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Shadow Tactics : Blades of the Shogun

Valanthyr par Valanthyr,  email
Développeur / Editeur : Devolver Digital Mimimi Games
Peut-on encore rebooter un genre en 2016 ? Plus précisément, peut-on espérer rebooter un sous-genre de l’infiltration qui avait commencé à bien percer il y a bientôt quinze ans de cela mais qui n’a pas réussi à se convaincre lui-même qu’il avait encore de l’avenir devant lui ? Aussi improbable que ça puisse paraître, oui.

Caught Somewhere in Time

Voilà plus de dix-huit ans que Commandos : derrière les lignes ennemies est sorti, autant dire que la dernière génération des gamers qui ne s’intéresse pas plus que ça aux vieilleries ne connaît probablement pas la licence, bien qu’elle ait atteint un statut assez culte à l’époque. Après une extension l’année suivante et Commandos 2 en 2001, la magie s’est un peu brisée quand Pyro studios a fait des infidélités à son exceptionnelle 2D isométrique avec un Commandos 3 qui intégrait une 3D sans grand charme. C’est aussi en 2001 que Spellbound Entertainment a sorti Desperados: Wanted Dead or Alive, qui reprenait le principe à la sauce Far West et a également largement contribué à définir le genre “infiltration temps réel en vue isométrique”, entreprise parachevée l’année suivante par les mêmes développeurs avec Robin Hood : la légende de Sherwood. Puis plus rien, jusqu’à ce que le studio allemand Mimimi Productions fasse une overdose de nostalgie et décide de reprendre le flambeau avec Shadow Tactics: Blades of the Shogun.



C’est dans le Japon du début du XVIIe qu’on nous invite à diriger une équipe qu’a priori pas grand chose ne rassemble et qui va agir dans l’ombre pour tâcher de préserver la paix fraîchement imposée par le Shogun. On évolue dans des environnements en 3D conçus et réalisés dans l’esprit de la 2D isométrique d’antan et qui n’ont pas grand chose à envier à ceux des ténors du genre. Le jeu est articulé en une succession de missions, entre lesquelles des cinématiques au design très réussi et scènes réalisées dans le moteur du jeu nous font découvrir une histoire plutôt bien écrite et qui présente en plus l’avantage de placer notre équipe dans des situations originales et variées. Quant à nos cinq personnages, ils profitent de se retrouver en petits groupes pour dialoguer en cours de mission, ce qui leur confère assez de personnalité pour qu’on s’attache à eux, chacun dans son style. Les acteurs sont d’ailleurs très convaincants et on sourira parfois d’entendre un personnage sortir une petite phrase de la culture gamer, recasée avec la plus grande habileté dans un bout de dialogue ou une des phrases aléatoires piochées pour confirmer que l’action en cours a bien été enregistrée. Ajoutons que les puristes pourront choisir de mettre les voix en japonais, la présence d’un doublage alternatif intégral étant assez rare dans une production indépendante pour être soulignée.

Les missions sont segmentées en plusieurs objectifs qui gravitent la plupart du temps autour de l’idée de trouver le moyen d’atteindre un personnage ou un lieu gardé par une petite armée d’ennemis dont l’impitoyable cône de vision menace de révéler notre présence à chaque faux pas. Le cône en question a une zone pleine à côté du garde, dans laquelle on est très vite détecté, même accroupi, et une zone hachurée plus lointaine dans laquelle on ne sera repéré que si on progresse debout ou qu’on court. Certains gardes ne bougent pas de leur poste et se contentent de balayer la zone autour d’eux, d’autres patrouillent seul, par groupe de deux ou parfois même de trois, et on commence par passer du temps à observer l’environnement et planifier notre progression. Si certaines zones de la carte sont assez peu surveillées, d’autres sont au contraire tellement inextricables qu’il va falloir déployer des trésors d’ingéniosité pour arriver à les rendre un peu plus abordables.

