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Un Rédacteur Factornews vous demande :

 
TEST

Shadow Ghost : dis, c'est con le cloud français ?

billou95 par billou95,  email  @billou_95
Développeur / Editeur : Blade Group
Supports : PC / Mac / iOS / Android / Linux / Shadow Ghost
Eté 2015, alors qu'on s'amuse entre potes à monter d'onéreuses instances AWS EC2 pour tester The Witcher 3: Wild Hunt en ultra dans le cloud, quelques jeunes ingénieurs français désœuvrés ont une idée folle, construire un PC de joueur totalement décentralisé, évolutif et alimenté par le nuage. Un an plus tard, on est conviés à la discrète présentation presse de Shadow, la concrétisation de ce pari osé et on voit débouler tout sourire Emmanuel Freund, co-fondateur de Blade qui balance une petite phrase encore lourde de sens aujourd'hui au parterre de journalistes présents : "Vous allez voir, Shadow c'est comme un PC local !". Deux ans et demi plus tard, il est temps de vérifier ces dires.
Commençons tout d'abord par un gros disclaimer des familles. Afin être totalement transparent avec vous, je dois vous avouer une chose : je suis abonné au service depuis ses tout débuts fin décembre 2016. J'ai donc essuyé les 12 premiers mois de galère (aussi appelés beta test déguisé), connu toutes les évolutions technologiques de la solution et des boîtiers mis à disposition par Blade. Je suis aussi un enthousiaste du cloud gaming sous toutes ses formes, des prémices à l'époque d'OnLive et Gaikai jusqu'aux initiatives récentes comme Stadia. Lorsque j'ai décidé de passer au tout dématérialisé, j'avais un PC en fin de vie équipé d'un couple i7 920/GTX 660 toussoteux que j'ai immédiatement remisé et remplacé par le boitier des frenchies. Mais alors Shadow, comment ça marche ? Si le cloud gaming à la sauce bourguignonne pourrait être perçu par certains comme de la sorcellerie, le principe est finalement assez simple sur le papier.

Lors de l'inscription, Blade met à disposition de l'abonné une image disque unique sur l'un des serveurs de stockage dans son datacenter. Cette image contient une machine virtuelle de 256Go d'espace disque avec un Windows 10 Familial qui démarre comme sur un PC standard à la connexion de l'abonné depuis son client favoris (application ou boitier). Justement, ces clients fonctionnent comme une application Netflix ou une box TV, renvoyant l'image de la machine et transmettant les inputs locaux (clavier, souris, périphérique annexe) au datacenter. Au premier démarrage, on termine même l'installation de Windows comme on le ferait sur un PC franchement déballé ! Mais ce n'est pas tout, à chaque connexion, l'infrastructure alloue pendant toute la durée de la session des ressources dédiées non-partagées à l'abonné : 8 coeurs sur un Xeon, 12Go de RAM et une carte graphique Nvidia haut de gamme.

Enfin, et c'est un concept qui échappe parfois à certains : on profite aussi de la bande passante du datacenter, soit 1Gb/s en réception et 100Mb/s en émission (vitesse volontairement bridée pour éviter les usages illégaux/abusifs). Ce qui veut dire que même si on utilise Shadow avec une "petite" connexion xDSL à la maison, la machine virtuelle profite du très haut débit, pratique lorsqu'on doit retélécharger les 76Go de Forza Horizon 4: Edition Ultime par exemple, plus besoin d'attendre des plombes devant une barre de téléchargement... D'ailleurs, puisqu'on en est à parler de bande passante, cassons tout de suite le mythe du cloud gaming sur de petites connexions. Même si Blade explique qu'on peut "utiliser" Shadow avec un ADSL raisonnable, dans la réalité des faits il faudra disposer d'un ADSL2/VDSL assez stable (comprenez une habitation pas trop éloignée du DSLAM) pour que l'expérience soit vraiment proche des promesses faites par son dirigeant.

Débits: les bons tuyaux

D'une manière plus globale avec tout service de streaming et grâce à la démocratisation des algorithmes de compression h264 (et maintenant HEVC), la problématique de la qualité n'est plus lié uniquement à la bande passante mais surtout à la stabilité de connexion. La preuve, lors de nos tests en 4G+ avec le Huawei B715s-23c, pourtant élu meilleur routeur du marché et une bande passante approximative entre 60 et 75Mb/s mais une tonne de bruit (interférences) entre l'antenne et le point d'accès, il fut difficile d'obtenir des résultats satisfaisants : flux dégradé, nombreux artefacts, input-lag intempestif prononcé. Par contre il faut bien reconnaître que lorsqu'on est l'heureux détenteur de la fibre optique, on se surprend à oublier que tout se passe à distance. En jeu, le lag est imperceptible pour l'utilisateur lambda, l'image est d'une fluidité exemplaire et presque sans défauts, même lorsqu'on bunnyhop dans des FPS exigeants.

