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ARTICLE

The Walking Dead S02E05 : No Going Back

Nicaulas par Nicaulas,  email  @nicaulasfactor
 
Il aura fallu huit mois à Telltale Games pour boucler cette saison deux de The Walking Dead. Un voyage au long cours en cinq étapes, durant lequel on a oscillé entre l’excellent et le décevant, entre l’espoir d’un climax aussi marquant que celui de la saison 1, et la crainte d’une méthode qui commencerait à tourner en rond. Le lot du format épisodique, dirons-nous. Reste à déterminer si le dénouement de l’histoire en valait l’attente.
Mis à part pour le premier épisode, qui était difficile à aborder sans parler de la fin de la saison 1 et donc sans gravement spoiler l’un des passages les plus émouvants de l’histoire du jeu vidéo, j’ai mis un point d’honneur à éviter toute révélation franche sur le scénario de cette saison 2, même avec des balises appropriées. Mais, on ne va pas se mentir, là ça va être chaud. Parce que si on évacue rapidement ce qui va de soi, à savoir : c’est court (une heure environ), c’est techniquement dépassé mais esthétiquement ça a de la gueule, l’ensemble a un petit côté rigide et tout passe par l’écriture des dialogues et des personnages, il va bien falloir à un moment ou à un autre parler du dénouement de l’histoire. Attention donc, le texte qui va suivre contient de gros spoilers sur les deux saisons, mais vous pouvez le sauter sans crainte et aller directement à la conclusion.

Les fins ne justifient pas le moyen

Car si le voyage est tout aussi important que la destination, il faut bien reconnaître que dans The Walking Dead, on est tout particulièrement attentif à cette dernière (ou plutôt, et c'est une bonne surprise, ces dernières). La première saison avait démarré lentement, mais avait su progressivement monter en puissance à partir de l’épisode 3 (ah, Carley…) pour offrir un épisode final qui compensait largement les lacunes du jeu, et lui donnait du sens en prenant la forme d’un aboutissement. Tout le chemin parcouru jusque-là n’était pas qu’une succession de détours, il avait également permis au joueur de modeler un Lee à son image, et ainsi de rendre crédible la fin brutale du scénario. N’ayant pas énormément évoluée sur ses fondamentaux techniques et commençant à toucher les limites de ses recettes habituelles, cette deuxième saison se devait de proposer un impact émotionnel au moins équivalent.

Et c’est un peu là que le bât blesse. Si on devait résumer No Going Back en un seul mot, ce serait « déjà-vu ». Pas nécessairement dans les péripéties en elles-mêmes (et la présence de fins multiples suffit à se distinguer de la saison une) mais plutôt dans son schéma narratif. De sa manière d’écrémer les personnages secondaires pour se concentrer sur les seuls importants pour le dénouement final jusqu’à l’ultime dilemme moral à forte implication émotionnelle, beaucoup de choses rappellent l’épisode 5 de la saison 1. Résumons : des personnages secondaires meurent, les plus opportunistes abandonnent le groupe, on approche du point de non-retour dans la fuite en avant (en l’occurrence la marche vers le Nord), un élément perturbateur change radicalement la donne (autrefois la morsure de Lee, aujourd’hui la naissance du bébé) et oblige le joueur à devoir choisir de détruire un personnage auquel il est attaché. Dans l’absolu, répéter une recette similaire à la saison une n’est pas un problème. Mais No Going Back le fait d'une manière parfois tellement maladroite que, pour la première fois depuis le début de la première saison, on frôle le facepalm à plusieurs reprises.



On pourrait citer la blessure de Clementine, qui permet certes de caler une superbe scène de flashback émotionnel parfaitement maîtrisée et qui aurait pu constituer un excellent dénouement à tout ça, mais qui s’avère en fait être le simple écho de la morsure de Lee : ça n’empêche pas le scénario d’avancer, mais ça crée une tension supplémentaire. Résultat, on a surtout l’impression que Clementine est définitivement capable de survivre à tout. Non pas parce qu’elle serait une excellente survivante, mais simplement parce qu’elle est le personnage principal. Mais c’est surtout le duel entre Jane et Kenny qui déçoit profondément. Là où le « grand méchant » de la saison une se dévoilait tardivement (et disparaissait aussi vite qu’il était apparu), celui de la saison deux, évoqué dès le départ, a été éliminé dès le troisième épisode, obligeant les scénaristes à une pirouette scénaristique : tout comme les personnages trop gentils, les personnages trop méchants ne peuvent survivre à l’Apocalypse, et c’est en chacun de nous que se trouve le danger pour nous-même et pour les autres. En clair, on essaie de nous dire que le manichéisme n’a pas de sens chez l’être humain. Ce qui tombe un peu à l’eau, puisque d’une part l’intégralité de la série nous dit la même chose depuis le début, et d’autre part oblige à faire rentrer temporairement les personnages dans des cases. Jane et Kenny sont tour à tour froids, cyniques, survoltés, attachants, irritants sans qu’aucune logique apparente ne se dessine derrière tout ça. Et quand l’intrigue se dénoue, après un choix final entre ces deux personnages auxquels on ne croit plus, on retombe sur une séquence « life goes on » qui semble totalement hors de propos dans le contexte de la série.

