Connexion
Pour récupérer votre compte, veuillez saisir votre adresse email. Vous allez recevoir un email contenant une adresse pour récupérer votre compte.
Inscription
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation du site et de nous vendre votre âme pour un euro symbolique. Amusez vous, mais pliez vous à la charte.

Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
TEST

Yesterday Origins, retour vers l'imparfait

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
Développeur / Editeur : Pendulo Studios Microids
Supports : PC / Xbox One / PS4
Pendulo revient de loin. Après un Yesterday un peu brouillon et singulièrement différent des Runaway qui avaient fait connaître le studio espagnol, la fin de la collaboration avec Focus et le financement participatif raté du projet « Day One » en avait sérieusement assombri l’avenir. Mais un autre éditeur français, Microïds, a décidé de redonner sa chance au studio en finançant (et co-développant) Yesterday Origins, préquelle de Yesterday. Ça tombe bien, l’original parlait d’immortalité et de renaissance #commeunsymbole.
S’il est préférable d’avoir joué à Yesterday pour comprendre certaines punchlines ou easter eggs, la compréhension globale de l’histoire n’implique pas de se souvenir des détails. Pour preuve, j’avais oublié la moitié du déroulement du jeu, mais j’ai pu me raccrocher aux branches avec une astuce de scénario utilisant l’amnésie de John, le héros, à chaque fois qu’il ressuscite. En l’occurrence, un faux site Internet compilant toute l’histoire du premier jeu sous formes de logs audio et vidéo, à la Total Recall. Vous pouvez donc jouer à Origins sans crainte d’être perdus.



Pour ne rien faire comme les autres, Yesterday Origins est une préquelle… et en même temps une suite. Le jeu démarre en effet trois ans après les évènements du premier. John Yesterday et Pauline Petit forment désormais un charmant couple en plein Paris, qui papote chien, emprunt immobilier et bébé le soir après le travail. La gentrification touche même les immortels, mais ça on le savait déjà depuis les années 90 où on croisait Duncan McLeod dans une péniche parisienne. Sauf que la crise n’épargne personne, et la boutique d’antiquités familiale croule toujours sous les dettes du défunt père de Pauline, tandis que John est troublé par des souvenirs indistincts de femme rousse, de mélodies lointaines et de séances bizarres dans des cachots avec des prêtres en robes de bure. Dans ce contexte, l’opportunité de vendre une statue japonaise rarissime à une certaine Victoria Baxter sonne comme une délivrance. Encore plus quand John comprend que cette richissime anglaise pourrait indirectement l’aider à recoller les morceaux de sa mémoire.



A partir de là, le jeu se déroule grosso modo sur deux trames : une enquête dans le présent pour retrouver des éléments liés au passé de John, ce qui déclenche à chaque fois des flashbacks dans lesquels on dirige John à l’époque où il était membre de l’Ordre de la Chair. En fait de préquelle, Origins décalque la structure narrative de Yesterday et complète les trous de son histoire en intercalant de nouvelles scènes qui éclairent le background de John d’un jour nouveau. D’un côté, c’est plutôt réussi puisqu’Origins évite l’écueil sur lequel s’empale trop de préquelles, à savoir les redites et/ou les apartés explicatifs lourds qui cassent le rythme. Dans le même temps on y retrouve un des défauts majeurs de Yesterday : certaines scènes sont intégrées au gameplay et prennent donc une place conséquente, tandis que d’autres sont rushées en cinématiques voire en ellipses.



La clarté de la narration s’en ressent parfois : à trop vouloir imbriquer ses trames narratives et jouer avec sa chronologie, Yesterday Origins contient des enchaînements de scènes qui sont à la limite du compréhensible et ne font sens qu’au dénouement du chapitre concerné. C’est certes audacieux, mais dans une aventure relativement courte (de 8 à 10 heures), il est dommage de laisser temporairement le joueur sur le bas-côté, ne serait-ce que pour quelques minutes. On peut y ajouter des défauts récurrents des point’n click, comme par exemple l’incohérence d’énigmes farfelues plantées au milieu d’un contexte réaliste ou bien la frustration du joueur qui comprend le raisonnement logique pour venir à bout de l’énigme mais se retrouve bloqué par un script tatillon.