Seules certaines exceptions très généreuses en effets spéciaux comme le jeu pour épileptiques Beat Hazard 2 laissent entrevoir quelques artefacts de compression un peu cradingues lors des déluges de particules, mais cela reste assez anecdotique. Sur le bureau de Windows par contre, c'est un petit peu la roulette russe au fil des mises à jour, la faute aux choix arbitraires de l'algorithme maison de Blade qui réduit drastiquement le nombre d'images par secondes envoyées au client lorsqu'il juge qu'il ne se passe rien sur la machine. Cela occasionne du frameskip et des textes aux caractères flous alors qu'on utilise une suite bureautique ou un outil professionnel, ce qui peut être désagréable notamment pour nous rédacteurs qui passons du temps à écrire et monter des vidéos. On sait que c'est l'un des chevaux de bataille des développeurs qui itèrent toujours pour corriger ces couacs persistants. Ils tendent heureusement à se résorber depuis quelques mois.

Et les clients dans tout ça ? De l'eau a coulé sous les ponts depuis le lancement fin 2016 réservé aux seuls détenteurs de la box. L'offre applicative est aujourd'hui pléthorique et surtout unifiée, ce qui permet d'accéder à son Shadow et aux dernières innovations proposées que l'on soit sur Windows, Mac, Linux ou mobiles. La Shadow Ghost, dernier boitier en date disponible depuis mars a troqué une architecture basée sur un APU AMD pour un SoC ARM custom consommant 7W maximum en charge. Cela permet clairement à Blade de maîtriser son produit de bout en bout. On y trouve un refroidissement fanless, du WiFi a/b/c/n, la compatibilité avec les périphériques Bluetooth et une connectique complète. Seule ombre au tableau, l'unique port HDMI qui remplace les deux DisplayPorts des précédentes box prive directement la Ghost d'une hypothétique compatibilité dualscreen dans le futur.

J'peux pas j'ai sync

On peut aussi dire adieu à une possible compatibilité avec les écrans Gsync. De toute façon, Shadow inclus également une solution de synchronisation maison sensée éviter autant que faire se peut le tearing (ce n'est pas parfait). Etonnant, le LAN-over-ip semble avoir disparu des options sur le nouveau client unifié du boitier alors qu'il était présent sur les anciennes box EB/V2. Gageons qu'il sera de retour via une prochaine mise à jour. Le WiFi, grande nouveauté de 2019 est lui assez surprenant de vélocité au quotidien. Durant nos différents tests, notamment pendant toute la campagne de The Division 2, connectés en 5Ghz à un routeur DFS Razer Portal haut de gamme, les résultats étaient pour tout dire assez impressionnants avec un taux de décrochage d'inputs très faible et aucun artefact visible. Enfin, le design de l'objet est d'un goût disons-le... audacieux qui rappelle les heures sombres de la Freebox by Starck, brrr.

Parlons maintenant de ce qui intéresse les joueurs, les performances brutes. Côté CPU, depuis mi-2018, chaque instance de Shadow se voit allouer 8 threads sur un Xeon E5-2667 v3 (voir le comparatif avec un i5 9600K de 2018). En ce qui concerne la partie graphique, Blade a choisi d'opter pour les P5000 d'Nvidia, pendant industriel des gammes grand public GTX. Les performances sont très similaires à celles d'une 1080 (voir le comparatif des deux modèles), la seule différence essentielle étant que ces cartes ne facilitent plus le minage de crypto monnaie. Enfin, 12Go de RAM DDR4 2400Mhz sont également attribués à chaque session. Nous avons fait passer la bécane sur un banc de test complet : Unigine, Cinebench, GFXBench, CrystalDiskMark, AS SSD Benchmark, vous trouverez les résultats détaillés dans des screenshots en dessous de l'article. Pour éviter de vous (nous) perdre en chiffres et classements pas forcément parlants, nous lui avons surtout fait passer les benchmarks de différents jeux réputés consommateurs en ressources processeur, GPU ou accès disque : Ashes of the Singularity: AscensionHITMAN 2, Forza Horizon 4, Civilization VIShadow of the Tomb Raider et The Division 2.