Sombres héros

Tout le gameplay tourne en effet autour de l’idée de modifier, de façon temporaire ou permanente, cet enchevêtrement de cônes de surveillance, pour arriver à se faufiler patiemment jusqu’à la difficulté suivante. Pour cela, nos cinq compères ont chacun leur style : Hayato, ninja rescapé d’un ordre disparu, peut distraire temporairement les soldats et les faire regarder ailleurs, utiliser son redoutable shuriken (qu’il faudra bien sûr aller récupérer sur le cadavre de la victime), ou trucider sournoisement ses ennemis. La jeune voleuse Yuki peut poser des pièges et attirer les gardes avec sa flûte, ou les liquider d’un vicieux coup de dague en pleine gorge. Mugen, samouraï et brute de service, peut jeter au loin une fiole de saké, tentation irrésistible qui fera quitter leur poste aux gardes qui l’ont dans leur champ de vision. C’est le seul à pouvoir tuer les ennemis regroupés par deux ou trois, à condition qu’il n’y ait pas de samouraï dans le lot. Il est également le seul à pouvoir combattre un samouraï isolé, katana contre katana. Le personnage féminin d’Aïko est en apparence le moins versatile du groupe : mis à part de petites fioles de poivre qu’elle peut jeter au pied des gardes pour provoquer un éternuement qui réduit leur cône de vision pendant quelques très courts instants, elle ne brille que dans les missions où elle peut arriver à dénicher le camouflage de geisha qu’elle endossera alors pour passer sous le nez des gardes les moins attentifs. Enfin le vieux sage Takuma est un sniper hors pair qui peut se débarrasser des sentinelles perchées en hauteur, ou mettre tout le monde d’accord à coup de grenade. Il est par ailleurs accompagné de Kuma, petite boule de poils qui peut aller distraire temporairement les gardes en faisant des roulades dignes d’une compil YouTube trop mignonne.



Mais cette belle panoplie de compétences est loin d’être aussi ultime qu’on pourrait le croire. On rencontre plusieurs types de gardes dans le jeu et tous ne sont pas aussi naïfs. Si les soldats du rang sont des proies faciles dont on pourra en général assez facilement se débarrasser, ceux qui portent un chapeau de paille sont plus méfiants et certaines compétences de nos personnages sont sans effet sur eux. Il en va de même pour les redoutables samouraïs qui se jouent de toutes nos petites astuces et détectent même la fausse geisha au premier coup d’œil. L’environnement peut également compliquer la tâche de notre troupe d’élite, comme ces traces dans la neige qui mettent quelques secondes à disparaître et attirent l’attention des gardes, ou encore les flaques qu’il faut prendre soin de contourner si on ne veut pas que les bruits de clapotis trahissent notre présence. Quand aux missions nocturnes, elles proposent un système de détection alternatif qui tourne autour des zones d’ombre et de lumière et nous invite à repenser notre stratégie.

Les développeurs ont également fait preuve de finesse dans les contraintes associées à chaque personnage : ni Mugen dans sa lourde armure, ni Takuma avec sa jambe de bois ne peuvent s'agripper au feuillage pour atteindre les élévations verticales, et ce dernier ne peut pas traverser les étendues d’eau. La frêle Yuki traîne les corps bien plus lentement qu’Hayato, en revanche elle les tire au sol et reste donc très discrète, sauf dans la neige où elle laisse un large sillon. La force colossale de Mugen lui permet de porter deux gardes à la fois, tout en courant. Quand on a besoin de faire courir le vieux sage, non seulement il est lent, mais les plocs de sa jambe de bois se propagent assez loin de l’impact, et il ne peut bien évidemment pas déplacer cadavres ou ennemis assommés. Quantité de petites subtilités de ce type viennent enrichir le gameplay et nous pousser à planifier des manœuvres toujours plus osées avec un soin frisant parfois l’obsession.

