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Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
TEST

Tacoma

hohun par hohun,  email
Développeur / Editeur : The Fullbright Company
Il est des combats qui ne se gagnent que sur la durée. Par exemple, je me souviendrai toujours de ma sortie du placard devant mes potes gamers de l’époque.
« Les mecs, asseyez-vous, s’il vous plaît. J’ai quelque chose à vous dire. »
Mes potes s’assirent, l’air grave, se demandant bien ce qui nécessitait pareille intervention.
« Voilà, je… suis homo.
— Ah putain, tu nous as fait peur ! On a cru que t’allais nous dire que t’aimais les walking simulators ! »


 
Certains combats, disais-je donc avant de m’interrompre moi-même, ne se gagnent que sur la durée. Être noir, juif, homo, féministe, transgenre, c’est une lutte de tous les instants qui est encore loin d’être gagnée par endroits. Mais ce n’est rien à côté de la stigmatisation sociale des joueurs qui aiment les walking simulators. Longtemps cantonnés au fond du e-bus, les amateurs de walksim existent dans une zone grise à mi-chemin entre le film et le jeu vidéo. Il n’en fallait pas plus pour que le débat se lance, sur fond de scepticisme tenace et parfois agressif. Tenez, encore aujourd’hui, en se baladant sur les forums Steam de Tacoma, on a le droit à quelques topics « Game or non-game ? ». Pour autant, la bataille est en passe d'être gagnée, car le soufflé est retombé et que ces sujets se font de plus en plus rares. (Bien entendu, les Vrais savent que pour toute question « jeu ou pas ? » ou « art ou pas ? », la réponse est invariablement « on s’en fout ».)



Donc, maintenant qu’on s’en fout bien comme il sied, entrons dans le vif du sujet : Tacoma, c’est quoi ? Tacoma, c’est le nouveau jeu de Fullbright, les créateurs de Gone Home. Tacoma a donc la tâche ingrate de faire honneur à son « illustre » ainé. Gone Home avait pour lui le goût de la nouveauté et une histoire intéressante qui tenait bien en haleine jusqu’à la fin (décevante selon moi, mais passons).

Coma idyllique

Comme son titre ne l’indique pas (pour moi, il évoque surtout un mec qui aurait fait un coma après avoir mangé un de ces ignobles tacos rebeus en forme de brique), Tacoma est une station spatiale où se déroule l’intégralité de l’intrigue. Vous jouez le rôle d’une « nettoyeuse » envoyée pour récupérer le wetware d’ODIN, l’IA qui gère la station désormais déserte. Votre rôle est on ne peut plus simple : poser votre tablette sur un mur des diverses sections et attendre qu’elle télécharge les données. Pour passer le temps, vous avez accès à des enregistrements en réalité augmentée de l’équipage qui vous permettent d’en savoir plus sur ce qui a pu leur arriver. Chaque enregistrement est cantonné à une zone définie, et l’on peut revenir en arrière ou faire avance rapide à loisir pour suivre chacun des personnages et voir ce qu’ils ont fait et dit dans cette zone.



Et puis ? Et puis c’est tout. C’est là le génie du jeu : tout le lore est développé en arrière-plan, soit en accédant à l’interface en réalité augmentée des personnages quand ils y accèdent eux-mêmes, soit en faisant attention aux détails parsemés dans la station. C’est un excellent moyen de récompenser les joueurs persévérants sans alourdir inutilement la narration. Ainsi, plus le joueur est minutieux, plus les personnages et le contexte deviennent nuancés. Il suffit par exemple de jeter un œil à l’étagère de bouquins d’un personnage pour s’en faire une idée plus précise, ou encore de se baisser au bon endroit pour découvrir que tel autre aime les poupées et les sex toys. Je pourrais aussi évoquer ce bouquin de mots croisés dont les définitions donnent des précisions sur le monde dans lequel les gens vivent en 2088, ou ces magazines corporate dont les QR codes donnent des informations sur le background légal et contractuel du travail dans une mégacorporation. Les gens qui, comme moi, raffolent des petits détails seront ravis, d’autant plus que cela augmente énormément la durée de jeu.

Karmacoma

Car c’est l’une des principales critiques faites au jeu : il est extrêmement court (2 heures environ, 5 heures en fouillant partout). Pourtant, je ne trouve pas que ce soit un défaut, au contraire, et pour une raison très simple. Le système d’enregistrements est bien fichu, les animations sont correctes, les voix sont très convaincantes ; bref, c’est une bonne idée bien implémentée mais qui peut très facilement tourner au gimmick lourdingue. Et cela, je n’ai commencé à le ressentir qu'à la toute fin du jeu, ce qui veut dire que Fullbright a su s’arrêter quand il fallait. Par contre, et c’est là le seul vrai problème de Tacoma, c’est que cette durée de vie « parfaite » met à mal le rythme du scénario.



Si vous avez bien suivi, le scénario de Tacoma se joue sur deux plans. Le plan du scénario immédiat et des interactions qui en découlent au niveau des personnages, et le plan du lore qu’on découvre (un peu) au hasard d’une conversation et (beaucoup) en fouillant dans l’environnement. L’objectif du jeu est de faire coïncider les deux pour que vous saisissiez bien ce qui se passe une fois arrivé dans la dernière partie. Le problème, c’est que le jeu n’est pas assez long pour faire cohabiter les deux aspects dans un développement naturel satisfaisant. Pour ainsi dire, Tacoma veut trop en dire en trop peu de temps, et cela crée une sensation de saut narratif vers la fin du jeu. On se retrouve donc dans un cas de figure bancal où le jeu a une durée de vie parfaite en terme de gameplay mais semble malgré tout précipité.



Pour autant, le jeu a assez de qualités pour qu’on lui pardonne cet étrange écueil. J’ai pris bien du plaisir à arpenter les couloirs de Tacoma, à faire la connaissance de ses personnages distincts mais pas stéréotypés, et j’y reviendrai certainement avec plaisir dans quelques années. Peut-être même que je me paierai un vrai taco mexicain en son honneur.

Soyons honnêtes : essayer de faire cohabiter la vie de 6 personnes et un contexte relativement complexe en une paire d’heures était probablement mission impossible quoi qu’il arrive. Pour autant, Tacoma s’en sort bien, et s’il n’est pas le chef-d’œuvre qu’il aurait pu être, il n’en reste pas moins un jeu (oui, jeu) de qualité. Et maintenant que cela est établi, je le dis bien haut et fort : Papa, Maman, j'aime les walking simulators.

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