Ici comme sur les benchmarks professionnels, une tendance se dessine. Lorsque les jeux se reposent uniquement sur la puissance brute du GPU, tout va bien, les performances sont dans la moyenne du haut de gamme mais dès qu'ils sollicitent à outrance le disque comme HITMAN 2 ou le CPU (Cinebench), les performances sont fortement impactées. Pas de panique cependant, la machine virtuelle se débrouille tout de même bien dans l'ensemble mais c'était à prévoir, la gamme Xeon étant dépourvus de certaines instructions présentes sur les CPU grand public (SSE4). Malgré tout, la gamme serveur d'Intel s'en sort avec les honneurs grâce à une tonne de mémoire cache et une bonne gestion des I/Os. En fait, ce sont surtout les piètres performances en écriture sur toute la partie stockage qui sont ici pointées du doigt par la grande majorité les tests (voir les incriminants benchs de CrystalDiskMark et AS SSD Benchmark).



Au-delà des premières alertes remontées par nos benchs, lorsqu'on prend strictement en compte les temps de chargement sur certains jeux, l'architecture technique autour des serveurs de stockage reste encore LE gros point noir et ce deux ans et demi après le lancement de Shadow... on s'inquiète donc de savoir si la startup française trouvera un jour la solution à cet épineux problème. C'est particulièrement flagrant lors des provisions d'espace disque au début du processus d'installation de gros jeux sur Steam (DOOM, HITMAN 2, Shadow of the Tomb Raider), le téléchargement de fichiers volumineux sur le Windows Store et l'encodage vidéo brut. Il faut toutefois relativiser et sur plus de 80 jeux testés en 2018 du petit jeu indépendant au gros AAA, Seule une poignée de titres a vu ses performances fortement impactées en cours de partie par la configuration singulière du Shadow, et on parle principalement des jeux ayant une gestion du disque déjà hasardeuse comme Sea of Thieves et son chargement initial infini.

Avant de passer à la conclusion et en complément du test, j'ai compilé une liste de réponses à certaines interrogations qui reviennent souvent sur les réseaux sociaux concernant Shadow et le cloud gaming en général.

Shadow c'est nul, j'ai 50 pétabits de bande passante et ça artefact chez moi !
Oui et non, comme tout service de streaming, Shadow est assujetti à la qualité de votre ligne que vous soyez en xDSL, fibre optique ou 4G.

Shadow c'est nul, et d'abord le cloud c'est pas très écolo !
Oui en effet, même si le boitier ne consomme que 7 watts en charge, les datacenters sont en général incroyablement énergivores. Par contre, il est à noter que les datacenters Data4 qui hébergent une partie des installations de Blade s'engagent en faveur du développement durable en suivant plusieurs normes européennes. Le matériel présent sur les serveurs à également un TDP (transfert thermique en watts) plus faible que celui d'une config de compet'. Par contre les coûts de production et les matériaux utilisés dans les baies et serveurs sont rarement éco-friendly.

Shadow c'est nul, y'a de la latence par rapport à ma console ou mon PC !
Certes, il n'est pas encore arrivé celui qui vous vendra une technologie de cloud gaming sans latence mais elle reste faible et imperceptible pour la grande majorité des utilisations. Les aficionados du jeu compétitif pourraient par contre ressentir cette latence.



Shadow c'est nul, mon périphérique exotique/DIY ne marche pas dessus !
Exception faite des casques de réalité virtuelle et du support dualscreen, la grande majorité des périphériques USB fonctionnent nativement sur Shadow, y compris les boitiers de streaming et désormais les périphériques Bluetooth.

Shadow c'est nul, ça supporte pas la VR !
La réalité virtuelle c'est un sujet sensible, il faut 60 voire 100 images par seconde pour que l'expérience de jeu soit vraiment agréable. Ajoutez à ça la question de la latence et vous imaginez bien que c'est problématique aujourd'hui.

Shadow c'est nul, je peux même pas y brancher mes 2 écrans !
Aujourd'hui non, mais qui sait... c'est toujours en cours de test chez Blade mais cela ajoute une complexité car dans la réalité, il faut deux flux vidéos différents, soit techniquement le double de bande passante entre vous et le datacenter. Les utilisateurs du Shadow Ghost devront eux réinvestir dans un nouveau boitier car il est dépourvu de second port HDMI.

Shadow c'est nul, je peux pas y transférer mes films de vacances pour les retravailler !
Si, c'est possible. Forcément on est limités par la vitesse d'upload de notre opérateur, donc cela est rapidement problématique pour les très gros fichiers mais pour le transfert de photos depuis un téléphone, cela se fait relativement sans problème.

