loin dans le jeu (et il nous refait le coup pendant tout le jeu). Le héros fait tout pour protéger sa famille, mais à la première occasion, il préfère sauter dans un vaisseau de transport en premier et les abandonner à une mort certaine, plutôt que de les laisser partir à sa place ? Des choix qui font tâche alors qu'on tente désespérément de trouver un peu de sens dans ce qu'on nous raconte.
Et pourtant, malgré ça, Somerville possède quelques idées de gameplay intéressantes. Notamment les pouvoirs qui permettent de liquéfier ou solidifier de la matière extraterrestre à la demande lorsqu'on est en présence d'une source de lumière. Ca donne lieu à une poignée de puzzles environnementaux intelligents et des effets visuels franchement saisissants, particulièrement sur le dernier tiers de l'aventure. D'ailleurs, le titre est sauvé du naufrage par sa proposition visuelle qui n'a pas menti sur la marchandise. On prend une belle petite claque devant les vistas incroyables sur la campagne anglaise dévastée par les vaisseaux alien qui projettent des jets de lumière au loin pour chasser les humains, ou le chaos urbain des villages désertés.
Si la grande majorité du jeu est filmée par une caméra éloignée qui suit le personnage au fur et à mesure de ses déplacements, quelques rares cinématiques osent des plans larges et rapprochés complètement dingues, comme cette arrivée du vaisseau des rebelles sur une base sous-marine en Mer du Nord totalement bluffante. Au-delà du simple boulot sur les caméras, la représentation des paysages et des jeux de lumière vise toujours juste, tout comme l'utilisation à bon escient du brouillard volumétrique. Sur la partie sonore par contre, autant les craquements de la matière qui se déconstruit lorsqu'on utilise nos pouvoirs, sont ultra-satisfaisants, autant le mixage casse-gueule nous laisse souvent tomber au mauvais moment, quand, au contraire, il devrait appuyer l'action. Techniquement toujours, les saccades sont légion dès qu'on passe au-dessus du 1080p, ce qui n'aide pas non plus, hélas, à s'immerger entièrement dans le jeu.
Si on devait le juger uniquement sur sa performance audiovisuelle, Somerville aurait probablement sa place dans les Fact'Or 2022. Seulement, dans jeu vidéo, il y a jeu. Et force est de constater que le premier projet de Jumpship cumule les erreurs, des lenteurs qui n'en finissent plus et une frustration quasi permanente en font l'une de nos grandes déceptions de cette année.