On peut néanmoins saluer une certaine maîtrise du rythme dans l’enchaînement des situations. A des énigmes plus ou moins corsées succèdent des passages simples, voire simplistes, qui permettent de souffler un peu après une longue phase de recherche et avant d’embrayer sur une nouvelle. L’occasion de détailler un peu le gameplay, qui a notablement évolué depuis Yesterday. Pour coïncider avec une sortie console, l’interface a surtout été pensée pour la manette, avec l’utilisation du stick pour se déplacer, d’un bouton d’action qui ouvre des close-ups sur les éléments interactifs, et des gâchettes pour ouvrir l’inventaire d’une part et une « boîte à idées » d’autre part. Le fonctionnement de tout ça rappelle de loin le système de déduction des Sherlock Holmes de Frogwares : il faut dans un premier temps collecter objets et indices, notamment en parlant et observant les PNJ, puis les agencer logiquement entre eux pour déclencher le script de résolution.



Malgré une évidente volonté de rendre le tout organique, c’est surtout une impression de rigidité qui s’en dégage. La faute à des déplacements imprécis, mais également à l’absence de marge de manœuvre pour le joueur : par exemple, associer la corde et la flèche pour créer un grappin ne fonctionnera que si vous ouvrez d’abord le close-up de la flèche, puis choisissez la corde. Faire la manipulation dans l’autre sens (ouvrir d’abord la corde, puis lui associer la flèche) est impossible. Ce qui double le temps de recherche de solutions pour une énigme : il faut tester toutes les combinaisons d’objets deux fois, histoire d’être sûr. Basculer sur le clavier et la souris s’avère également décevant. On retrouve certes une plus grande précision dans les déplacements et la sélection des items, mais pour une raison inconnue toute l’interface se résume à un pointeur blanc en croix qui passe en surbrillance quand on est sur un élément interactif. En termes d’ergonomie, on a déjà vu mieux… dans le premier Yesterday, par exemple.



Fort heureusement, le tableau n’est pas si sombre et Origins s’en tire avec les honneurs sur de nombreux points. On peut déjà souligner la durée de vie, doublée par rapport au premier épisode. Mais également des graphismes qui tiennent la route, notamment (et c’est une première dans l’histoire du studio) l’intégration des personnages animés dans les décors dessinés. Décors qui offrent d’ailleurs pas mal de variété dans leur mise en scène, avec des plans larges ou plus resserrés, de la profondeur de champ lorsque c’est nécessaire, l’utilisation des close-up pour enrichir les détails, etc. On notera aussi le retour des doublages français, plutôt de bonne tenue malgré des acteurs contraints d’endosser plusieurs rôles (notamment Edwige Lemoine) et malgré une synchronisation labiale toujours perfectible.



Plus globalement, le jeu s’autorise pas mal de choses dans ce qu’il montre et surtout ce qu’il suggère, sous couvert d’humour noir. Le résultat est parfois étrange, comme cette séquence du début où on dirige Pauline qui prépare méthodiquement son suicide afin de renaître dans son corps plus jeune de trois ans, et qui aurait peut-être mérité un petit trigger warning que je vous délivre ici. Mais le plus souvent, on s’amuse beaucoup grâce à la marque de fabrique des Pendulo : des personnages haut en couleur qui mettent suffisamment de distance avec le gore du propos pour qu’on le prenne au second degré. La désinvolture de Pauline, la folie de Boris, le dandysme froid des tueurs à gage… Autant d’éléments qui font que le jeu dégage une personnalité propre malgré ses défauts. Une personnalité qu’on pensait ne plus jamais revoir, alors autant en profiter.
La qualité de Yesterday Origins fluctue tout au long de l’aventure, qui embarque certains des défauts historiques des productions Pendulo. On en retient heureusement les qualités qu’on était en droit d’attendre du studio madrilène : de l’humour, des décors bien foutus et beaucoup de liberté dans l’écriture.
Rechercher sur Factornews