Un jeu d’acteurs

Malgré ce procès à charge, soyons beau joueur : il s’agit surtout de reprocher à The Walking Dead d’être juste bon là où il a été bien meilleur par le passé. Et si voir trébucher cette saison dans la dernière ligne-droite est un crève-cœur, c’est bien parce qu’elle a su créer une attente avec ses épisodes précédents. Tout n’est pas à jeter aux orties, donc. Certes, en comparant les différents épisodes, on a un peu l’impression que Telltale a beaucoup tâtonné pour améliorer sa formule sans tout bouleverser. Une fois c’était la surenchère un peu gore, une fois la disparition des QTE, une fois celle des phases de point’n click, puis leur retour, tout en alternant entre les humains et les zombies comme plus grosse menace, ou entre un personnage de Clementine complètement badass ou complètement dépassé. Il n’empêche qu’au milieu de ce pot-pourri se trouvent plusieurs moments de bravoure qui hanteront nos nuits pour longtemps. N’hésitant d’ailleurs pas à lorgner parfois du côté du franchement gore, mais sans tomber dans le torture porn.



Mais ce qui est, paradoxalement, le point le plus fort du jeu, c’est que rien ne repose sur des notions de gameplay usuelles. Lorsque la première saison a débarqué, on a d’abord vu un jeu poussif et bavard à qui on pouvait reprocher exactement la même chose qu’à un jeu Quantic Dream : une absence d’interactivité, de « vrai » gameplay. Et puis l’histoire s’est développée, et malgré l’illusion de choix qui ne tient pas vraiment, on s’est aperçu que le jeu avait quelque chose d’assez unique à proposer. Il prenait au pied de la lettre l’expression « incarner un personnage ». Face à un scénario qu’on ne peut infléchir qu’à la marge, et à un environnement ludique limité, ce que nous demande The Walking Dead, c’est d’être Lee, puis Clementine. Le jeu ne donne pas d’objectif, il n’y a pas de mission à remplir, il se contente de créer une situation que vous allez volontairement subir, et vous proposer une palette de comportements à choisir, en temps limité pour imiter ce que serait la vraie vie. C’est notamment pour ça que les épisodes de cette saison qui ont pris leurs distances avec les QTE et les phases de point’n click étaient les plus enthousiasmants : ils tendaient vers un gameplay effacé, presque organique, constitué de dialogues. Se projeter dans un personnage fictif et y apporter de sa propre personne. Finalement The Walking Dead n’est qu’une grande pièce de théâtre où l’on est le moteur du récit. Ainsi, même en sachant qu’il existe des possibilités alternatives à mes choix et qu’il me serait théoriquement possible de revivre une histoire différente (au moins à la marge), je n’ai aucune envie de le faire, non par paresse mais parce que refaire une partie reviendrait à détruire les personnages que j’ai incarnés, comme si on me demandait de modifier volontairement un souvenir. C’est une expérience forte et assez rare, et qui prouve que derrière l’idée d’un jeu narratif au gameplay organique peut se cacher autre chose qu’un téléfilm M6. Néanmoins, cela crée certains obstacles, pas tous surmontés.