Excellence in Design

Si on se laisse aller à cette douce folie avec autant de plaisir, c’est aussi parce que le level design est absolument exemplaire. En plus d’une belle maîtrise du rythme au sein de chaque mission, alternant des passages difficiles avec des passages plus reposants, changeant les objectifs ou introduisant de nouveaux éléments en cours de mission, les environnements sont très ouverts et on peut quasiment tout le temps aborder une difficulté de nombreuses façons. Au fil des missions, on se rend compte du soin apporté au positionnement de chaque garde : la plupart des passages délicats sont vraiment conçus pour passer tout juste et le moindre faux pas ou la moindre petite perte de temps se termine invariablement par un reload. Certains passages imposent même de réaliser des exécutions simultanées via le mode Ombre, un outil qui permet de programmer les actions de plusieurs personnages et de tout jouer d’un seul coup. Il est assez difficile à maîtriser puisqu’il faut gérer le temps manuellement en ajustant les lieux de départ de chaque personnage pour qu’ils insèrent leur action quand on veut dans la séquence globale, mais il reste très utile, voire incontournable, pour triompher des passages les plus difficiles.



Et le moins qu’on puisse dire, c’est que de la difficulté, il y en a ! Si le mode facile est réservé à ceux qui veulent découvrir le genre en douceur, le mode normal offre déjà une difficulté relevée, voire même très relevée dans certaines missions où on peut se retrouver à court d’idées après avoir essayé plusieurs approches infructueuses. Dans ce mode, lorsqu’un des personnages est repéré par un ennemi, le cône de vision de ce dernier change progressivement de couleur et on a un peu de temps pour briser la ligne de vue avant qu’il ne donne l’alarme. On se retrouve souvent à profiter de cette tolérance, volontairement ou non, mais dans le mode difficile la détection est beaucoup plus rapide et on n’a plus le droit aux approximations. Chaque mission a par ailleurs une liste de défis (3 majeurs et 6 mineurs), dont certains vont nous imposer de mettre sur pied une stratégie radicalement différente, souvent plus périlleuse. La plupart de ces défis ont déjà l’air difficile rien qu’à la lecture de l’objectif, mais certains semblent tellement infaisables qu’on ne sait même pas par quel bout les prendre. Tous les défis ne sont pas aussi intéressants ou variés, mais chaque mission en a une bonne moitié qu’on a vraiment envie de tenter et qui mettent plus que jamais en évidence le soin apporté au level design. Enfin, les spécialistes du time attack ne seront pas en reste : chaque mission a un objectif chronométré et il suffit de tester la première d’entre elles, intégralement jouable dans la démo, pour se rendre compte que la difficulté est, là aussi, très relevée, et qu’il va falloir allier stratégie optimale et exécution parfaite pour finir dans les temps.

Alors, pas d’ombre au tableau ? On mentirait à prétendre que Shadow Tactics est sans défauts. Comme tous les jeux de ce genre, le pathfinding peut s’avérer capricieux et nous jouer de vilains tours, notamment quand on essaye de déplacer notre équipe en groupe. Il y a quelques rares problèmes de rotation de caméra dans les niveaux très verticaux et quelques bugs mineurs ici et là, mais comme on prend vite l’habitude de vivre sous perfusion de quicksave/quickload (en rotation sur 3 emplacements, en plus des sauvegardes manuelles), c’est sans grande conséquence et ça ne ternit pas durablement l’expérience de jeu. Ce qui peut en revanche en refroidir certains, c’est son prix, à relativiser puisqu’il faut tout de même compter entre 25 et 30 heures pour venir à bout des 13 missions, durée qui peut facilement doubler si on s’attaque aux défis.
Si vous étiez amateur des jeux Commandos ou que vous aimez l’infiltration tactique d’une façon générale, vous pouvez foncer sur Shadow Tactics : Blades of the Shogun les yeux fermés. Non content de raviver le genre tel qu’il était à son apogée, Mimimi Productions se permet d’innover dans l’esprit de ses illustres aînés, affinant le concept et le modernisant juste ce qu’il faut pour nous livrer une expérience exigeante, au level design impeccable.
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