Shadow c'est nul, faut être tout le temps connecté à Internet !
Pas d'Internet, pas de Shadow ! De toute façon, la grande majorité des plateformes et services exigent d'être toujours connecté pour jouer même en solo. Hauts les coeurs, la qualité des lignes aidant, il y a bien moins de perturbations d'Internet qu'il y a 10 ans.

Shadow c'est nul, on exploite nos données, on nous spolie !
On aimerait vraiment jouer les complotistes mais la réalité c'est que Shadow n'exploite pas plus les données à l'intérieur de votre session Windows 10 que votre PC local. De plus, tant que les machines virtuelles résideront dans un datacenter français, les utilisateurs seront protégés par la loi assez restrictive et punitive en ce qui concerne le vol de données. Quand bien même, vous êtes libres de faire ce que vous voulez sur votre VM y compris des activités illégales comme le piratage des derniers épisodes des Mystères de l'Amour en Torrent ou la réinstallation de l'iso Baumaschinen.Simulator.2011.GERMAN-ALiAS à l'aide de DAEMON Tools, à vos risques et périls.



Shadow c'est nul, j'ai plus d'espace disque sur ma PS4 de 2013 !
Ca fait partie des gros compromis à faire lorsqu'on choisit la solution. 256Go, c'est peu et cela peut être gênant pour ceux qui n'ont pas envie de réinstaller tout le temps leurs jeux. D'un autre côté, en utilisant la connexion 1Gb fournie par Blade, on télécharge ses jeux à très grande vitesse donc on peut désinstaller et réinstaller facilement. Il est également possible d'étendre le stockage en prenant une option 1To supplémentaire (hélas plus disponible à l'heure ou on écrit cet article).

Shadow c'est nul, le cloud c'est pas du tout sécurisé !
Franchement, le stockage dans un datacenter est aussi sécurisé que votre agence bancaire. On parle aussi d'image disque cryptées donc inutilisables en cas de vol. Enfin, une session Windows 10 n'est pas plus sécurisée dans le cloud que sur un PC local.

Shadow c'est nul, je peux même pas sauvegarder mes données dans mon bunker ignifugé !
Les ports USB du boitier et le LAN-over-ip sont là pour vous permettre de sauvegarder vos données sur votre NAS familial. Les données de votre machine virtuelle restent accessibles 30 jours après l'arrêt du service en cas de résiliation. Enfin, il y a la possibilité de télécharger une image de sa machine virtuelle à tout moment en local, ou sur le cloud à l'aide d'outils de sauvegarde tiers.

Shadow c'est nul, ça coûte plus cher qu'un PC !
Si on fait un calcul simple en se basant sur les configuration gamer des sites de vente de matériel en ligne et le prix de l'abonnement (30eur/mois au moment où on écrit ces lignes), lissé sur une durée de vie de 4 ans, Shadow coûte aussi cher qu'un PC gamer haut de gamme, sauf que le matériel est mis à jour gratuitement tous les 18 mois (derniers upgrades en date : le passage de la GTX 1070 à la P5000 et du CPU Xeon E5-2620 v4 au E5-2667 v3). De plus, on l'oublie mais en cas de casse matériel sur une carte graphique par exemple, il suffit de redémarrer sa VM pour se connecter à une nouvelle carte, sans avoir à s'occuper de quoi que ce soit d'autre.

Shadow c'est nul, il faut payer ses jeux en plus du prix de l'abonnement !
A la différence de ses concurrents, Blade met à disposition une machine virtuelle Windows 10 vierge à l'utilisateur. C'est à lui d'installer ses jeux, ses applications, comme il le ferait sur n'importe quel PC. La concurrence (le français Blacknut, PlayStation Now, Project xCloud, le cloud de Capcom, Google Stadia & co.) met/mettra à disposition un catalogue de jeux pour un prix similaire ou inférieur mais le service ne sera pas aussi polyvalent. C'est donc à l'utilisateur de faire un choix en fonction de ses pratiques de gaming.
Bon alors, c'est oui ou c'est non ? Comme avec tout autre service de streaming 100% connecté, s'abonner à Shadow c'est avant tout agréer à un ensemble de compromis. A défaut d'être le PC du futur de tout un chacun, si vous êtes prêts à vous séparer de "l'objet" PC et de tout ce qui va avec, des joies du bidouillage aux emmerdes techniques, si vous vous trouvez dans une zone à la couverture réseau idéale, si vous n'êtes pas allergique au tout dématérialisé, à jongler avec un espace disque limité et si vous êtes prêts à vous engager dans une aventure sachant pertinemment qu'il reste encore du boulot avant qu'on puisse enfin affirmer que "Shadow c'est comme un PC local !", la machine dans le nuage à la française pourrait bien devenir votre futur PC.

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