A world of clichés

L’un des premiers problèmes que cela pose, c’est la gestion de la mort. En toute logique, puisque vous n’êtes qu’un personnage parmi d’autres, vous n’êtes ni plus ni moins susceptible de survivre à tout et n’importe quoi que n’importe quel autre personnage. C’était d’ailleurs ce qui rendait le dénouement de la saison une si marquant : la descente aux enfers de Lee ne pouvait s’achever que par sa disparition d’une manière ou d’une autre. Sa survie aurait complètement ruiné la crédibilité de l’univers, en sapant son principe fondateur (c’est l’Apocalypse, les notions de bien et de mal n’ont plus cours, personne n’est à l’abri). Beaucoup de joueurs ont reproché à Clementine d’être une super-héroïne et un leader dans cette saison. J’ai déjà dit que je trouvais ce reproche hors de propos, puisque le joueur est bien placé pour savoir qu’elle a du cran et a survécu à pas mal d’expériences, et qu'être un enfant n'est pas incompatible avec être compétent dans des situations difficiles. Mais il faut bien avouer que No Going Back pose problème de ce point de vue-là. Disons-le clairement : Clementine aurait du mourir dans cette saison, en particulier dans cet épisode. Pas par symétrie avec la saison une, mais parce qu’une fille de onze ans avec le poumon gauche perforé par une balle et sans traitement antibiotique suite à sa profonde morsure de chien au bras ne peut pas survivre dehors par -30°C  au milieu d’une horde et avec son groupe de survivants qui s’entredéchire. Elle fera un pneumothorax et/ou une septicémie. OK, on est dans un monde où les morts reviennent à la vie, mais dans The Walking Dead, quand quelqu'un est dans un état tel qu'il n'a que peu de chances de survie, il meurt.



L’autre problème majeur vient de la difficulté à renouveler les situations vécues par les personnages, et l’écriture de ceux-ci. La première saison souffrait un peu de la présence systématique d’un dilemme à la fin de chaque épisode (je dois sauver A ou B mais pas les deux), qui donnait un aspect répétitif et prévisible à l’ensemble, mais elle avait au moins l’avantage de la nouveauté : les jeux nous demandant de laisser mourir un « gentil », voire de le tuer nous-même, ne sont pas légion. Cette deuxième saison a eu la brillante idée de remplacer ces dilemmes par des choix non-binaires (par exemple, il est évident que A va survivre et B va mourir, je peux choisir d’aider A pour m’attirer ses faveurs ou achever B pour lui offrir une mort digne) qui ne donnent pas cette impression de routine. Néanmoins, que le choix soit binaire ou pas, la situation dont il découle ne peut pas être systématiquement ébouriffante d’originalité. Une fois qu’on a dû faire face aux zombies, aux humains, à la faim, à la maladie, au froid et au manque de sommeil, il reste peu de possibilités de surprise majeure.  C’est un paradoxe intéressant : au milieu de l’ensemble de la production vidéoludique, chaque épisode des deux saisons de The Walking Dead est une rareté. Mais quand on les compare les uns aux autres, on décèle des redondances, comme si la série se créait progressivement ses propres clichés. Ce qui nous semblait auparavant exceptionnel et marquant a perdu en intensité quand c’est la deuxième ou la troisième fois (voire beaucoup plus quand il s’agit de voir mourir des personnages secondaires) qu’on les vit.

Cette deuxième saison proposait pourtant deux pistes intéressantes : la présence d’une femme enceinte, qui dans une situation apocalyptique est tout autant un poids mort destiné à mourir qu’un  espoir de renouveau pour l’avenir, et Jane, un personnage principal farouchement opposé à l’idée de groupe, ouvrant la porte à une aventure en solitaire (ou au moins en comité réduit).
La naissance du bébé est très mal exploitée, puisqu’elle intervient après la mort de Carver et qu’il devient en réalité le nouveau McGuffin pour le groupe de survivants (chacun ayant son idée sur la meilleure manière de le protéger), par conséquent immortel puisque retirer le moteur de l’intrigue serait périlleux. Quant à Jane, j’ai déjà évoqué dans la critique de l’épisode quatre à quel point son personnage a été salopé. Sa présence dans le groupe pendant plusieurs épisodes est un complet paradoxe : censée incarner le cynisme et l’efficacité d’une survivante solitaire, elle rentre instantanément dans le jeu des relations de groupe et nous prend sous son aile, et sonne donc faux de bout en bout.  Pour éviter de finir sur une note négative, précisons tout de même que le niveau global de l'écriture de cette saison reste supérieur à l'immense majorité de la production, et que c'est avant tout parce qu'on en attendait beaucoup qu'on est un peu déçu.

 
Un peu poussif et décevant sur la fin sans toutefois être définitivement mauvais, No Going Back est parfaitement à l’image de cette deuxième saison de The Walking Dead. C’est d’autant plus dommage qu’un certain nombre de bonnes idées ont fait leur apparition tout au long des cinq épisodes. Le problème vient surtout de l’accoutumance à l’univers, qui rend banales des situations autrefois exceptionnelles, et rend de plus en plus difficile d’avoir une écriture à la fois originale et de qualité, qui était jusqu’ici le gros point fort de la série. S’il nous est permis de te donner un conseil, Telltale, prends bien ton temps avant de sortir cette troisième saison, il faut rénover le concept.
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